Télévision

Au terme d’un vote visant à la départager de l’autre finaliste Pascal Josèphe, Delphine Ernotte-Cunci, 48 ans, a été élue jeudi 23 avril présidente de France Télévisions par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à compter du 22 août 2015. Actuelle directrice générale d’Orange France où elle a fait toute sa carrière depuis son entrée en tant que chargée de la planification en 1989, elle remplacera Rémy Pflimlin, dont le mandat n’est pas renouvelé. Ce sera la première femme à présider le groupe audiovisuel public.

Le CSA a motivé sa décision, dans un communiqué, en saluant «une femme dotée de solides compétences de management et d'une expérience reconnue dans la gestion du dialogue social». Son projet stratégique lui est apparu «comme conciliant de manière équilibrée l'ambition réformatrice portée par une vision exigeante de la télévision publique de demain, le souci d'une continuité indispensable à une transformation sereine et apaisée de l'entreprise, et la volonté de susciter l'adhésion des personnels pour conduire les changements nécessaires». Le CSA dit aussi avoir apprécié son souhait d'innover dans les programmes, de toucher les jeunes, de «faire émerger un nouveau modèle économique pour la diffusion de programmes» et de «placer les nouveaux usages numériques au cœur de l'offre».

Carrière engagée à Orange France

Centralienne, responsable du rebranding d’Orange France en tant en directrice de la communication et du sponsoring d’Orange France, nommée en 2006, elle a été ensuite directrice commerciale France d’Orange puis directrice exécutive, en 2011, et à ce titre véritable numéro 2 aux côtés de Stéphane Richard. Elle a été sur tous les fronts: la concurrence de Free Mobile, l'offre mobile sans engagement Sosh, la panne logicielle du réseau Orange à la fin 2012...

Elle a été appuyée dans sa campagne au CSA par l’ancien conseiller de l’Elysée, David Kessler, aujourd’hui en charge de la filiale cinéma d’Orange, et elle a pu côtoyer également chez l’opérateur Christine Albanel, ancienne ministre du gouvernement Fillon.  Elle a bénéficié enfin des conseils en communication d’Anne Hommel et de Denis Pingaud, selon Le Monde.  

Attachée à la promotion de l’égalité hommes-femmes, Delphine Ernotte s’était impliquée dans le réseau professionnel interne Innov Elles. «La promotion des femmes dans les entreprises passe encore beaucoup par les hommes», déclarait-elle dans Stratégies à l’occasion de la journée de la femme du 8 mars 2013. Elle défendait alors le plan stratégique d’Orange qui visait à passer de 24% de femmes dans les instances dirigeantes à 35% en 2015. Son approche sera sans doute mise à profit pour recruter son état-major au sein de France Télévisions. Il fut en effet beaucoup reproché à l'actuel président, Rémy Pflimlin, d’oublier les femmes dans les structures dirigeantes du groupe.  

Ses détracteurs ont mis en cause sa responsabilité au moment de la «crise des suicides» à France Télécom, puisqu’elle était alors en charge de la direction commerciale sous la présidence de Didier Lombard. La mobilité forcée obligeait alors les cadres à changer d'affectation tous les trois ans. La CGC médias rappelait en mars que Delphine Ernotte-Cunci «officiait directement sous les ordres de Didier Lombard et Louis-Pierre Wenes», les deux ex-dirigeants du groupe mis en cause pour leurs méthodes managériales dans «la crise» des suicides, «alors même que de nombreux cadres dirigeants quittaient le navire pour protester».

«Peut-on toujours détecter quelqu'un en période de fébrilité dans une entreprise de 100 000 salariés. Peut-on être infaillible? La preuve que non», avait alors affirmé la centralienne qui avait dit avoir vécu cette période «avec un mélange de profonde culpabilité et de déni», selon l'AFP.

Procédure de nomination contestée

La nomination de Delphine Ernotte-Cunci intervient alors que la procédure d’auditions à huis-clos du CSA a été très critiquée, à la fois par l’UMP, la CFDT Médias ou les rédactions de France 2 et France 3. Edwy Plenel, président de Médiapart, fustigeait dès le 19 mars dans Stratégies une approche opaque et antidémocratique: «Je ne comprends pas pourquoi cette procédure n’est pas plus publique. Les projets devraient être accessibles en ligne, et les principales auditions diffusées en streaming. Ne s’agit-il pas du service public audiovisuel du pays? C’est donc un enjeu d’intérêt public qui, à ce titre, devrait être débattu sous le regard de la nation. Sinon, n’est-ce pas la porte ouverte aux manœuvres de couloirs, lobbyings de communicants, pressions des réseaux?» 

L’éviction de candidats de poids comme Didier Quillot (ex-Lagardère Active), Marie-Christine Saragosse (France Médias Monde) ou Emmanuel Hoog (AFP), sans même les auditionner, ne peut que donner davantage de crédit à cette critique. Depuis 2012, le CSA est de nouveau chargé de nommer les présidents des groupes audiovisuels publics dont les budgets dépendent du pouvoir exécutif.

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