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La Commission européenne a présenté mercredi 6 mai un vaste plan d'action pour créer un marché unique du numérique. Parmi ses principaux axes de travail, la volonté d'accéder aux biens et aux services numériques dans tous les pays de l'UE. Cela passe notamment par la remise en cause du «blocage géographique», ou geo-blocage, qui permet par exemple à des vendeurs en ligne d'empêcher les consommateurs d'accéder à un site internet sur la base de leur localisation liée à leur adresse IP. Exemple donné par la Commission: une location de voiture peut ainsi être plus chère depuis un Etat membre que depuis un autre, pour un véhicule identique et au départ du même endroit.

Cette territorialisation de l'accès aux biens est un obstacle à un marché commun du numérique qui, selon Bruxelles, pourrait créer des centaines de milliers d'emplois et représenter une contribution de 415 milliards d'euros.

La fin du géo-blocage poserait néanmoins des problèmes à la France dans la mesure où elle pourrait menacer l'exception culturelle. Le gouvernement entend bien défendre la chaîne de financement du cinéma et de l'audiovisuel, qui repose sur des mécanismes de financement ou de pré-finacement des œuvres, liés à des droits sur des marchés donnés. Face à la Commission qui demande, de son côté, de créer des exceptions au droit d'auteur pour favoriser la portabilité des droits ou l'accès numérique des œuvres (pour les enseignants par exemple), il souhaite que toute exception ne puisse être décidée sans une étude d'impact économique.

Un géo-blocage haïssable mais utile

Le commissaire européen en charge du numérique, Günter Oettinger, serait ouvert à la discussion. Face à Andrus Ansip, vice-président de la Comission en charge du marché unique du numérique, qui a fait part de sa détestation du géo-blocage, il aurait rétorqué: «Je hais mon réveil qui sonne le matin, et pourtant il est utile.»

La ministre de la culture et de la communication Fleur Pellerin a salué dans un communiqué "les progrès que marque la réflexion de la Commission sur certains aspects du débat en matière de droit d'auteur, en particulier la volonté de clarifier le statut des intermédiaires techniques et d'améliorer le respect du droit d'auteur".

Créer un marché unique du numérique est néanmoins «crucial» selon Günther Oettinger, dans un contexte où «les Etats-Unis ont une stratégie», tout comme «la Corée du Sud, la Chine, le Japon». «Européaniser la politique numérique est exactement ce qu'il convient de faire pour que l'Europe reste en concurrence avec le reste du monde», a-t-il insisté.

 

En France, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a réagi en en saluant la volonté de la Commission, et plus particulièrement de Günter Oettinger, d’avoir une meilleure compréhension du financement des contenus audiovisuels : "De fait, la nécessité de préserver la valeur des œuvres, qui repose largement sur des financements territorialisés, est expressément citée comme un objectif à prendre en considération", souligne un communiqué.

 

La société d'auteurs soutient la volonté de Bruxelles d’assurer la portabilité des services proposant des offres culturelles afin de permettre une continuité dans l’accès aux films et aux œuvres. Mais elle souhaite le renforcement de la disponibilité des œuvres elles-mêmes sur les plateformes numériques, via un développement de l'offre légale. Elle juge par ailleurs «positif» le souci de la Commission de réviser la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) pour rendre applicable aux géants du Net les obligations d’investissement et de diffusion de la création. Mais elle demande un calendrier précis ainsi qu'un droit à une rémunération équitable des auteurs pour l’exploitation des œuvres en ligne.

 

"En retard sur la 4G"

La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager a, de son côté, annoncé mercredi le lancement d'une grande enquête sur le e-commerce afin d'identifier d'éventuels obstacles érigés par les entreprises elles-mêmes, et déterminer s'il y a lieu d'envisager des sanctions.



Par ailleurs, la Commission, qui doit faire des propositions en faveur de la libre circulation des données, présentera courant 2016 une révision «ambitieuse» de la réglementation européenne en matière de télécommunications, un secteur toujours très fragmenté, pour mieux coordonner l'allocation du spectre radioélectrique et inciter à l'investissement dans l'ultra-haut débit.  «En matière de 4G, nous devons reconnaître que nous sommes en retard», tout comme pour la 5G et l'internet des objets, a-t-il observé. «C'est à nous de créer un environnement réellement bénéfique pour nos industries» fait observer Andrus Ansip. Les propositions s'étaleront jusqu'en 2016, ce qui ne peut laisser espérer une mise en œuvre avant 2017 ou 2018.



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