TRIBUNE

[Tribune] Dans le contexte de la fin annoncée des cookies tiers, le marketing mix modeling peut être un bon moyen pour optimiser l’allocation de ses investissements marketing, médias et digitaux. Encore faut-il bien s'y prendre.

«Mort de la publicité ciblée»«big bang», «fin d’une époque»… La fin annoncée des cookies tiers, martingale de la publicité digitale depuis plus de 20 ans, a créé l’émoi au sein des directions marketing. En effet, face à une réglementation accrue sur l’utilisation des données personnelles et une défiance croissante des internautes, Google a décidé de changer de stratégie début 2020 en annonçant pour 2023 la fin des cookies tiers au sein de son navigateur Google Chrome, représentant 63% des parts du marché. A l’aune de ces changements qui vont bouleverser les standards du web, les acteurs de la publicité digitale doivent repenser leur stratégie marketing et s’orienter vers des solutions alternatives dont les contours restent encore à définir. 

Dans ce contexte de moins en moins propice au tout traçable et au tout mesurable, la question de la mesure et de l’optimisation du marketing mix revient naturellement sur le devant de la scène. Depuis une vingtaine d’années déjà, de multiples annonceurs et marques utilisent notamment le marketing mix modeling (MMM) pour optimiser l’allocation de leurs investissements marketing, médias et digitaux, sur différents leviers. Cette approche économétrique vise à isoler, mesurer et optimiser individuellement l’impact des différents leviers du marketing mix (média, prix, produit, promotions…) en neutralisant les facteurs externes. Dans un monde sans cookies, dans quelle mesure cette résurgence du MMM constitue-t-elle une opportunité pour les entreprises de continuer de faire des choix éclairés et de reprendre les rênes de leur performance marketing ?

Tirer parti du marketing mix modeling

Dans un contexte de foisonnement digital, de l’émergence de nouveaux médias et canaux, l’usage intensif de la donnée est au cœur du MMM. Une modélisation statistique exigeante qui mobilise une expertise marketing forte et de nombreuses compétences techniques. La maîtrise des plateformes et des flux de données, parfois en temps réel, et les exigences accrues en matière de transparence et de respect de la vie privée nécessitent une solide collaboration entre experts data et métiers. Pour toutes ces raisons, selon Forrester, 13% des entreprises ont choisi d’internaliser leur marketing mix modeling ces dernières années, et 50% l’envisagent dans un futur proche. Un choix radical qui remet en question la forte culture d’externalisation du secteur à l’œuvre depuis près de 20 ans.

Interrogés par Forrester dans le cadre de sa dernière Global Marketing Survey 2022, les spécialistes du marketing B-to-C confirment, pour 31% d’entre eux, que les membres de leur département marketing possèdent les compétences requises pour l’analyse et la mesure du marketing. Un quart prévoit de former les employés existants et de rendre ainsi le département marketing plus averti en matière de données. 27% prévoient d'embaucher de nouveaux employés possédant des compétences en matière de mesure. Entre-temps, 18% prévoient de trouver des compétences en matière de mesure dans d'autres fonctions de l'organisation, comme la finance.

Miser sur ses ressources internes peut être un bon pari, même si le parcours pour y arriver dépend beaucoup de la maturité data des entreprises. Parmi les entreprises interrogées qui ont franchi le pas, les motivations sont claires : vouloir rester maîtres de sa performance, maîtriser ses données - comment les utiliser, les contrôler, les garder privées – développer des assets technologiques et gagner en agilité et profondeur d’analyse dans un contexte économique incertain qui requiert une meilleure maitrise des prises de décisions stratégiques…

Cette démarche d’internalisation peut aussi amener beaucoup d’agilité dans la prise de décision stratégique, en s’appuyant plus systématiquement sur des approches prédictives lors des moments clés de décision : planification/allocation stratégique des grands investissements, scénarisation des plans d’actions possibles, optimisation sous contrainte... Pour cela, les entreprises doivent anticiper les multiples défis d’une telle démarche car un MMM «in house» ne doit surtout pas être réduit à l’internalisation d’un code algorithmique : garantir l’adoption, repenser les process, former les équipes, faire vivre et évoluer la solution en continu sont les conditions nécessaires d’un projet à impact durable.

Le pari de l’approche hybride

Toutes les entreprises ne sont pas égales devant la démarche d'internalisation de leur MMM : culture MMM préexistante ou non, approche globale ou prise de décision décentralisée, maturité data des équipes, technologies et plateformes data déjà en place… De nombreux facteurs influencent la réussite d’une internalisation. C’est pourquoi cette démarche nécessite souvent de s’appuyer sur des compétences externes. On parle alors d’approche hybride.

Car en la matière, internaliser à tout prix n’a pas de sens, il s’agit avant tout de placer le curseur au bon endroit en fonction de la maturité de chaque entreprise. De l’acculturation des équipes au passage à l'échelle des plateformes data, en passant par la centralisation des plateformes, les prestataires extérieurs peuvent s’avérer clé pour guider les démarches et gérer le risque tout au long du parcours de transformation. Une manière pour les directions marketing de faire le pari de la réactivité et de la performance, sans renoncer à leur autonomie, mais en limitant les risques.

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