Les ministres de l'Economie, des Finances et de la Culture ont présenté mercredi 4 mars un rapport sur France Télévisions qui fixe le cadre de l'action du groupe audiovisuel pour les années à venir, une «feuille de route» pour le prochain président nommé d'ici au 22 mai par le CSA. Emmanuel Macron, Michel Sapin et Fleur Pellerin ont fixé les grandes priorités du groupe sans entrer dans les détails, avant le début des discussions sur le contrat d'objectifs et de moyens qui fixera le budget des télévisions publiques pour cinq ans. Une façon de laisser une marge de manoeuvre à la prochaine direction, selon une source proche du dossier.   

 

La future direction de France Télévisions devra être plus audacieuse dans ses programmes, attirer le jeune public, promouvoir la culture, développer le numérique et réformer France 3, le tout avec un budget en baisse. Et, si nécessaire, renoncer à une de ses chaînes.



 Telles sont les missions fixées par l'Etat au prochain président du groupe audiovisuel public, qui prendra ses fonctions en août. Le gouvernement laisse toutefois à la prochaine direction le soin de trancher sur les choix délicats pour y parvenir. Le gouvernement n'a cependant pas repris plusieurs de ses suggestions: il a écarté un retour de la publicité après 20h et ne mentionne pas la création d'une chaîne d'info en continu hertzienne, évoquée dans le rapport.



En revanche, un élargissement de l'assiette de la redevance, prôné par François Hollande fin 2014, est bien à l'étude. "Comme l'a annoncé le président de la République, le gouvernement mènera une réflexion sur la modernisation" de la redevance, a indiqué Michel Sapin. Cette année, elle a augmenté de 3 euros. Le gouvernement a toutefois averti que le budget de France Télévisions (2,85 mds d'euros en 2015) serait "au mieux stable" et "plus probablement"  s'inscrirait d'ici 2020 dans le mouvement de "baisse constatée ces dernières années".

 

Conscient des contraintes de coûts, les ministres ont reconnu qu'il faudrait peut-être renoncer à une des chaînes publiques hertziennes en cas d'impasse budgétaire, mais laissé la prochaine direction libre de trancher. "Sans préjuger des choix de l'entreprise, l'Etat considère que maintenir cinq chaînes hertziennes ne sera possible, dans le cadre économique des cinq prochaines années, que si des réformes de gestion ambitieuses sont réalisées", indique la feuille de route. Le rapport Schwartz allait plus loin, estimant que "la pérennité de France Ô", qui n'a "pas trouvé son public", soulevait, "dans sa formule actuelle, des interrogations".

 

 

A la recherche d'un programme ambitieux

 

 

"Le principal risque, aujourd'hui, c'est de ne pas en prendre. France Télévisions doit faire preuve d'audace créative, proposer des formats innovants", a insisté Fleur Pellerin. L'USPA, principal syndicat de producteurs audiovisuels, s'est félicité dans un communiqué de "l'ambition éditoriale réaffirmée" pour France Télévisions, tout en disant "s'inquiéter vivement de l'éventualité d'une baisse du financement public" du groupe.



Le gouvernement évoque aussi la nécessité de plusieurs réformes de fond: réorganiser France 3, améliorer la gestion de la filière de production - c'est-à-dire le pool des techniciens, prêtés souvent à des sociétés extérieures - ainsi que celle du réseau outre-mer. Comme le préconise le rapport Schwartz, Emmanuel Macron a également appelé à "accroître les synergies" entre les acteurs de l'audiovisuel public (Radio France, Arte France, France Médias Monde), notamment en matière numérique.

L'Etat actionnaire ne doit toutefois pas submerger France Télévisions de contrôles, ni "diriger à la place des dirigeants", a-t-il dit.



"Sans réforme, l'entreprise se retrouverait rapidement dans une situation insoutenable, avec des pertes atteignant plusieurs dizaines de millions d'euros", a souligné pour sa part Michel Sapin. Dans son rapport, Marc Schwartz avait critiqué les "lourdeurs internes" de France Télévisions et mis en exergue la baisse de sa part d'audience, tombée à 28,8% en 2014, contre 35% en 2008.

 

Reste aux prétendants à la présidence du groupe à intégrer les objectifs du gouvernement dans le projet qu'ils doivent envoyer au CSA avant le 26 mars. Le nouveau dirigeant sera désigné d'ici au 22 mai.

 

 

 

Rémy Pflimlin n'a pas encore dit s'il briguerait ou non un second mandat. Quelques candidats commencent à se déclarer, à deux mois du choix du CSA: le directeur général de Microsoft MSN pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique, Alexandre Michelin, ex-directeur de l'antenne et des programmes de France 5, a annoncé qu'il se présenterait. Pour défendre le point de vue des salariés, le délégué SNJ Serge Cimino s'est lui aussi déclaré candidat. Jusqu'à l'animateur Cyril Hanouna, qui a lancé lundi sur D8 qu'il comptait bien se mettre sur les rangs. L'ex-directeur des antennes d'Antenne 2 et France 3, Pascal Josèphe, devrait être également sur la liste, ainsi que Didier Quillot, ex-président du directoire de Lagardère Active et d'Orange France.

 

 

Son également cités comme candidats potentiels Delphine Ernotte, directrice exécutive d'Orange, Emmanuel Hoog, président de l'AFP, et Marie-Christine Saragosse, présidente du groupe France Médias Monde (RFI, France 24, MCD). Les prétendants doivent déposer un dossier de candidature entre le 9 et le 26 mars. Le CSA annoncera leur nombre -mais pas les noms- début avril et nommera le président avant le 22 mai. Avec ses 10 000 salariés et son budget annuel de 2,85 milliards d'euros, financés essentiellement par la redevance, France Télévisions représente un enjeu majeur de politique culturelle et économique.

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