Grande Ecole du numérique, hackathon, nouveau site internet mettant en avant le partage sur les réseaux sociaux… l’Elysée multiplie les événements et les outils numériques pour se reconnecter avec les jeunes.

Jeudi 17 septembre 2015. Dans un grand salon lambrissé de l’Hôtel Marigny, à quelques mètres de l’Elysée, François Hollande est à la tribune pour le lancement de la « Grande Ecole du numérique », une appellation dont il est l’auteur depuis février, un mois après ce 11 janvier où le pouvoir a pu paraître déconnecté de sa jeunesse de banlieue. En allusion à Kadhafi et à sa tente installée dans les jardins, en 2007, sous Sarkozy, le président commence par un bon mot : « Il y a des chefs d’Etat qui ont campé ici, aujourd’hui c’est vous qui avez campé. »

 

Vous, c’est la cinquantaine de jeunes de Lille, Paris ou Rueil-Malmaison qui ont investi les lieux pendant quarante-huit heures pour un hackathon inédit. A chaque groupe sa feuille de route. L’un d’entre eux est chargé de créer une application spécifique pour la Cop 21 visant à calculer son bilan carbone en profitant des données ouvertes par Etalab. Douche, transport…  Tout y passe.« On va soumettre les chefs d’Etat au test », commente Hollande en passant derrière l’écran, visiblement séduit par le graphisme de l’animation.

 

10 000 jeunes dans 200 « fabriques » d'ici à 2017

Chaperonnés par un développeur de Bercy, deux jeunes de 16 et 18 ans s’emploient, de leur côté, à récupérer sur l’API de Twitter les tweets de l’Elysée, de façon à en permettre la curation sur le nouveau site officiel, qui sera mis en ligne le 24 septembre. Dans une autre pièce, à côté d’une passoire customisée façon casque électronique de « Retour vers le futur » par Dario Spagnolo, responsable pédagogique de Webforce 3, c’est un véritable réseau social qui se concocte pour les futurs anciens élèves de la « Grande Ecole du numérique» : pas moins de 10 000 jeunes dans 200 « fabriques » réparties sur le territoire national d’ici à 2017, si l’on en croit le rapport remis ce 17 septembre par Stéphane Distinguin, François-Xavier Marquis et Gilles Roussel (voir encadré).

 

« On fait fonctionner l’intelligence collective en s’inspirant du crowdsourcing, confie Dario Spagnolo, on agrège les offres d’emplois et on les enrichit par de la recommandation sur les entreprises : une techno performante, une bonne ambiance… ». Dans un autre groupe, formé par Streetpress, Cédric dessine des caricatures directement sur l’écran pour un blog « embeded dans le hackathon » et destiné à couvrir l’événement. On y reconnaît François Holllande… au milieu de trois Geeks.



Issues de douze structures, notamment Simplon, qui fait office de modèle (voir encadré), cornaqués par des personnes référentes venues d’associations comme « Permis de vivre la ville » avec son « tremplin numérique », ou de l’Ecole 42, les groupes de jeunes du hackathon préfigurent ce que sera demain la « Grande école du numérique » :  des lieux de formation qui disposeront d’une norme permettant d’accéder à des bourses ou des financements.

 

« Cette école n’a pas vocation à durer, estime François-Xavier Marquis, coauteur du rapport, mon souhait est qu’elle rejoigne le champs ordinaire et amène à la reconnaissance des diplômes traditionnels. Il s’agit d’aller par des chemins différents, complémentaires, vers l’emploi. Les structures s’adressent à ces 20% de personnes qui ne sont pas dans le moule et qui ont besoin d’être à côté du groupe pour pouvoir s’exprimer. »

 

Cible prioritaire : les zones défavorisées

Un discours qui rejoint la promesse présidentielle d’une « école ouverte » qui « ne demande pas de diplôme pour y entrer mais en fournit un à la sortie », qui forme des  « acteurs du numérique » sachant « lire, écrire, compter et coder », permettant d’être un peu plus que de simples « utilisateurs et, finalement, des manipulés du système ». A ce détail près : François Hollande, lui, voit pour sa « Grande Ecole » la postérité de l’X. A moins que ce soit une petite blague : "La Grande Ecole du numérique, c'est le Polytechnique de demain, ils ne le savent pas encore à Saclay", lance-t-il.



Après le discours du président, et sa visite du hackathon , Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, en profite pour préciser le public visé lors d’un mini-point presse : des jeunes ayant manifesté un appétit pour le numérique, à travers le jeu vidéo ou le design par exemple, qui expriment à la fois un talent et de la motivation pour devenir développeurs, web-designers, graphistes ou animateurs de réseau. Cible prioritaire: les zones défavorisées. « Les centres labélisés répondent à un besoin de reconnaissance sociale et professionnelle. En plus de l’urgence sociale, il y a les PME qui ont besoin de couteaux suisses du numérique », observe-t-elle. Un budget dédié de 10 millions d’euros sera consacré au label auxquels s’ajoutent 70 000 euros pour chacune des 200 structures.

