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Le Mollat du livre
21/03/2003Premier libraire indépendant de France, numéro un à Bordeaux devant la Fnac et Virgin, Denis Mollat a toujours su s'adapter pour tenir son rang.
Méfiez-vous de l'eau qui dort. Sous son air de notable tranquille et besogneux, Denis Mollat cache un turbo. Une personnalité plus complexe que ne le laisse croire une apparence conformiste en quête de respectabilité. Seul héritier de la librairie fondée par son arrière-grand-père en 1896 à Bordeaux, il est, à quarante-neuf ans, aux commandes de la maison depuis quatorze ans. Pourtant, il ne voulait pas être libraire. Il a fait médecine. Dix-huit mois au Samu, puis retour au bercail...
Passionné d'informatique
Bien lui en a pris. Aujourd'hui, la librairie Mollat est la plus importante de Bordeaux, devant la Fnac et Virgin, et la première indépendante en France avec 300 000volumes en moyenne en stock sur 2 600 m2 pour 15 millions d'euros de chiffre d'affaires. Passionné d'informatique, Denis Mollat a propulsé sa librairie dans la modernité : informatisation de l'administration et de la logistique, connexion Internet haut débit, site Web marchand relié à la base de données Electre.
Comme Denis Mollat a peur de s'ennuyer, il s'active. Et relève tous les défis. Les prochains sont de taille. Fin 2003, le tramway sera en service et drainera en centre-ville une population plus jeune et plus diversifiée. En provenance de l'université, il marquera un arrêt rue Victor Carles, en face de la librairie.« En tant que président de l'association des grandes enseignes, j'ai commandé une étude à Cofinoga, qui estime que le tramway attirera 40 % de chalands supplémentaires en centre-ville,souligne-t-il.La librairie s'est préparée à cet enjeu. »
Les cinquante libraires de Mollat, réputés pour la qualité de leurs conseils, ont reçu une formation à l'accueil de cette clientèle sans doute moins experte.« On sait bien que certaines personnes ont peur d'entrer, intimidées par le côté institutionnel de notre maison. C'est cela que je veux changer. »Les livres de sciences humaines et techniques disparaîtront des vitrines dès cet été, au profit d'ouvrages sur le tourisme et l'art de vivre, et des livres de poche. Les rayons vont être réorganisés par genre : le livre de poche à côté de la littérature, le scolaire relégué au fond du magasin. La papeterie va disparaître et le rayon BD s'agrandir. Premier disquaire classique de Bordeaux, Mollat ne changera pas ce positionnement et ne touchera pas à sa galerie. Pour appuyer son message, il prévoit de la publicité, avec Ysa, une agence située à Pau.
La riposte de la Fnac
Car la librairie va devoir affronter la concurrence de la Fnac, qui quitte ses 2 200 m2 de la galerie Saint-Christoly pour s'installer le 19 juin sur 5 000 m2, rue Sainte-Catherine, à 300mètres.« En librairie, la Fnac passera de 35 000 à 70 000références »,indique Jean-Marie Brial, directeur de la communication. Pas de quoi inquiéter Mollat. Mais la Fnac a recruté une libraire réputée et va ouvrir un espace terroir et jeunesse dans le style des Fnac Junior, une cafétéria et un cybercafé. L'enseigne attend 14 000visiteurs par jour. Et du côté de la musique classique, la Fnac, qui a désormais un bon disquaire, compte bien reprendre sa première place.
Denis Mollat se dit serein. Il a connu des périodes plus redoutables. Quand, en 1989, il a succédé à son père et vécu la « trahison » de son directeur général, Jean Laforgue, parti monter Virgin, la bonne société bordelaise n'a pas misé sur lui. « Dallas au pays de Montaigne », a titréLe Monde.« Son coup de génie, c'est d'avoir recruté Anne Schenk, une très bonne gestionnaire passée par les Fnac de Strasbourg et de Lyon »,raconte Michelle Larue-Charlus, conseillère auprès du maire de Bordeaux pour l'urbanisme.
C'est de cette époque que datent ses travaux d'agrandissement de la librairie (4,5 millions d'euros), avec le rachat de boutiques voisines, la transformation des réserves en surface de vente et le percement des murs pour faire de Mollat une seule surface de 2 600 m2.« Je ne m'inquiète pas pour Denis Mollat,explique Nicky Fasquelle, directrice duMagazine littéraire. Sa librairie est l'une des meilleures de France, les écrivains saluent son respect de la chose écrite et son accueil, et ne tarissent pas d'éloges... sur sa cave. »