Cahier transition

Présente à notre conférence qui a rassemblé une dizaine de communicants engagés, le 19 septembre dernier, lors du Stratégies Festival, Marlène Schiappa, secrétaire d'État, chargée de l'Économie sociale et solidaire, détaille sa feuille de route et sa vision de la publicité responsable. Interview.

Après cet été meurtrier sur le front du climat, aujourd’hui, estimez-vous que les entreprises ont un nouveau rôle à jouer dans la société, pour accompagner la transition écologique ?

MARLÈNE SCHIAPPA. D’abord, les entreprises sont avant tout un lieu de travail et de rencontre. L’humain est un animal social et le confinement nous a rappelé l’importance des interactions. Les entreprises sont toujours des tiers de confiance. Récemment, nous avons pu constater cela à deux occasions : pendant le confinement et, face à la montée des violences conjugales, certains centres commerciaux ont agi en proposant d’héberger des femmes violentées ou en inscrivant les numéros d’appels d’urgence sur les tickets de caisse. Idem au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine, j’ai reçu des dizaines d’entreprises françaises à mon ministère qui avaient envie d’aider : embaucher des réfugiés ukrainiens, leur fournir de l’équipement ou des meubles pour qu’ils puissent s’installer… Je considère que toutes les sociétés sont des tiers de confiance et peuvent agir.

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Quel est votre rôle en tant que secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire ? 

L’un de mes objectifs, c’est d’accompagner une transition d’une économie de compétition à une économie de coopération, comme le décrit très bien l’ouvrage L’entraide : l’autre loi de la jungle [de Pablo Servigne, Gauthier Chapelle, éditions Les liens qui libèrent, 2017]. Leur thèse : celui qui s’en sort le mieux ce n’est pas le plus fort, mais celui qui recourt le plus à l’entraide. C’est un phénomène massif. D’autant qu’il y a, en France, un secteur social et solidaire très fort, composé d’entreprises ayant des statuts divers : mutuelles, scop, sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic)… Ce sont des structures innovantes qui pratiquent la démocratie interne, partagent leurs bénéfices avec tous leurs salariés. Un mouvement qui doit irriguer l’ensemble de l’économie.

Cet hiver s’annonce à risque sur le plan de l’inflation et de l’énergie, comment les entreprises peuvent-elles être solidaires pour passer ce cap compliqué ?

Je ne veux pas opposer entreprises et citoyens. Le gouvernement a pris des mesures fortes pour soutenir les entreprises. Certains nous disent : « vous préférez accompagner les sociétés plutôt que les gens ». Mais les entreprises, ce sont des gens. Quand on aide les entreprises, on aide l’emploi, donc on aide les familles. En parallèle, le gouvernement a adopté des mesures importantes pour protéger les Français à faire face à l’inflation, la hausse des prix de l’énergie, et en leur redonnant du pouvoir d’achat.

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Est-ce que l’inflation actuelle ne va pas donner un coup d’arrêt à la consommation responsable et donc à la communication responsable ?

Je ne constate pas une ruée vers les prix les plus bas. D’ailleurs, je m’insurge contre l’idée que la consommation responsable serait l’apanage des gens aisés et que les plus modestes ne sauraient pas consommer. Quand on ne peut acheter qu’un seul jean à ses enfants dans l’année, on va avoir intérêt à choisir celui qui durera le plus, plutôt qu’à se tourner vers la fast-fashion… D’ailleurs, plus de 80 % des consommateurs intègrent les questions d’impact dans leurs achats. Les modes de consommation évoluent. Quand j’avais 15 ans, ce qui était chic dans la cité où j’ai grandi c’était d’avoir un jogging neuf avec un logo dessus ; Aujourd’hui, ma fille de 15 ans recherche ses vêtements sur Vinted, veille à l’origine de la fabrication, aux matières utilisées et s’inquiète de l’exploitation des Ouïghours. Il y a une quête de sens et d’utilité sociale.

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Quel doit être le rôle de la pub dans ce contexte ?

Le rôle de la publicité est crucial aujourd’hui : elle doit faire rêver, nourrir les imaginaires, et aussi partager plus de sens. Quand un consommateur voit un logo, il ne pense pas uniquement à un produit ou service de la marque mais aussi aux valeurs qu’elle porte (diversité, solidarité…). On ne vend plus des boissons mais du plaisir, plus des voitures mais de l’évasion… et en plus, des engagements. 

Oui mais le greenwashing n’est jamais très loin…

Je ne voudrais pas que les marques s’interdisent de communiquer sur leurs actions responsables par peur d’être accusées de greenwashing. Il y a beaucoup de sociétés très vertueuses qui sont timides dans leur communication, or si elles ne communiquent pas, le consommateur ne saura rien de leurs engagements et c’est comme si elles ne faisaient rien. D’autant que la France dispose de nombreux garde-fous pour limiter le green et le social washing, à l’instar de l’Autorité de régulation de la publicité professionnelle (ARPP). La solution face au greenwashing ce n’est donc pas de communiquer moins mais de communiquer mieux.

Et elles devront le faire d’autant plus qu’à partir de 2024, les groupes vont devoir rendre publics un certain nombre d’indicateurs nouveaux. En effet, la directive européenne CSRD sur le reporting extra financier des grandes entreprises (plus de 250 salariés) devrait s’appliquer en 2024.

Enfin en parallèle, mon ministère va lancer avec le cercle de Giverny, qui réunit des responsables RSE dans les sociétés, un observatoire de la communication responsable.

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