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Le président français Emmanuel Macron veut rebaptiser Pôle emploi en France Travail en cas de réélection. Un changement sémantique tout sauf anecdotique.

Emmanuel Macron en a fait une de ses propositions de campagne : renommer Pôle emploi en France Travail. Au-delà du changement de nom, dont il se murmure que le président français lui-même serait à l’origine, « l'idée est que France Travail rapproche des acteurs de l'emploi, de l'insertion et de la formation et qu'ils travaillent ensemble pour répondre à un objectif de plein-emploi », expliquait il y a peu au Figaro une source de l'équipe de campagne, en écho au « guichet unique » de l'emploi voulu par le candidat LREM lors de la présentation de son programme. Un projet qui signerait la mort de Pôle emploi, né en 2008 de la fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Assédic). Mais est-il nécessaire de sacrifier une telle marque ? Et si oui, à quelles conditions ? Réponse avec deux experts du naming.

Marcel Botton, fondateur de l’agence Nomen

« Je suis d’autant plus concerné que j’ai œuvré à la création de Pôle emploi. Ce serait se priver d’une marque dont la notoriété assistée flirte avec 100%. Pour autant ce n’est pas problématique. D’une part, Pôle emploi n’est pas une entreprise. D’autre part, son rôle central lui garantit la notoriété. Passer du terme "emploi" au terme "travail" va dans le sens d’un discours qui suggère que les aides s’accompagnent de contreparties, la première étant de travailler. Un changement de nom sous-entend d’ailleurs des changements de fond. Rien ne serait pire que de changer uniquement le nom. Un lifting cosmétique serait mal perçu, sans omettre le coût du déploiement dans les centaines de locaux sur le territoire. Cette nouvelle appellation doit être l’incarnation du changement et non son préalable. Concernant France Travail, cette idée rejoint la tendance dominante qui consiste à rebaptiser les institutions en incluant le mot France. Cela ne date pas de Macron. En 2008, plusieurs propositions avaient été faites dont France Emploi, qui a tenu un temps la corde. Mais les tests menés avec Sofres avaient donné des résultats catastrophiques. »

Sophie Gay, fondatrice de l’agence Namibie

« Avec ce projet, Emmanuel Macron veut réasseoir la marque France, ce qui est légitime et cohérent vis-à-vis de ses convictions. Ce changement serait très significatif d’un point de vue sémantique, le terme emploi étant plutôt de gauche contrairement au terme travail, classiquement associé à la droite. On remarque aussi que le terme emploi a été abîmé et même galvaudé ces dernières années, à l’image des expressions employabilité et demandeurs d’emploi, qui tendent à réifier les personnes. Ce choix de France Travail n’est pas anodin: il comporte un aspect performatif qui revient à remettre la France au travail. Derrière ce naming, il y a évidemment une pensée politique. Il y a également sans doute plus d’énergie dans France Travail que dans Pôle emploi. Reste que le mot travail peut renvoyer à des références historiques pas toujours heureuses. À commencer par le triptyque travail, famille, patrie. »

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