Rebranding

Après un changement de propriétaire au dernier trimestre 2021, Aviva France s’est rebaptisé Abeille Assurances, revenant ainsi à son nom d’origine. À la fois un retour aux sources et un chantier de (très) grande ampleur entamé autour de la nouvelle marque.

Se faire racheter, c’est parfois aussi être rebaptisé. C’est ce qui est arrivé à Abeille Assurances, ex-Aviva France. Repris au groupe britannique Aviva par Aéma Groupe (composé de Macif et Aésio Mutuelle) en septembre 2021, l’entité hexagonale a désormais entamé sa transition vers un nouveau nom. Contrainte d’abandonner la marque d’ici à fin 2022, elle a dû se pencher rapidement sur le sujet. « Le brief devait répondre à trois enjeux : inscrire la marque dans une continuité historique de valeurs, rassurer sur le fait que celle-ci change mais pas l’expertise et faire adhérer nos parties prenantes dont les agents généraux, vecteurs de marque très importants pour nous, et enfin moderniser, donner un nouvel élan », retrace Nancy Haye, directrice de la communication et de la marque de l’assureur, qui organise pour trouver sa nouvelle identité une compétition d’agences, remportée par Babel face à trois autres. Ce qui a séduit ? L’idée d’un retour aux sources. Plutôt que d’inventer un nouveau nom, c’est le mot abeille qui est choisi, porteur de valeurs (protection du territoire, défense du bien commun, solidarité, travail, préservation de l’environnement…) chères à l’assureur, qui s’appelait « l’Abeille Bourguignonne » à sa création en 1856 et qui, au gré des rachats et des regroupements et au fil des stratégies, a porté de nombreux noms depuis. La marque était en sommeil depuis 1998 mais restait protégée à l’INPI.

« Nous ne sommes pas dans la nostalgie. Nous récupérons un pouvoir de marque, une notoriété, une réputation », explique Christian de Bergh, directeur du design et associé chez Babel, qui s’est adossé à l’agence intégrée à la direction de la communication d’Abeille, composée d’une vingtaine de personnes, pour avancer. « Nous nous appuyons sur une rémanence émotionnelle : plus de 44% des Français se souvenaient de la marque, restée forte aussi chez les agents généraux », complète Nancy Haye. Un logo en forme d’abeille est choisi (« on voulait un emblème », déclare Babel) et une charte graphique est en cours de déploiement. Au total, 856 agences devront avoir changé d’enseigne d’ici à la fin de l’année, 2500 documents contractuels et commerciaux et 200 outils IT seront adaptés, de même que le nom des produits. Un nouveau site web est attendu pour juin.

Pression du temps. L’intérêt du projet, c’est qu’il dénote sur son marché. « Dans le secteur, les rebrandings sont rares. Il n’y a pas de grands mouvements en France et en Europe, pas de grande fusion, même si certains acteurs essaient de s’installer comme Santander », développe Frédéric Bois, consultant banque assurance au sein de la société de veille et d'études Sémaphore Conseil, avant de s’interroger sur un potentiel changement de nom pour HSBC France, racheté fin 2021. Aussi, il a dû se faire sous la pression du temps, compte tenu de l’obligation de faire disparaître l’ancienne appellation d’ici à la fin de l’année, conduisant presque à faire les choses à rebours, le nouveau nom précédant la stratégie et la plateforme de marque. Si les raisons sociales ont été changées, reste désormais à adapter le reste. Avec bien sûr un renfort en communication. Si un communiqué de presse est parti à destination des journalistes, les clients, eux, ont été informés via un flyer. « Nous sommes encore dans une période de transition, nous vivons avec les deux noms, pour l’instant on les rassure sur le fait que cela ne change rien avec leur contrat », raconte la dircom.

L’enjeu est aussi d’embarquer les agents généraux, qui ne sont pas salariés de l’entreprise mais gèrent des contrats client. Pour cela, une série de supports de communication est déployée à leur attention : vidéos, kakémonos, affiches, questions-réponses, messages clés, etc. Les collaborateurs, de leur côté, sont informés chaque semaine via une newsletter de l’état d’avancement du projet. Enfin, pour faire en sorte que le message passe auprès du grand public, deux campagnes sont en préparation, pour le printemps et l’automne. Elles seront portées par Altmann + Pacreau, retenue après compétition face à quatre autres agences.

Objectif digitalisation. Qui dit nouveau nom dit aussi repositionnement sur le marché – trusté par Crédit Agricole Assurances, Axa, CNP… dans lequel Abeille Assurances arrive bien après, avec ses 3 millions de clients, dont 85% de particuliers et 15% de professionnels (agriculteurs, experts-comptables, avocats, artisans…). Et qui bouge peu, donc, bien que deux changements soient en ce moment à noter, le départ de France d’ING, laissant un champ ouvert notamment sur la partie digitale, et la fusion entre Société Générale et Crédit du Nord. Mais sur la place qu’elle souhaite prendre, l’assurance, qui a changé de direction générale en même temps que le rachat, ne communique pas encore ses grandes lignes. Par ailleurs, la plateforme de marque est en cours d’élaboration, incluant une réflexion autour de la raison d’être, en collaboration avec la direction RSE. « Lorsque vous avez la chance d’avoir un nom qui embarque, vous ne pouvez pas derrière cela avoir un discours en contre-feu », estime Christian de Bergh. Il est à supposer que l’ambition ne sera pas la même avec Aéma, groupe mutualiste basé à Paris, qu’avec l’ancien actionnaire anglo-saxon. « Aviva avait créé un partenariat avec Amazon Pay pour réaliser des achats en lien avec son assurance », ajoute Frédéric Bois. Reste à savoir la place que prendra l’innovation dans sa stratégie.

Quoi qu’il en soit, Abeille devra répondre aux enjeux du secteur, l’assurance étant bousculée sur son terrain par les filiales assurance des groupes bancaires. « Les assureurs ne doivent pas rater le virage technologique ni celui de la data », soulignent chez Sémaphore Conseil Laurent Trichet, président fondateur, et Frédéric Bois. Le but : faciliter la souscription par exemple en digitalisant le parcours client, proposer des contrats personnalisés et augmenter la prévention. Enfin, les assureurs ont souffert d’un déficit d’image pendant la pandémie, n’ayant pas toujours couvert les pertes d’exploitation des restaurateurs dues au covid. Et les assurances sont parfois perçues comme une taxe supplémentaire. Un travail sera peut-être à mener sur ce volet.

Chiffres clés

4300  

Nombre de collaborateurs d'Abeille Assurances.

6 milliards d’euros.

Chiffre d’affaires brut consolidé en 2020 (chiffre 2021 pas encore publié).

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