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Convergence de marques chez France Télécom
09/03/2006 - par Luc Vachez, avec Alain DelcayrePublicis et Havas vont orchestrer le passage sous label Orange des marques de l'opérateur, qui a fait de la convergence Internet-téléphonie-télévision son leitmotiv.
Et le gagnant est... Pardon, les gagnants sont : Publicis et Havas. L'annonce du résultat de la compétition d'agences pour le « rebranding » des marques commerciales de France Télécom sous le label Orange, jeudi 2 mars, avait des allures de Festival de Cannes. Le nom qui circulait dans les couloirs, Marcel, associée à Fallon Londres, est bien sorti. Les deux enseignes de Publicis Groupe décrochent la communication publicitaire grand public. Mais Havas, qui gérait une bonne partie du budget en France via BETC Euro RSCG, sauve l'honneur. Sa filiale corporate Euro RSCG C&O remporte, en lot de consolation, le marché professionnel pour le monde. Publicis Groupe gérera donc près de 80 % du budget de changement de marque, soit l'équivalent d'environ 12 millions d'euros de marge brute, et Euro RSCG C&O les 20 % restants, lui assurant 2,4 millions d'euros de marge brute.
Le budget en compétition ne concernait que la partie publicité dans les médias (50 %) des 200 millions d'euros consacrés au « rebranding » des marques de France Télécom. Un plan de grande envergure qui a débuté en juin 2005 et s'achèvera en décembre prochain. L'autre moitié serait affectée à divers postes, tels la papeterie, des prestations d'enregistrement ou encore le système d'information. La victoire de Publicis n'est pas sans ombre. Maurice Lévy n'a pas encore réussi, en effet, à convaincre les dirigeants de SFR, dont le budget est géré depuis onze ans par Publicis Conseil, qu'il existait « une muraille de Chine » entre cette agence et Marcel. Les discussions, qui se poursuivaient cette semaine, pourraient se conclure par la remise en compétition du budget SFR (lire ci-dessous).
Au final, le puzzle publicitaire du groupe France Télécom s'est complexifié. Euro RSCG C&O, qui est déjà en charge de la communication corporate (hors publicité) du groupe, gère donc toujours le B to B en France et désormais aussi à l'international. La filiale médias d'Havas, MPG, continue de gérer l'achat d'espace, pendant qu'Havas Sports s'occupe du sponsoring. De son côté, Publicis va jongler entre ses multiples agences pour gérer la publicité grand public en Europe : Fallon, chef de file, prend en charge la stratégie depuis Londres (tout en envoyant une équipe à Paris), tandis que Marcel, à Paris, planchera sur la création, avec des relais qui restent encore à désigner marché par marché. Leo Burnett (autre enseigne de Publicis Groupe) en Espagne et Publicis aux Pays-Bas, par exemple, seraient ainsi pressenties. Une savante alchimie qui devra parvenir à faire travailler ensemble des agences de différents réseaux.
La tâche de cette nouvelle équipe sera donc, notamment, de faire passer les marques Equant et Wanadoo sous le label Orange. Mais la marque France Télécom ne disparaît pas, « ni maintenant ni plus tard », a affirmé Didier Quillot, PDG d'Orange France. En France, comme en Pologne via la marque TPSA, l'opérateur historique conservera son nom pour commercialiser le téléphone fixe. Les objectifs stratégiques de ce « rebranding » sont doubles : élever Orange au niveau de marque mondiale - France Télécom réalise près de la moitié de son chiffre d'affaires à l'étranger - et en faire le vecteur de la fameuse convergence. En présentant le plan stratégique Next de France Télécom, en 2005, Didier Lombard, président du groupe, avait détaillé l'objectif : « Constituer une marque intégrée » et « mettre le client au centre, lui permettre de naviguer dans les produits. » Concrètement, la convergence, pour les consommateurs, c'est aujourd'hui la Livebox de Wanadoo, qui propose un « trois en un » : accès à Internet haut débit par l'ADSL, téléphone fixe et bouquet de chaînes de télévision par le Net. Les acteurs sont nombreux et la concurrence est rude sur le « triple play ». Mais se profile déjà l'étape suivante, qui devrait permettre aux compétiteurs de se différencier, avec le « quadruple play » : on ajoute le téléphone mobile aux trois services déjà proposés sur le Net. Aux États-Unis, plusieurs opérateurs, dont Verizon et Sprint, offrent déjà ce service qui permet à l'utilisateur final, une fois rentré chez lui, de basculer son mobile vers le service de voix sur Internet. En termes de marques, cette étape commerciale, c'est l'addition « Wanadoo + Orange ». L'intégration de l'ensemble des services de communication chez un même opérateur, avec une facturation unique, représente a priori une simplification appréciable pour le grand public. Les abonnés au téléphone fixe conserveront toutefois leur facture France Télécom en sus de la facture Orange.
Internet, média mature
Du côté des entreprises, volet géré par Euro RSCG C&O, la convergence, c'est d'abord l'intégration sous une même enseigne, Orange Business Services, d'une gamme de services bien couverte par France Télécom avec Equant (réseau propriétaire des entreprises), France Télécom Entreprises (multiservices, des PME aux grandes sociétés) et Orange Entreprises (mobiles). L'intégration de ces compétences diverses fait d'Orange une marque à fort potentiel sur le terrain des entreprises et face à une concurrence moins polyvalente, comme BT, spécialisé dans les réseaux, SFR Pro sur les mobiles ou IBM sur les services informatiques.
L'extension de la marque Orange « n'obéit pas seulement à une logique de convergence, mais aussi à une logique de nom », juge Marcel Botton, président de l'agence Nomen, qui a notamment créé Itineris, BeBop et Wanadoo, trois marques mangées par Orange. Wanadoo, créée en 1998 pour nommer le portail d'ODA (société devenue Pages jaunes), était connotée par le décalage propre à ce moment de l'histoire d'Internet. Aujourd'hui, la Toile n'est plus l'apanage des « d'jeunes » et Orange est le nom qui convient aux années de maturité d'un média devenu « de masse » : « Orange se situe entre l'impertinence de Wanadoo et le côté institutionnel de France Télécom, souligné par la couleur bleu », analyse Marcel Botton. Orange, c'est aussi une couleur, chaude qui plus est, « qui évoque le lever du soleil », dont le nom s'orthographie de la même façon en anglais qu'en français, poursuit-il. Pour Florence Hussenot, de l'agence Adwise, conseil en création de nom, la simplicité du nom Orange est parfaitement en phase avec la demande des consommateurs lassés par la complexité technologique et commerciale. Le concurrent SFR, qui vient de lancer sur le marché son produit Simply, a bien perçu cette tendance. Bouygues Telecom aussi, qui communique sur la simplification des formules « illimité ».
La technique du « big bang »
Entre Pâques et Noël - calendrier annoncé par la direction d'Orange -, la messe sera dite. La fenêtre de tir est large et la méthode n'est pas précisée. Mais on peut penser qu'à l'instar des premiers changements de nom de marque - Itineris, Ola et Mobicarte sont passés sous la marque Orange en 2001 -, la technique sera celle du « big bang », pour reprendre l'analyse de Chantal Lai, professeur de marketing (lire ci-contre) : du jour au lendemain, les clients d'Itineris ont vu s'afficher le logo d'Orange sur leur mobile. Sans changement de leur numéro de téléphone. Ce ne sera pas le cas de l'adresse életronique des clients de Wanadoo, qui se terminera par « @orange. fr ». La créativité de l'agence Marcel sera bienvenue pour les convaincre qu'au-delà de ce désagrément, le changement de nom se traduira par un avantage pour eux.