Evénement
Retour sur les Rencontres 2015 de l'Udecam, qui ont vu s'exprimer de nombreuses personnalités des médias sur leur nouvelle chaîne de valeur. Ou comment pour triompher, les médias doivent mettre le consommateur au centre.

«Il faut protéger les grands médias!» Jeudi 3 décembre, salle Wagram, Nonce Paolini donne le ton des Rencontres 2015 de l'Udecam en invitant les 3000 professionnels du marché publicitaire inscrits à prendre la mesure de «médias responsables et qui donnent du sens» face aux réseaux sociaux qui sont parfois des relais de «désinformation préjudiciable à la démocratie». Probablement songe-t-il déjà à une possible ouverture des écrans de publicité de France Télévisions après 20 heures, que le gouvernement étudie «attentivement», ainsi que l’a reconnu le 8 septembre Michel Sapin, ministre des Finances.

 

Pour l’heure, ce 3 septembre, le président de Starcom, Pierre Conte, par ailleurs vice-président de l'Udecam, rappelle la dure réalité: la France connaît une pression publicitaire inférieure de 30% à celle de l'Allemagne. Depuis Londres, Andy Brown, de Kantar Media, démontre que la part du PIB consacrée à la communication est plus faible en France que dans les autres pays européens. Pourtant, dit-il, elle contribue à la croissance économique. Nicolas de Tavernost (M6) acquiesce en rappelant que la chaîne Antena 3, dont il est administrateur, avait observé que la reprise espagnole (+3%) avait été précédée d'un rebond des investissements en télévision.

 

«Quand on appuie ça marche», martèle Mercedes Erra, coprésidente d'Haves Worldwide, en bonne proctérienne. Pourtant, certains en doutent encore. Pour preuve, Mercedes Erra cite ces administrateurs du Musée de l'immigration, dont elle est la présidente, qui n'en revenaient pas de constater qu'une campagne d'affichage JC Decaux et Metrobus avait entraîné un gain de 70% de la fréquentation, faisant de ce musée un des grands succès de l'année.

 

Faut-il douter des médias de masse?



Les médias de masse sont parfois victimes d’un doute qui s’est instillé chez les annonceurs. La fameuse moitié du billet de cent dollars dépensée en pure perte est-elle encore acceptable à l'heure où le marché résonne des prouesses des GAFA et ou la data rend possible un micro-ciblage particulièrement pertinent? Jean-Pierre Petit, le patron de Mc Do France, qui a fait du digital sa «colonne vertébrale», a lui-même reconnu que les spots de TF1 qui parlent à tout le monde ne s'imposaient plus automatiquement face à une logique de personnalisation ou de CRM en one to one.

 

D’où le souci du groupe TF1 de tirer le meilleur parti de son offre data et digitale. Olivier Abecassis, directeur général d’e-TF1, a ainsi évoqué l’intégration des données d’achat de la régie de C Discount (Casino), 3W Régie, pour être en mesure de cibler les enfants de 0 à 12 ans quand ils sont devant l’offre vidéo de TF1. «On doit dépasser les réticences et réfléchir à la façon dont on peut avoir ensemble de la data», a-t-il relevé. Ainsi, rappelle-t-il, Bouygues est en mesure de répondre à la demande d’un annonceur qui cherche à toucher les gens qui déménagent. «La télévision est un écosystème qui se déplace là où sont les gens, ajoute-t-il, notre ambition est de maintenir la puissance de nos contenus sur chacun des tuyaux».

 

 

Comment recréer de la valeur alors même que les GAFA s’attribuent chaque année une part un peu plus belle du gâteau publicitaire? On peut opérer ce virage vers ce que Rolf Heinz, le patron de Prisma, appelle la «donnée intelligente» et multiplier les acquisitions de start-up qui apportent richesse et compétences. «La data révolutionne la conception et la réalisation de tous nos produits et apporte des opportunités en permettant l’intégration du commerce autour des contenus éditoriaux», souligne-t-il. Mais «gare aux Gafa», a rappelé Alain Lévy, le président de Weborama: ce qu’on leur donne comme données les rendra toujours plus puissants. Et un acteur comme Facebook, qui réalise 79% de ses revenus sur le mobile, tire profit de l’évolution des usages.

