«Internet est l'outil ultime de la liberté d'expression» et «il est trop important pour permettre aux fournisseurs d'accès à haut débit de fixer les règles», a fait valoir avant le vote hier le président de la FCC, Tom Wheeler (photo). Cette position fait polémique aux Etats-Unis ainsi qu'en France où Stéphane Richard, PDG d'Orange, a pu parler à ce sujet d'«attrape-couillon».

Le régulateur américain des télécoms (Federal Communications Commission) a adopté hier une nouvelle réglementation destinée à empêcher l'émergence d'un «internet à deux vitesses». Ces règles interdisent notamment aux fournisseurs d'accès de ralentir ou bloquer certains contenus ou services en ligne légaux, ou encore d'accorder une connexion plus rapide à certains d'entre eux moyennant finances.

 

C'est une nouvelle tentative du régulateur pour garantir la fameuse «neutralité du net», un principe qui fait polémique aux Etats-Unis comme dans d'autres pays et qui vise à garantir un accès identique à la Toile pour tous.

 

«Internet est l'outil ultime de la liberté d'expression» et «il est trop important pour permettre aux fournisseurs d'accès à haut débit de fixer les règles», a fait valoir avant le vote hier le président de la FCC, Tom Wheeler (photo). L'un des deux commissaires (sur cinq) à s'être opposés au projet a en revanche évoqué «un virage monumental vers un contrôle gouvernemental d'internet».

 

Les nouvelles règles s'appuient sur une reclassification de l'accès à internet à haut débit, qu'il soit fixe ou mobile, en tant que service public, au même titre que l'eau ou l'électricité. La FCC estime en conséquence avoir le droit de surveiller les pratiques des fournisseurs d'accès en s'appuyant sur une législation des télécoms de 1934.

 

Les telcos vent debout

 

Tom Wheeler a promis de ne pas utiliser toutes les dispositions prévues par cette loi, assurant notamment que la FCC ne tenterait pas d'encadrer les tarifs pratiqués. Mais plusieurs fournisseurs d'accès comme AT&T, Verizon ou Comcast ont jugé que le recours à une législation si ancienne allait entraîner une régulation trop lourde, et plusieurs d'entre eux ont menacé de lancer de nouveaux recours judiciaires.

 

Les nouvelles règles «vont alourdir les services internet à haut débit avec des régulations mauvaises et antiques», conçues «à l'ère de la locomotive à vapeur et du télégraphe», a immédiatement critiqué Verizon dans un communiqué dont la première version a été diffusée en... morse avant de faire place à une autre version semblant avoir été tapée à la machine à écrire.

 

L'opérateur télécoms reproche à la FCC de vouloir «changer la manière dont internet fonctionne depuis sa création», affirmant que c'est le peu de régulation ces dernières années qui a permis les investissements ayant conduit au déploiement des réseaux à haut débit. Il met en garde contre «des conséquences négatives imprévues pour les consommateurs et diverses parties de l'écosystème d'internet».

 

Obama satisfait...

 

Sur le front politique, l'opposition républicaine, qui pourrait tenter d'utiliser sa majorité au Congrès pour invalider les nouvelles règles, a aussi accusé la FCC d'avoir cédé aux pressions de la Maison Blanche, après un plaidoyer en novembre de Barack Obama en faveur d'un «internet libre et ouvert». Le président américain s'est félicité hier de la décision de la FCC, estimant qu'elle «protègera l'innovation et créera des règles du jeu égales pour tous pour la prochaine génération d'entrepreneurs».

 

...les GAFA aussi

 

La Computer and Communications Industry Association, qui compte parmi ses membres des géants technologiques comme Amazon, Ebay, Facebook, Google ou Microsoft, a également évoqué «un jour historique». «Les internautes ont des garanties qu'ils pourront continuer à accéder à toutes les applications, sites et services en ligne qui existent, de même qu'à ceux qui sont encore en développement dans le sous-sol de quelqu'un ou une chambrée d'étudiants», a-t-elle commenté dans un communiqué.

 

«Cela veut dire qu'internet ne sera pas comme le service de câble (pour la télévision), où le fournisseur décide du forfait qu'on obtient et de ce qu'on peut voir», a renchéri Harold Feld, de l'association de défense des consommateurs Public Knowledge.

 

Stéphane Richard: «un attrape-couillon»

 

Le sujet de la neutralité du net fait l'objet de polémiques en France également. Un opérateur comme Orange, par exemple,  s'élève contre avec vigueur. En octobre dernier, invité du Stratégies Summit, son PDG Stéphane Richard déclarait à ce sujet dans nos colonnes: «La neutralité du Net est une machine de guerre du monde des services et de la distribution de contenus, qui veut pouvoir écouler sans limite ses produits, contre les opérateurs, qui ont les tuyaux. C'est un attrape-couillon, voilà ce que je pense! (...) Le problème est mal posé: la question n'est pas la neutralité du Net, mais la neutralité du numérique dans son ensemble. Apple qui refuse de prendre une application sur l'App Store parce qu'elle entre en concurrence directe avec sa propre appli, ou Google, dont Android équipe aujourd'hui 60% des smartphones de la planète, voilà une menace autrement plus grande pour la neutralité du numérique que les opérateurs télécoms!»

 

--> Retrouvez l'interview intégrale ici

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.