Boissons

Ancrée en Auvergne-Rhône-Alpes, l’enseigne Ninkasi, spécialisée dans la production de bières, l’événementiel et la restauration, s’apprête à prendre une dimension nationale et se dote d’une raison d’être destinée à préserver ses valeurs.

En voyant débarquer ces derniers temps dans les rayons des Franprix et Monoprix de nouvelles bières siglées Ninkasi, certains clients ont été surpris. Et avec un nom pareil, la méprise n’est jamais loin. « Nous avons eu des retours à propos de bières japonaises proposées dans certaines enseignes de Paris ou ailleurs en régions », en sourit Christophe Fargier, fondateur de ce qui s’avère être en réalité une fabrique de bières artisanales ainsi qu’un réseau de bars-restaurants musicaux solidement établi en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais même si Ninkasi figure dans le top 10 des brasseurs français et dispose à date de 23 établissements, son dirigeant le concède : « Nous avons un déficit de notoriété à l’échelle nationale. » Plus pour longtemps ? C’est le chemin que souhaite prendre l’entreprise. Après l’ouverture de nouveaux établissements à Mâcon, Aubière et Dijon en 2021, la marque s’apprête à changer de dimension en abolissant définitivement ses frontières dans les mois à venir. « Nous visons quatre à cinq ouvertures d’ici à fin 2022, dans des villes comme Aix-les-Bains, Valence, Rouen ou Toulouse », dévoile le natif de Saint-Étienne, conscient du chemin parcouru depuis l’ouverture du premier site en 1997 dans le quartier de Gerland.

Projet avant-gardiste

Mais qu’est-ce que Ninkasi ? À l’origine, le projet, dont le nom renvoie à la déesse de la bière dans la mythologie sumérienne, s’inspire des microbrasseries à l’américaine. « En 1995, je suis parti un an aux États-Unis pour apprendre à brasser avant de revenir à Lyon y adapter le concept », retrace-t-il quant à un projet de « pubs modernes » dont les desseins originels ont finalement peu varié : bières, musique et burgers. « Il a fallu trouver notre public. À nos débuts, la mode n’était pas aux bières artisanales et nous avons subi beaucoup de critiques », rembobine le fondateur au sujet d’une tendance ayant depuis bien évolué. « La Coupe du monde de football 1998 a permis d’élargir notre public mais il a fallu effectuer un travail d’évangélisation », reprend-il en écho au développement progressif d’un maillage et d’une activité dont la musique constitue le deuxième pilier. L'entreprise ouvre ainsi en 2000 une salle de concert de 700 places : le Kao. Un pari qui tient économiquement ses promesses et infuse tous les lieux ouverts par la suite. « Aujourd’hui, notre offre représente plusieurs centaines de concerts et événements annuels avec une programmation gratuite de café-concert et une programmation payante. Nous avons également mis en place un fonds de dotation dédié aux artistes émergents », détaille-t-il quant à une stratégie faisant une large place aux artistes régionaux, avec une programmation allant du pop-rock à l'électro en passant par le hip-hop ou le jazz. L’idée : brasser les courants musicaux mais aussi les cultures et les publics. De quoi contribuer à la notoriété de Ninkasi tout en construisant, en particulier grâce aux réseaux sociaux, une véritable « marque média » capable de toucher « plus d’un million de personnes par mois ».

Question de franchise

Le début des années 2010 marque un tournant. Pour répondre à ses besoins croissants, Ninkasi délaisse sa brasserie historique de Gerland pour installer sa nouvelle unité de production à Tarare, une ville située au nord-ouest de Lyon. À la clé, une capacité de production décuplée et des emplois dans une vallée durement touchée par le déclin de l’industrie textile. Mais si Ninkasi parvient à essaimer au-delà de l’agglomération lyonnaise ces dernières années, il le doit aussi à l’adoption du système de franchise. Un terrain sur lequel l’enseigne – en concurrence avec des acteurs comme Au Bureau ou Les Trois Brasseurs – suscite beaucoup d’intérêt.

Troisième pilier : une offre de restauration privilégiant depuis ses débuts la logique de circuits courts. « Plus de 70% de nos achats en sont issus », pointe le dirigeant, qui revendique avec fierté cette identité régionale. « Nous sommes originaires de terres d’excellence gastronomique qu’il faut défendre. On se soucie de nos externalités mais aussi de construire un projet vertueux pour la marque comme pour le territoire », pèse-t-il quant à un engagement qui ne se contente pas de mots. En témoigne le virage pris par l’entreprise afin de développer sa nouvelle usine tararienne, qui doit permettre de tripler la capacité de production à compter de 2023. « De 40 000 hectolitres annuels, nous allons passer à 120 000 hectolitres, dont un quart consacré à la production de whisky », résume l’entrepreneur quant à un chantier particulièrement ambitieux : 30 millions d’euros à mettre sur la table. L’équivalent du chiffre d’affaires annuel du groupe.

Relais de croissance

Cette capacité à partir tapis après plus de 20 ans force le respect. Pour autant, si Christophe Fargier connaissait dès le départ l’ampleur de la mise et l’endettement associé, un imprévu de taille est passé par là, poussant le groupe à réviser ses plans. Pris en étau entre ce lourd investissement structurel et les effets ravageurs du Covid-19 (chiffre d’affaires en baisse de 30% en 2020), Ninkasi n’a eu d’autre option que de précipiter la vente de son site historique de Gerland. Pas de quoi inquiéter Christophe Fargier, qui entend au contraire « franchir un palier en devenant une marque nationale ». Sans pour autant renier ses principes, gravés dans le marbre sous la forme d’une raison d’être adoptée début 2022. « Bien sûr qu’on souhaite ouvrir à Paris et se tourner un jour vers l’international. Mais pas à n’importe quel prix », confirme-t-il. « Pour la bière, nous disposons d’une stratégie de distribution exclusivement nationale. À l’inverse, le whisky, qui nécessite plusieurs années de vieillissement et qui voyage bien, sera uniquement destiné à l’export. » Un débouché qui, avec les futurs franchisés, doit servir de « relais de croissance » quand la marque « arrivera à saturation en termes de parts de marché » sur le segment de la bière artisanale. En attendant, Ninkasi poursuit son implantation dans les enseignes de grande distribution aux quatre coins de l’Hexagone. « En 2022, nous serons également référencés chez Carrefour et Intermarché en Île-de-France », se félicite Christophe Fargier. De quoi se faire définitivement un nom et ne plus entendre parler de bière japonaise.

Chiffres clés

1997 Lancement de Ninkasi

23 Nombre d’établissements (9 en propre, 14 franchises)

30 millions d’euros Chiffre d’affaires estimatif 2021 (franchises comprises)

50 millions d’euros Chiffre d’affaires prévisionnel 2022 (franchises comprises)

300 Nombre de salariés (équivalent temps plein)

10% Part du chiffre d’affaires que représentent le click&collect et la livraison à domicile sur le volet restauration

50% Proportion des bières produites que la marque se fixe d’écouler en grande distribution (35% en points de vente et 15% via les circuits de distribution spécialisés)

120 000 hectolitres Capacité de production annuelle de la nouvelle usine Ninkasi, dont l’ouverture est programmée en avril 2023

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