Tribune

Résolument démesurée mais engagée, l'exposition universelle de Dubaï, qui s'achève le 31 mars prochain, regorge d’inventivité et d’instagramabilité.

Si le rôle des expositions universelles a toujours été de promouvoir les innovations au nom du progrès, elles représentent surtout l’opportunité de renforcer les relations diplomatiques et d’encourager les échanges, aussi bien en termes de savoir, de créativité que de commerce. Ce sont de véritables mines d’or, chacun y expose ses savoir-faire, innovations, points de vue, avec une certaine volonté de démonstration, plus ou moins aboutie. En tous cas, c’est notre sentiment après avoir eu la chance de fouler les allées de celle de Dubaï le mois dernier dont le thème est «Connecter les esprits, construire le futur». Une visite riche en inspiration.

Une ambition démesurée mais engagée

Commençons par ce point à la fois frustrant et surtout frappant : quelle grandeur ! Évidemment, il est impossible de faire le tour des plus de 450 hectares sur une journée, le site de l'Expo 2020 Dubaï est immense ; il rassemble 192 pays avec chacun son pavillon. C’est d’ailleurs le plus grand évènement jamais organisé aux Émirats Arabes Unis, qui aurait par ailleurs couté entre 6 et 8 milliards de dollars. Une aventure de la démesure, à l’image du pays hôte.

Et contrairement aux idées reçues sur l’Émirat, les considérations écologiques sont au cœur de cette exposition universelle. Un district entier est dédié à la durabilité, rassemblant les technologies les plus avancées au monde en matière de développement durable dans une volonté de promouvoir l’harmonie entre la nature et la haute technologie. Le pavillon Terra en est un exemple : ce géant d’acier dont le toit incliné, aussi grand qu’un stade de foot, est recouvert de milliers de tuiles photovoltaïques. On y découvre des solutions comme l’exploitation de l’énergie solaire ou encore l’utilisation intelligente de l’eau (techniques d’irrigations innovantes visant à réduire de 75% la quantité d’eau utilisée). C'est l’incarnation d‘une véritable volonté qui illustre aussi l’ambition de Dubaï dans les nouvelles technologies, qui a d’ailleurs d’ores et déjà annoncé que le site sera, a posteriori, transformé en «district de l’innovation», accueillant des dizaines d’entreprises, de labos et de start-up travaillant sur le sujet.

Le règne du digital

S’il y a bien un item qui s’impose comme le marqueur fort de tous les pavillons, c’est incontestablement le digital. Présent sous toutes ses formes, il règne à travers des écrans géants, courbés, transparents, et des projections sur objet, au sol, ou encore au plafond. En synthèse, plus les supports et techniques sont combinés, plus le résultat est spectaculaire et immersif. Il nous absorbe ainsi complétement, nous faisant même oublier de saisir la beauté du moment sur nos iPhones.

Cette tendance est parfaitement incarnée par le dôme central Al Wash Plaza, qui au-delà d’être parfaitement symbolique, est aussi une prouesse technologique avec sa surface de projection à 360°, ce qui en fait le plus grand cinéma immersif au monde. Une installation gigantesque (67,5 mètres de haut par 130 mètres) conçue par Adrian Smith + Gordon Gill Architecture, «sustainable», qui a reçu le prix Excellent de CEEQUAL pour sa conception intelligente et qui, à la nuit tombée, se transforme en une surface animée entièrement recouverte de projections vidéo. Un son et lumière spectaculaire qui se mêle aux chorégraphies des danseurs sur scène, avec le malheureux défaut de ne pouvoir fonctionner réellement qu’à la tombée de la nuit.

Car en effet, le problème de l’écran roi partout, pour tout, c’est qu’il s’utilise principalement en intérieur. Se pose alors la question de la gestion intérieur / extérieur. Cette problématique est plutôt bien gérée par des pavillons comme celui de l’Arabie Saoudite ou du Royaume Uni, qui ont utilisé leurs façades digitales comme des prolongations de leurs dispositifs intérieurs. Par exemple, les visiteurs du pavillon anglais sont invités à laisser un mot lors de leur visite, ces derniers sont ensuite exploités via un système d’intelligence artificielle afin de projeter des poèmes collectifs et évolutifs sur la façade.

Autre innovation, des dispositifs à 360 degrés qui réinventent la projection, avec des installations immersives et interactives donnant au digital une nouvelle dimension. Le pavillon russe est un exemple inspirant d’exploitation du digital sous toutes ses formes. Dès l’extérieur, l’immense pelote de câbles nous invite à pénétrer dans un nouvel univers ultra-connecté, abrité par une voie lactée mouvante qui domine une multitude de supports digitaux. Au centre, un cerveau géant sert de socle vidéo et pilote en donneur d’ordres les dispositifs connexes : des parois animées, des sols interactifs, ou encore des bras futuristes robotisés portant des écrans cubiques.

Enfin, le pavillon de la mobilité incarne quant à lui aussi bien la démesure des installations que l’omniprésence du digital. Ici les dispositifs physiques et virtuels sont combinés et parfaitement intégrés dans une scénographie ultra-futuriste. L’immersion démarre dès l’entrée grâce à un ascenseur démesuré qui nous plonge dans le noir et nous élève vers le commencement de l’histoire. La visite débute alors face à de gigantesques sculptures incarnant des explorateurs légendaires et descend petit à petit au cœur de la technologie. C'est un parcours visuel ultra-immersif où les mappings vidéo s’imbriquent et s’animent sur des écrans transparents, mobiles, des tubes de plus de 15 mètres et des sphères géantes. On a l’impression de se promener dans un décor complétement surréaliste voire féérique.

L'expérience plutôt que la démonstration

La conclusion rassurante de cette exposition universelle de la démesure est que les débauches de moyens ne suffisent pas. Un parcours visiteur bien pensé, un équilibre entre dispositifs digitaux pertinents et architecture radicale, un propos lisible et des choix forts sont aussi les clés pour rendre mémorable une visite. 

Et c’est peut-être finalement ce qui nous a manqué lors de notre visite du pavillon français, dont le message et la cohérence étaient moins visibles. En effet, le choix d’une thématique mensuelle donne un goût d’inachevé sur la découverte du pays, la scénographie pousse davantage les marques que le savoir-faire et perd donc en modernité et en immersion. Dommage car la démarche d’écoconception est exemplaire (choix des matériaux, autonomie énergétique, démontage et réinstallation du pavillon à Toulouse) et la façade digitale est spectaculaire à la nuit tombée. 

Il y a donc beaucoup à voir et à dire au sujet de cette exposition universelle de Dubaï, qui malgré les critiques adressées semble plutôt bien se dérouler dans un contexte covid qui se fait presque oublier le temps d’une visite, grâce notamment aux exploits de chaque pays, qui regorgent d’inventivité et d’instagramabilité quand il s’agit de briller aux yeux du monde entier.

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