 

Vine, pour toucher les 16-30 ans

Au-delà, l’Elysée travaille son programme de séduction auprès des instagrameurs. Ce 17 septembre, trois équipes de jeunes blogueurs aficionados du réseau sont invitée à visiter le Palais. Au choix : jardin, patrimoine ou cuisines. L’objectif, deux jours avant les journées du patrimoine, est de créer du buzz en produisant vidéos et photos (« #emptyElysée Quand l’Elysée ouvre ses portes aux Instagrameurs ») pour le site et de le compte Instagram de la Présidence, histoire de donner un coup de jeune au dispositif de communication numérique.



Instagram ? Le hackathon se retrouve très vite sur ce réseau qui offre une diffusion publique ou privée. C’est avec les six secondes vidéos de Vine (Twitter), le dernier territoire numérique investi par le service Internet de l’Elysée. Le compte n’a encore que 4500 abonnés et 300 « like » mais il est vu comme étant plein de promesses pour toucher les 16-30 ans.

 

Mais pourquoi le petit frère de Facebook et pas juste Facebook? « Le phénomène d’accaparement des réseaux sociaux fait qu’on assiste à un déplacement systématique des tranches d’âge qui veulent être en dehors de codes», estime Frédéric Giudicelli, responsable adjoint du pôle presse et communication, en charge du numérique. Et pourquoi pas Snapchat, prisé par les ados, et qui devrait être investi par le Service d’information du gouvernement (SIG) avant la fin de l’année ? Le patron de la cellule Web répond que ce réseau a l’inconvénient d’être « symétrique », comme Facebook, et implique que vous soyez « amis » pour y diffuser un message. Plus compliqué pour un compte politique et institutionnel…

 

Aucune appli mobile

Il est vrai aussi qu’il importe de renforcer la dimension sociale et communautaire du nouveau site officiel, relancé le 24 septembre trois ans après son remodelage en responsive design (ce qui fait que l’Elysée a fait le choix de n’avoir aucune appli mobile). Dès sa page d’accueil, l’un des 300 000 visiteurs mensuels verra que elysee.fr clignote de diverses couches sociales, notamment en faveur de la vidéo.

 

« On avait un gros défaut, les tweets  arrivaient en une, mais ils disparaissaient, il n’y avait pas d’archives sur les tweets, les vine, les instagram. Là, on va pouvoir mettre en une des contenus en fonction de ce qu’on veut pousser », souligne Frédéric Giudicelli. La cellule dispose de deux JRI et produit 20 à 30 vidéos par semaine. A eux la mission d’assurer la livraison « d’instantanés éditorialement intéressants », comme une condamnation du coup de force au Burkina-Faso par le « PR »… ou ses bains de foule souriante pendant les Journées du Patrimoine.



Pour sa barre d’alerte et son module de live où l’utilisateur clique sur le player, le site s’est inspiré des sites médias. La fonction éditoriale de Elysee.fr, qui a touché 2 millions de visiteurs depuis 2012, est revendiquée. Il ne s’agit pas d’apparaître présent sur tous les réseaux. « Le but n’est pas de démontrer qu’on est partout », insiste le chef de la cellule Web. La preuve ? Certains outils sociaux ne sont plus guère utilisés. « On utilise beaucoup moins Tumblr sauf pour les gifs animés, ajoute-t-il, on n’arrivait pas à prendre nos marques ».

 

De même, selon un observateur extérieur, les commentaires ne sont plus du tout à l’honneur depuis que les électeurs du Front national en font leur miel. Quant à Foursquare, il a laissé un mauvais souvenir du temps de Nicolas Sarkozy en raison de ses capacités de géolocalisation : la visite du chef de l’Etat à la famille d'un jeune décédé à Marseille était devenue : « Je viens d’arriver à la Timone ».



Une websérie vidéo pour l'image de la France

L’image sera aussi, sur le site, au centre d’un nouvel onglet « coulisses » dans lequel on retrouvera une web-série vidéo « Elyséein&off », produite au rythme trimestriel et destinée à valoriser les métiers de l’Elysée. Après le protocole suivront le service audiovisuel et le secrétariat général du gouvernement qui prépare le Conseil des ministres. L’action est alors très institutionnelle. La cellule audiovisuelle travaille « pour l’image de la France » en filmant par exemple « l’excellence de la lingère qui repasse une nappe vieille de 150 ans ».

 

Mais à travers des « dossiers thématiques », portant sur la lutte contre le terrorisme, la France dans le monde, Cop 21 ou la jeunesse, c’est un tout autre axe stratégique qui apparaît : il faut alors raconter l’action politique du chef de l’Etat à travers les archives.  « Notre démarche est à la fois la valorisation de la présidence de la République et la valorisation de l’action du président », estime Frédéric Giudicelli. Elysée et Elysée-moi, en somme.

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