Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a identifié 36 manquements des chaînes et des radios pendant la traque des terroristes et la double prise d'otages du 9 janvier. Il a prononcé 21 mises en demeure et 15 mises en garde.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rendu ses conclusions concernant la couverture médiatique des attentats de Paris, survenus les 7, 8 et 9 janvier. Après avoir réuni le 15 janvier les responsables des chaînes, et analysé quelque cinq cents heures de programmes, il a identifié des séquences susceptibles de constituer des manquements, qui ont fait l’objet d’une instruction contradictoire.  

 

A l'issue d'une séance plénière, le 11 février, il a relevé 36 manquements dont 15 ont donné lieu à mise en garde et 21, plus graves, ont justifié des mises en demeure. 

 

Nous reproduisons ci-après les conclusions du CSA:

 

  -          «La diffusion d’images issues de la vidéo montrant le policier abattu par les terroristes. Le Conseil a examiné la séquence de l’assassinat du policier Ahmed Merabet par les terroristes, diffusée par la chaîne France 24. Même si l’instant précis de la mort n’a pas été montré, cette séquence faisait entendre les détonations d’arme à feu ainsi que la voix de la victime et exposait son visage et sa situation de détresse. Elle a porté atteinte au respect de la dignité de la personne humaine. En conséquence, le Conseil a décidé de mettre en demeure la chaîne de respecter ce principe fondamental. Par ailleurs, il a considéré que la diffusion, sur France 5, de la une d’un journal britannique, le Daily News, montrant l’image du policier à terre, dans une situation de détresse, non floutée, quelques secondes avant d’être abattu, méconnaissait également le respect de la dignité de la personne humaine. Le Conseil a mis en garde France 5 contre la réitération de ce type de manquement».


-          La divulgation d’éléments permettant l’identification des frères Kouachi.  Le Conseil a considéré que la divulgation, par i>Télé et LCI, d’informations concernant l’identification de Saïd et Chérif Kouachi, avant la diffusion de l’appel à témoins par la Préfecture de police et ce, en dépit des demandes précises et insistantes du procureur de la République, pouvait leur permettre de comprendre qu’ils avaient été identifiés et qu’ils étaient activement recherchés, ce qui risquait de perturber l’action des autorités. En conséquence, il a décidé de mettre en demeure ces chaînes de respecter leurs obligations relatives à l’ordre public.    

 

-          La divulgation de l’identité d’une personne mise en cause comme étant l’un des terroristes. Le Conseil a considéré qu’en désignant une personne comme étant l’un des terroristes recherchés par les autorités, même en entourant cette information de certaines précautions, les chaînes BFM TV, France 2, i>Télé, LCI et TF1, ont non seulement manqué de mesure dans le traitement de l’enquête, mais encore pris le risque d’alimenter les tensions dans la population à partir d’une allégation qui s’est révélée inexacte. Il a mis en garde ces cinq chaînes de télévision contre le renouvellement de tels manquements.    

 

-         La diffusion d’images ou d’informations concernant le déroulement des opérations en cours, alors que les terroristes étaient encore retranchés à Dammartin-en-Goële et à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes.   Le Conseil a considéré que la diffusion par les chaînes BFM TV, Canal +, Euronews, France 2, France 24, LCI et TF1, d’informations et d’images indiquant notamment le déploiement des forces de l’ordre, le positionnement exact de certaines d’entre elles ou encore la stratégie mise en place, aurait pu être préjudiciable au déroulement des opérations ainsi qu’à la sécurité des otages et des membres des forces de l’ordre, dans la mesure où les terroristes pouvaient y avoir accès. Le Conseil a mis en garde les télévisions concernées au regard de la nécessaire conciliation entre la sauvegarde de l’ordre public et le respect de la liberté de communication.    

 

-          L’annonce que des affrontements contre les terroristes avaient lieu à Dammartin-en-Goële alors qu’Amedy Coulibaly était encore retranché à la Porte de Vincennes. Le Conseil a relevé que BFM TV, Euronews, France 2, France 24, i>Télé, LCI, TF1, Europe 1, France info, France inter, RFI, RMC et RTL, ont annoncé en direct que des affrontements avaient éclaté entre les forces de l’ordre et les terroristes à Dammartin-en-Goële. Il considère que la divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële. En conséquence, le Conseil a décidé de mettre en demeure ces télévisions et radios de respecter l’impératif de sauvegarde de l’ordre public.


-          La diffusion d’informations concernant la présence de personnes cachées dans les lieux de retranchement des terroristes, alors que les assauts n’avaient pas encore été menés par les forces de l’ordre et qu’un risque pesait donc toujours sur leur vie. Le Conseil a relevé que France 2, TF1 et RMC ont signalé la présence d’une personne qui était parvenue à se cacher dans l’imprimerie où Saïd et Chérif Kouachi s’étaient retranchés. Il constate aussi que BFM TV et LCI ont émis l’hypothèse qu’une ou plusieurs personnes s’étaient réfugiées dans une chambre froide ou dans une réserve du magasin Hyper Cacher où Amedy Coulibaly retenait ses otages. Le Conseil a considéré que la diffusion de ces informations, à l’heure où les terroristes pouvaient encore agir, était susceptible de menacer gravement la sécurité des personnes retenues dans les lieux. Il a décidé de mettre en demeure les médias audiovisuels concernés de ne plus renouveler de tels manquements à l’ordre public.    

 

-          La diffusion des images de l’assaut mené par les forces de l’ordre dans le magasin Hyper Cacher de la Porte de Vincennes. Le Conseil a examiné la diffusion intégrale, par France 3 et Canal +, d’une vidéo montrant l’assaut mené contre l’Hyper Cacher, y compris les tirs mortels sur le terroriste alors qu’il affrontait les forces de l’ordre. Il a considéré que ces images insistantes, susceptibles de nourrir les tensions et les antagonismes, pouvaient contribuer à troubler l’ordre public. Il a, en conséquence, mis en garde les chaînes contre le renouvellement d’un tel manquement.   Tirant les enseignements de ces constats, le Conseil se propose d’apporter à la recommandation n° 2013-04 du 20 novembre 2013 relative au traitement des conflits internationaux, des guerres civiles et des actes terroristes par les services de communication audiovisuelle, trois adjonctions concernant le respect de la dignité de la personne humaine, la sauvegarde de l’ordre public et la maîtrise de l’antenne. Ces propositions de modifications feront l’objet d’une consultation des médias audiovisuels destinataires de la recommandation dans les plus brefs délais.

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