Spécial RSE

Peut-on se passer du plastique pour emballer les produits de grande consommation ? Les initiatives se multiplient dans deux directions : lui substituer des biomatériaux ou le supprimer grâce à l’adoption de nouveaux usages. Tour d’horizon.

Assiste-t-on à une révolution du packaging ? Confrontés à une pression règlementaire accrue prévoyant l’interdiction de certains plastiques à usage unique, et à la défiance de consommateurs sensibles à la pollution visible de ces matériaux, les industriels ont jusqu’à présent privilégié leur réduction dans le poids de leurs emballages et l’utilisation de matières recyclées. Mais l’on assiste aujourd’hui, observe Benoit Chaix de Lavarene, directeur général de l’agence Team Créatif - qui œuvre pour Danone, Ferrero ou Mars -, à « une multiplicité d’initiatives » permettant, de manière plus radicale, de se passer du plastique. Ces « signaux faibles » laissent à penser qu’on se rapproche d’un « point de bascule » débouchant peut-être, à terme, sur un monde sans plastique.

La première solution consiste à trouver un matériau de substitution qui offre les mêmes propriétés de conservation et de praticité. Ce n’est pas une mince affaire tant le plastique demeure un produit miracle. « Si votre voiture consomme aujourd’hui 4 ou 5 litres aux 100 km, contre 18 ou 19, c’est qu’elle pèse deux fois moins lourd », illustre Christophe Pradère, CEO de BETC Design. L’une des initiatives les plus remarquables vient de Chanel avec sa prise de participation dans la start-up finlandaise Sulapac, qui développe un matériau biosourcé. À base de copeaux de bois, il a été employé pour les capots des eaux de toilette. Et, pour sa nouvelle crème de soin N° 1 à base de camélia, Chanel a eu l’idée d’utiliser la coque de la graine de cette fleur pour produire le matériau de ses bouchons. « Cette initiative va plus loin dans la disparition du plastique », salue Christophe Lerouge, CEO de Crépuscule, en s’empressant de souligner que ce dernier « reste difficilement remplaçable » pour nombre de produits sur lesquels son agence spécialisée en cosmétiques travaille. De son côté, Christophe Pradère n’est pas loin de voir dans les champignons, ou plus exactement dans le mycélium de ses filaments, l’une des solutions d’avenir pour créer des bioplastiques.

Penser le packaging comme un tout

Directrice de la stratégie et de l’innovation de l’agence Dragon Rouge, Sophie Grenier alerte sur la nécessité de penser le packaging comme un tout. « À quoi cela sert-il de remplacer le plastique par un matériau plus durable si l’on conserve une étiquette qui contient, elle, des encres polluantes ? », s’interroge-t-elle, en plaidant pour une démarche « circulaire ». Elle cite notamment la bouteille de Perrier qui s’est affranchie de son étiquette par un effet d’embossage. Dans les matériaux d’emballage innovants, Benoit Chaix de Lavarene souligne l’émergence de la tendance du matériau comestible, comme les couverts Bakeys en Inde ou la tasse développée par Tassiopée. Une fois votre café avalé, vous pouvez croquer son contenant, à base de biscuit. Ces initiatives, toutefois, ne concernent pas encore l’emballage lui-même.

Le packaging fait sa révolution dans une autre direction, en modifiant cette fois les usages de consommation. Avec le vrac, qui supprime l’emballage lui-même, l’évolution est radicale. Les écueils restent nombreux, au regard notamment des enjeux sanitaires et logistiques. Renaît aussi une pratique oubliée, la consigne. En dehors de régions comme l’Alsace où elle s’est maintenue ou de circuits de distribution comme les cafés-restaurants qui continuent à retourner les bouteilles d’eaux minérales consommées à leurs tables, l’habitude s’est perdue.

Blédina, leader en France de l’alimentation infantile, teste actuellement la consigne sur une gamme de dix références de petits pots pour bébé, sur des magasins franciliens ainsi qu’à Brive, à proximité de son unité de production. Selon Clara Mottier, qui pilote ce projet pour la filiale de Danone, 20 % des clients ont effectué au moins une fois l’achat d’un produit consigné. Le taux de retour dépasse dans certains cas 60 %, pas loin du maximum, 80 %, obtenu dans le domaine. Mais les contenants en verre, pour être utilisés plusieurs fois, doivent être plus épais et disposer d’une ouverture plus large. Les lignes de production actuelles ne sont pas en mesure de les gérer. Cela supposera de lourds investissements pour passer à un système à grande échelle.

Changer peut être "perturbant"

Les industriels redoutent aussi, de manière plus générale, les risques de modifier les habitudes des consommateurs. Rien que le fait de changer la couleur d’un packaging peut être « perturbant » pour le client, et d’autant plus en libre-service, remarque Alain Plougastel, un adhérent Intermarché en charge, à la direction marketing, des produits de l’enseigne. Il en avait fait l’expérience quand il avait fallu retirer un pigment non recyclable, le noir de carbone, de barquettes de viande au profit d’un conditionnement plus transparent.

À mi-chemin entre le vrac et la consigne, la marque Mustela teste dans certains points de vente la distribution de contenants en verre consignés qui permettent au client de remplir sur place son flacon et de le rapporter une fois le produit utilisé. « En tant qu’élément de fidélisation, la recharge est une opportunité pour les marques », observe Emmanuelle Le Nagard, professeure de marketing à l’Essec, qui soulève aussi la question du prix. « Les consommateurs estiment que c’est aux marques de faire l’effort, ils ne veulent pas subir les coûts d’un emballage plus vertueux », dit-elle. Autre disruption, la livraison à domicile. Dragon Rouge a travaillé, indique Sophie Grenier, pour « Sun Letterbox », des pastilles de lave-vaisselle expédiées par la poste au domicile du client. « Le carton d’expédition lui-même devient le carton d’emballage », relève-t-elle. La marque en moins s’y essaye aussi pour différents produits ménagers. Dernier en date, un liquide vaisselle livré dans un format à diluer à la maison dans un flacon en verre rechargeable. Arthur Acker, qui a lancé la start-up Superbrosse, réinvente lui aussi la façon de consommer en proposant, sur abonnement, de livrer par courrier des brosses à dents au manche en bambou. En deux ans, il a conquis déjà 5 000 clients et se félicite d’avoir évité plus de 50 tonnes de déchets plastiques.

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