Dans le sillage de l’élection de Donald Trump, et face à l’offensive des lobbys conservateurs, les entreprises reculent sur la diversité et coupent leur com et leurs programmes d’inclusion.

Les engagements des entreprises ne tiennent finalement qu’à un fil. Après Ford et Jack Daniel’s, c’est au tour des supermarchés Walmart, premier employeur privé aux États-Unis, de rejoindre la liste des entreprises et institutions ayant réduit drastiquement leurs programmes pour la diversité face au lobbying dit « anti-woke » (même si le terme reste polémique), renforcé par l’élection de Donald Trump. Ainsi, Walmart a confirmé qu’il n’utilisera plus l’acronyme D.E.I, « diversité, égalité et inclusion », dans sa communication. En outre, le distributeur mettra fin à un programme de diversité au sein de ses fournisseurs, fermera un centre pour « l’égalité raciale » et arrêtera de communiquer ses données à une ONG recensant les actions des entreprises en faveur de l’inclusion des personnes LGBT +. Ce virage s’inscrit dans le sillage de la campagne de Donald Trump et plus largement de l’offensive des conservateurs américains, renforcée par la décision de la Cour suprême en 2023 d’abolir les programmes de discrimination positive à l’université, un des acquis de la lutte pour les droits civiques des années 1960. Ainsi, des groupes conservateurs ont utilisé cette décision pour lancer de nombreuses procédures judiciaires contre des entreprises ou des institutions publiques pour qu’elles arrêtent leurs programmes visant à mettre fin aux discriminations historiques des minorités. Et les digues cèdent, poussant les entreprises à reculer.

L’adoption de ces programmes avait progressé après l’immense vague de protestation antiraciste qui a suivi la mort en 2020 de George Floyd, un Afro-américain tué par un policier blanc à Minneapolis lors d’une arrestation devenue le symbole des violences contre les personnes noires aux États-Unis.

« Étalage de vertu »

Les conservateurs accusent ces programmes de consister en un « étalage de la vertu » et une « apologie du politiquement correct » et prétendent qu’ils désavantagent particulièrement les hommes blancs. Âgé de 35 ans, le militant Robby Starbuck, un défenseur affirmé de Trump, a entamé une véritable croisade contre la « bien-pensance » et se vante d’avoir fait plier Ford ou Harley-Davidson.

Le rétropédalage de Walmart « est la plus grande victoire à ce jour pour notre mouvement visant à mettre fin au wokisme dans les entreprises américaines », s’est-il réjoui sur la plateforme X. Il a lié une hausse de l’action Walmart à cette décision, prédisant la faillite des entreprises qui resteraient selon ses termes, « woke ».

Dans une interview, avant l’élection de Donald Trump, il affirmait que les Américains en avaient marre de la « culture woke » dans les entreprises : « On se retrouve dans une situation où chaque employé se voit imposer une idéologie et où les autres points de vue ne sont pas représentés », expliquait-il.

Se couper de talents

Selon un sondage du Pew Research Center, la part des employés qui pensent que leur entreprise fait trop attention aux questions de diversité est passée de 14 % en février 2023 à 19 % en octobre 2024. En parallèle, une étude du think tank The Conference Board, composé de centaines d’entreprises, montre, elle, qu’une part solide (58 %) des 1 300 employés interrogés pense que leur entreprise consacre les moyens appropriés à ces questions. « Les dirigeants devraient se concentrer sur ce qui compte vraiment pour leurs employés […], ces initiatives étant cruciales pour attirer et garder des talents actuels et futurs », a déclaré Allan Schweyer, responsable des études sur le capital humain pour le groupe de réflexion. Car en entreprise, être contre la diversité, c’est aussi se couper de talents.

Mais n’en déplaise aux marques sincères, le mouvement devrait se poursuivre avec le retour à la Maison Blanche du milliardaire républicain. La rhétorique du président élu Donald Trump est principalement orientée vers la lutte contre le politiquement correct qui « infecte » selon lui les écoles en promouvant des « insanités » sur l’ethnicité et le genre. Il a notamment promis de supprimer les subventions fédérales pour ces établissements. En mars, l’université de Floride a mis fin à ses programmes promouvant la diversité, emboîtant le pas à plusieurs campus dans une dizaine d’États, dans le cadre de l’offensive du gouverneur Ron DeSantis contre « l’idéologie woke ».

Lire aussi :