Les Français se sont précipités vers les points de vente pour acheter Charlie Hebdo. L’occasion de redécouvrir les vertus de la presse? Ou geste citoyen sans lendemain? Amaury de Rochegonde @derochegonde

Jean-Paul Abonnenc, directeur général de Mediakiosk, n’en finit plus de citer la une de Libé, le 15 janvier, jour de parution de Charlie Hebdo avec la caricature de Mahomet: «Je suis en kiosque» avait titré le quotidien, en reproduisant de multiples fois la une de l’hebdo satirique. «Des chaînes du monde entier sont venues filmer les kiosques, qui sont apparus comme emblématiques de la liberté de la presse, explique-t-il. Nous avons eu énormément de présence, avec des acheteurs nouveaux qui revenaient vers les kiosques ou des lecteurs réguliers qui ont acheté plus de journaux que d’habitude.» La réimpression de ce numéro de Charlie Hebdo, qui va atteindre 7 millions d’exemplaires, amène en effet vers les 27 000 points de vente des jeunes ou d’anciens lecteurs de presse qui avaient déserté le kiosque. Les quotidiens parisiens ont observé des bonds de 40 à 50% de leurs ventes dans les jours qui ont suivi l’attentat, Le Canard enchaîné a été réimprimé pour atteindre 1 million d’exemplaires, et les newsmagazines enregistreraient aussi des ventes en progression. «La tendance est bonne, c’est plus fort que d’habitude», dit-on par exemple à L’Express.

Liberté, vos papiers.

Une donnée importante, si on se souvient que l’affaire Merah, en mars 2012, qui avait fortement ému l’opinion, ne s’était pas traduite par un bond significatif de ventes pour les news. Internet et les chaînes d’information avaient alors essoré, en bonne partie, le sujet. Le fait qu’il s’agisse cette fois d’un crime terroriste contre des journalistes a déclenché un geste citoyen de solidarité dans les kiosques. «Tout le monde s’est rattaché au papier, qui est perçu avec le livre comme un des derniers espaces de liberté, car il n’y a pas d’algorithme derrière», souligne Karen Autret, porte-parole de l’Union nationale des diffuseurs de presse. La volonté d’aller au-delà d’images provoquant une sorte de sidération passive, notamment au moment de la double prise d’otages, explique aussi l’effet Charlie sur les ventes du papier. «Il y a un besoin d’analyse en profondeur sur le phénomène djihadiste, sur le réveil national, qui n’est pas couvert par le breaking news», note Denis Bouchez, directeur du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN).  

 

Il faudra aussi compter avec près de 200 000 abonnés à Charlie Hebdo. Peut-on pour autant parler de retour en grâce du papier? «Non, c’est volatil, mais il y aura vraisemblablement un effet résiduel», répond Marie-Cécile Rigault, directrice de la communication et du marketing des MLP. «Cela ne va pas inverser les tendances, complète le dirigeant de Mediakiosk, mais certains ont redécouvert la presse écrite. Il y aura une hausse des volumes en janvier, alors que les quotidiens viennent d’augmenter leurs prix.»

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