A partir de septembre, Benoît Thieulin sera directeur de l’Ecole de la communication de Sciences Po. Il succédera à Jean-Michel Carlo, qui a fondé cette école il y a huit ans. Fondateur et directeur de l’agence digitale La Netscouade, Benoît Thieulin préside, depuis janvier 2013, le Conseil national du numérique. A Sciences Po, il dirige déjà le nouvel executive master digital humanities, et enseigne depuis trois ans au sein de l’Ecole de la communication. Stratégies l'avait interviewé le 25 juin après la publication du rapport «Ambition numérique» du Conseil national du numérique. Cinq thématiques passées au crible.
Le rapport «Ambition numérique» présenté par le Conseil national du numérique.
Benoît Thieulin. Parmi 70 propositions, on a plaidé pour que de grands principes comme la neutralité du net, la portabilité de données, la loyauté des plateformes et l'autodétermination informationnelle soient gravés dans le marbre. Sur l'agence d'évaluation, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, s'est dit très intéressé. On ne peut pas imposer aux opérateurs télécoms la neutralité du net et ne pas pousser les plateformes à être loyales. Quand il y a des pratiques problématiques, il faut être en mesure les empêcher. Les Gafa ont d'ailleurs intérêt à objectiver les choses. Sur la question des données, Google n'est-il pas plus exemplaires que certaines banques européennes?
Le plan stratégique du gouvernement dévoilé par Manuel Valls le 18 juin.
B.T. Dans l'ensemble, je suis très content. Si on m'avait dit il y a un an et demi qu'un chef de gouvernement allait inscrire dans la loi la neutralité du net, je ne l'aurais pas cru. Par la suite, on aura des précisions sur le plan opérationnel, notamment sur la question européenne et le statut d'entreprise innovante. Mais Manuel Valls n'était pas là pour parler d'Europe. On espère que d'ici la fin de l'année l'essentiel de nos propositions sera intégré. Nous verrons alors ce qui relève du niveau européen.
Le projet de loi sur le renseignement.
B.T. Nous l'avons critiqué pour ses «boîtes noires» - non pas pour le ciblage de 3000 excités mais pour la surveillance plus générale qu'elle induit. Mais ce texte va faire entrer dans un cadre légal des pratiques et donner in fine des garanties de contrôle consenties par des amendements, avec la perspective de la saisine du Conseil constitutionnel. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) va pouvoir ainsi débarquer à tout moment pour regarder les algorithmes et les fichiers. Et un ingénieur de l'Arcep va intégrer cette commission pour qu'elle ait des moyens techniques de contrôle. Par rapport au projet de départ, c'est un peu le jour et la nuit.
Publicis qui estime qu'en 2017, le digital représentera le tiers des dépenses mondiales de publicité.
B.T. La convergence de tous les médias sur le support numérique est en train d'aboutir. La télé hertzienne va continuer à décroître. Si elle reste stable chez les papys boomers, la réalité, c'est qu'elle subit un effondrement au profit de la vidéo chez les jeunes. Et cela ne pourra que s'amplifier le jour où vous aurez une connection de qualité dans le RER. De plus, il ne faut pas se focaliser sur l'achat d'espace qui ne sera plus le principal moteur d'achat des produits. Ce sera plutôt la recommandation, le big data, la communauté....
L'offre de rachat d'Altice sur Bouygues Télécom.
B.T. Je suis partagé. On a besoin d'une nouvelle génération d'entrepreneurs avec un esprit de conquête, à l'instar de Patrick Drahi ou Xavier Niel. Mais sur ce secteur qui a beaucoup souffert, on a besoin de lourds investissements dans les infrastructures de très haut débit ou la 5G. Si la reconstitution d'un marché à trois opérateurs garantit ces investissements , c'est une bonne nouvelle pour les infrastructures et la neutralité du net.
Sur le plan stratégique du gouvernement, lire l'article de Stratégies.fr
