Réseau social
Le partenariat de neuf médias américains et européens avec Facebook pour permettre de lire des articles est porteur de menaces et d'opportunités pour les éditeurs français.

Le lancement d'Instant Articles (1), qui va permettre aux 1,4 milliard de membres de Facebook de lire un article directement sur leur plateforme sans se rendre sur le site de l'éditeur, suscite l'inquiétude des médias français. Objectif affiché par le réseau social, qui se veut coopératif: fournir aux lecteurs la meilleure expérience possible, avec un temps de chargement dix fois plus rapide. «Instant Articles est conçu pour l'application mobile, il offre aux journalistes de mettre en forme un bel article qui mêle texte, photographies zoomables, vidéos, infographies, cartes, etc. C'est un outil interactif qui possède de nombreuses fonctionnalités», indique Michelle Gilbert, directrice de la communication de Facebook.

En termes de monétisation, les éditeurs ont le choix soit d'intégrer leurs propres publicités au sein de l'article - les recettes leur seront alors intégralement reversées - soit de faire appel à Audience Network, la régie de Facebook: ils se verront alors attribuer 70% des revenus. Une proposition inédite du réseau social, dont 90% du chiffre d'affaires provient de la publicité. Par ailleurs, les médias restent libres de choisir le volume et le type de contenus diffusés, ou de les créer spécialement. «La clef, c'est de diversifier ses contenus, de les rendre visibles sur le plus de canaux possibles», affirme le stratégiste éditorial Benoît Raphaël.

Dilemme et prudence

Encore en phase de test, Instant Articles représente cependant un véritable dilemme pour les médias français. Pour l'heure, la prudence est de mise. «Notre vigilance concerne la perte de notre modèle économique, il nous faut prendre le temps de trouver un accord équilibré», estime Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde. «Pour exemple, actuellement, Facebook apporte 9% de trafic sur le monde.fr, 16% sur le site de L'Obs et 20% sur celui du Huff Post», détaille le PDG. La question est de savoir si les médias qui produiront des Instant Articles seront privilégiés dans le fil d'actualité...

Pour résumer: d'un côté, le dispositif fait planer la menace d'une perte de trafic sur les sites et la monopolisation de l'audience par Facebook. De l'autre, il présente l'opportunité d'aller directement à la rencontre d'un public qui ne se déplace pas forcément sur les médias d'information... «Notre priorité, c'est bien sûr de générer une audience la plus large possible autour de notre marque et de nos supports. Après, on préfère sans doute être lu ailleurs que pas lu du tout...», concède Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias du Figaro.

Du côté des régies, on surveille de près l'évolution des négociations. «Nous attendons de voir comment les éditeurs vont s’emparer du produit. L'aspect qualitatif nous intéresse particulièrement. Si Facebook parvient à ajouter de la valeur ajoutée au contenu, cela représenterait l’opportunité de vendre des publicités plus chères...», explique Arthur Millet, président du Syndicat des régies internet et directeur du digital d’Amaury Medias.

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