Le titre commencera son redéploiement par le mobile en mars, avec un fil d’actualité permanent. Suivra une nouvelle formule du quotidien et de Next début mai, avant une refonte du site en juin.

Comment se relancer avec des effectifs réduits d’un tiers? C’est tout le challenge auquel doit faire face Libération, recapitalisé l’été dernier par le magnat des télécoms Patrick Drahi. L’an dernier, le quotidien a perdu 10 millions d’euros, 20 millions si l’on inclut le plan social. Pour 2015, les actionnaires du journal, Patrick Drahi et Bruno Ledoux, ont donné à la nouvelle direction un objectif, de taille: stopper l’hémorragie et ne plus perdre d’argent.

 

C’est la condition qu’ils ont posée pour financer le futur développement du titre. Pour l’heure, la relance se fait à minima, budget oblige. C’est par le mobile que Libé donnera le coup d’envoi de son redéploiement éditorial, avec le lancement en mars d’un fil d’actualité permanent, qui agrègera minute par minute des dépêches AFP, des articles maison, des tweets, des photos et des vidéos. «Ce grand direct doit être comme la matinale de France Info, un fil d’information éditorialisé avec un ton connivent, celui de Libé», résume Johan Hufnagel, directeur en charge des éditions (lire son interview parue dans Stratégies le 19/12/2014). Testé en version bêta sur le site mobile à partir du 3 mars, ce fil d’actu sera intégré aux applications mobiles fin mars.

 

Deuxième temps fort, le 4 mai, une nouvelle formule du quotidien papier. Sur 32 pages en moyenne, le journal fera la part belle aux longs formats, très anglés, avec une belle mise en scène photographique. Un virage que le titre a déjà amorcé, comme ce vendredi 27 février avec un long reportage de huit pages sur la secte islamiste Boko Haram.

 

«Il faut arrêter le format moyen et jouer le document et le "waouh effect" à chaque page. Plus que jamais, le journal reflètera les choix de Libération sur l’actualité du jour et non de la veille. Cela fait un moment que nous avons rompu avec le mythe de l’exhaustivité et demain nos choix seront encore plus radicaux», estime Johan Hufnagel.

 

Sur le plan des idées, Libération veut également réaffirmer son rôle. «Nous devons faire vivre le débat à gauche, sur des sujets aussi larges que le genre, l’emploi, la technologie…, et non être le journal d’une fraction», ajoute-t-il.

 

«Libération n'est pas mort»

 

Le 9 mai, le supplément magazine Next va également voir sa formule évoluer, avec davantage de sujets consacrés aux modes de vie et aux tendances… Deux designers de presse travaillent sur ces deux projets: Yorgo Tloupas, qui a conçu graphiquement le Vanity Fair français, et Javier Errea, qui avait travaillé sur la précédente refonte de Libération en 2009.

 

Enfin, en juin, le site de Libération, qui totalise aujourd’hui près de 3 millions de visiteurs uniques par mois, va faire peau neuve avec un nouvel espace abonnés et surtout la mise en place d’un paywall, qui limitera le nombre d’articles qu’un internaute pourra lire gratuitement, à l'instar du site des Echos. «Nous avons perdu la course à l’audience sur le web et n’avons pas les moyens de rattraper Le Figaro et Le Monde. Nous devons donc miser sur l’affinité, l’attachement des lecteurs au titre mais aussi sur la surprise, ce qui implique de changer notre modèle. La mise en place d’un paywall se fera dans une logique de test and learn. Si ça ne fonctionne pas, nous essaierons autre chose», concède par pragmatisme Johan Hufnagel.

 

Côté effectifs, une soixantaine de journalistes sont partis dans le cadre du plan de départs, 25 ont été recrutés, pour un total de 137 cartes de presse d’ici quelques semaines. Dans l’opération, la moyenne d’âge de la rédaction (46 ans auparavant) a été considérablement rajeunie, «de sept ou huit ans», évalue Johan Hufnagel. Désormais elle s’organise en six pôles: pouvoir contre pouvoir, monde, culture, futur, sport et Next, avec pour priorité une production web first.

 

«Tous ces projets permettront d’envoyer à nos lecteurs mais aussi au marché publicitaire le signal que Libération n’est pas mort et qu’il va innover dans les années à venir», martèle Johan Hufnagel. Malgré le caractère tragique de l’actualité de ce début d’année, les premiers indicateurs économiques sont bons pour le journal: au lendemain de la marche républicaine en soutien aux victimes des attentats, Libération a vendu en kiosques plus de 200 000 exemplaires de son numéro «Nous sommes un peuple» le 12 janvier. Et pour la première fois depuis longtemps, la diffusion du titre est stable en février. Un vent d’optimisme souffle à Libération.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.