 

On peut aussi, comme Jean-Christophe Tortora, le patron-repreneur de La Tribune, parier sur les journalistes, l’offre digitale et une diversification à travers d’innombrables événements en province. «Le digital est le meilleur allié pour recréer de la valeur», dit-il. «Le digital ne détruit pas la valeur, mais il en crée, confirme Emmanuel Chain, président du groupe Eléphant. Les contenus se sont affranchis des contraintes du temps mais l’impératif de qualité demeure», observe Béatrice Mandine, directrice de la communication et de la marque d’Orange.

 

L’avenir des médias traditionnels reste prometteur. Selon Christopher Baldelli, président du directoire de RTL, «78% des 13-24 ans ouvrent une radio chaque jour». Et si les recettes publicitaires radio sont en baisse en France, on a vu ces mêmes investissements progresser de 5% cette année en Grande Bretagne. Nicolas de Tavernost a aussi évoqué le media for equity et le succès des ventes de sa start-up Monalbumphoto pour mesurer les performances des écrans publicitaires à la télévision.



Le consommateur au centre



Mais pour disposer d’une data utile, encore faut-il coller aux attentes du consommateur. On observe le même souci de croiser la donnée chez Accor Hotels qui doit résister à des concurrents comme Expedia ou Booking. Pour exister face à ces pure players, le groupe n’hésite pas à apporter information et données aux hôtels indépendants sur leur clientèle, rappelle Romain Rolleau, son directeur e-commerce et services digitaux. Le client trouve aussi gratuitement l’accès à 2000 titres de presse du monde entier sur un kiosque virtuel, en accès libre dans les hôtels du groupe.

 

Dans une grande leçon magistrale, Jean-Marie Messier, l’ex-PDG de Vivendi Universal, parti après avoir dit que son groupe allait «mieux que bien» quand il était au bord de la cessation de paiement, en 2002, est revenu sur la convergence dont il est une sorte d’apôtre-martyr. Reconverti en banquier d’affaires, il estime aujourd’hui «archaïque» cette fameuse convergence. Ce qui compte désormais, ce sont les modes de vie sur les réseaux sociaux où l’usage devient plus important et le partage un mode de consommation. Bref, si on assiste bien à des mouvements de concentration dans les TMT (Verizon rachetant AOL) ou les médias (Disney-Hearst entrant chez Vice), «la mère des batailles est l’accès au contrôle du consommateur».

 

Pour cela, le contenu reste roi. «La vraie valeur est dans le premium, l’exclusivité. Le Net ne tue pas le live, il le valorise», estime J2M. Encore faut-il que les médias trouvent durablement des moyens de monétisation. «Cela veut dire, comme le résume Jean-Luc Chetrit, président de l'Udecam, ne plus monétiser l'audience mais valoriser les contacts récurrents». Il importe aussi d'avoir des formats adaptés. «Les gens considèrent que c’est insupportable d’avoir du pré-roll. Comment fait-on pour créer de la confiance quand on crée de plus en plus de contenus? Il ne faut pas sursaturer les médias», estime Hubert Blanquefort d’Anglards, président du Club des annonceurs. Pierre Chappaz, fondateur de Teads, lui fait écho en lançant une «alerte tsunami» sur le sujet des ad-blockers: «En Allemagne, 61% des vidéos pré-roll sont bloquées.»

 

Avec des formats non «skippables», le risque est selon lui de «détruire l’écosystème publicitaire». «Il est trop tard pour arrêter ce tsunami mais on peut limiter les dégâts», conclut-il. A demi-optimiste.

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