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Hors-série, supplément, magazine digital… le contenu journalistique est plus que jamais mis à disposition des annonceurs haut de gamme. Et rien n’est trop beau pour les séduire.

A l’occasion de la dernière Fashion Week, Lagardère, Condé Nast, Mondadori ou encore FigaroMedias ont, comme chaque année, déroulé le tapis rouge aux professionnels du luxe réunis à Paris. Dîners, fêtes, rencontres, études font partie de la panoplie des moyens mis en œuvre par les éditeurs pour séduire de précieux annonceurs. Nouveautés 2015 : deux publications conçues par des quotidiens ont fait leur apparition la semaine précédant l’événement : Almaviva, un supplément diffusé cinq fois par an avec le Figaro et les Echos Week-end, un magazine vendu 4 euros chaque vendredi avec le quotidien économique. Deux titres sur papier glacé, à la maquette élégante, accordant une large place à la culture et à l’art de vivre mais aussi aux espaces publicitaires. «Un supplément permet de communiquer en dehors de l’actualité, comme dans M le magazine du Monde, note Anne-Sophie Lefebvre, directrice associée de KR Media, en charge de LVMH. Il correspond bien aux attentes et exigences des marques de luxe en termes de périodicité, de qualité et de contexte.» De quoi éviter tout téléscopage comme ce fut le cas, début septembre, avec la publication en Une du Monde de la photo sur une plage turque du corps du petit réfugié Aylan et, en page 5, d’une publicité Gucci montrant un mannequin allongé sur le sable. Une association largement commentée et critiquée sur les réseaux sociaux.

Et rien n’est trop beau pour ces annonceurs fidèles (voir ci-contre). «Notre ambition est d’être la marque préférée des decision makers, ces consommateurs-lecteurs dans l’action dont le rapport au luxe est non ostentatoire», explique Cécile Colomb, DG des Echos Médias. Prisma revendique, plus largement, «une premiumisation de ses magazines, qui passe par des magazines à dos carré, un papier à grammage élevé ou des contenus à forte valeur ajoutée». Cette approche nous «permet de vendre 15000 exemplaires à 18 euros de Harvard Business Review, 80000 à 7 euros de Flow ou 30000 à 13 euros de Geo Art», détaille Philippe Schmidt, le directeur de la régie. Des chiffres qui démontrent le fort engagement des lecteurs et qui sont un argument de poids pour convaincre les annonceurs.

«Il faut être à la hauteur de ce que les marques dépensent», souligne Aurore Domont, présidente de FigaroMedias. Ainsi, Almaviva «répond à leur demande d’un support pouvant être repris en main, avec un sens de la mise en scène» quand le cahier du quotidien Et vous expérimente de plus en plus de nouveaux procédés, comme les publicités hors format ou l’échantillonnage… «Ces annonceurs ont une demande croissante d’innovation», constate la dirigeante de la régie dont 40% du chiffre d’affaires vient du secteur du luxe. Un constat partagé par Lagardère Active Publicité, qui organise «une réunion mensuelle avec les acteurs du secteur comme KR Media pour LVMH et l’agence Plus pour Chanel, afin de présenter toutes les nouveautés», relate Caroline Pois, DGA du pôle féminin haut de gamme.

Les annonceurs du luxe sont également de plus en plus friands d’innovation éditoriale. «Ils comprennent qu’ils doivent aller plus loin que les quatrièmes de couverture  en donnant de l’information», analyse Béatrice Imbert-Forgeot, DGA en charge du pôle luxe international à Optimedia. Cartier a ainsi sponsorisé une série de sujets sur les hommes produits pour CNN, pour mieux se faire connaître de cette cible. «La presse est un média moins souple», regrette l’experte.

Pourtant, le brand content explose chez les éditeurs. «Studio Clés, créé en 2013, met à leur disposition des artistes avec lesquels le titre travaille pour produire un contenu que seule une marque a les moyens de réaliser», explique Perla Servan-Schreiber, directrice de la régie. Pour le groupe L’Oréal, Clés a ainsi réalisé Sillage, un 12 pages présentant cinq parfums accompagnés d’un poème et d’une aquarelle d’Aurore de La Morinerie. Approche similaire pour Elle, dont la rédaction produit les hors-séries Elle 100% Parfums ou Elle 100% Soin. Et bientôt 100% Parapharmacie et 100% Maquillage. Diffusés à 40000 exemplaires, ils sont envoyés aux membres du club Gold de Sephora et aux abonnés premium du magazine. Condé Nast France pousse la logique encore plus loin, en créant avec ses journalistes des contenus de marque qui s’adaptent à l’ensemble des écrans et des plateformes. Il produit ainsi, en marque blanche, le magazine digital d’une grande marque de cosmétiques supervisé par l’une de ses rédactrices en chef beauté. «L’implication de journalistes, qui savent raconter des histoires, est une garantie de qualité. Mais il faut travailler avec seulement quelques marques, sur un temps long, comme dans un atelier de luxe», souligne Xavier Romatet, PDG de Condé Nast France.

La touche Condé Nast ou Mondadori est importante. «Les titres qui ont un vrai parti-pris éditorial sont plus intéressants car ils laissent une empreinte culturelle», soutient Brune Buonomano, DGA de BETC Luxe. D’autant qu’avec le digital, ils sont moins prescripteurs, le public découvrant souvent les produits en temps réel via le digital. Certains préfèrent rester dans l’esprit de leur ligne éditoriale, plutôt que d’imaginer des produits spécifiques. «Grazia ne fait pas de spécial luxe. Nous préférons que les marques soient interprétées par des femmes mise en avant dans nos pages de manière à ce que les lectrices se les approprient au mieux», explique Valérie Camy, directrice de Mondadori Publicité. La régie a ainsi fait poser des lectrices en rockeuses pour Opium d’Yves Saint Laurent.

Pour Louis Vuitton, BETC Luxe n’a pas hésité à produire elle-même une publication biannuelle, The Book, distribuée à 2 millions d’exemplaires à travers le monde,  avec des experts de la presse, notamment Yorgo Tloupas, ex-DA de Vanity Fair et Sylvia Jorif, chef des infos mode et rédactrice en chef adjointe de Elle. «Il s’agit d’enrichir le territoire d’expression des marques sur autre chose que la publicité», commente Aurélie Boué, responsable de BETC Content, qui a rejoint la filiale luxe de BETC pour développer l’activité brand content.

L’essor du web appelle d’autres développements. «L'écosystème digital a fait changer l’environnement, estime Corinne Mrejen, présidente de M Publicité et Régie Obs. Même pour le luxe, il faut être attentif à la question du ciblage, en adoptant une démarche différente pour appréhender l’audience.» Sa régie a ainsi créé «une cible des creative minds, qui correspond parfaitement à un univers du luxe de toute façon très structurant dans l’élaboration des dispositifs publicitaires». A écouter Julien Féré, directeur des stratégies de KR Media, «le ciblage avec la data se fait seulement avec les régies ayant des audiences suffisantes. Mais le luxe travaille aussi son image, sa désirabilité, en étant présent auprès des trend setters, dont les médias ne sont pas forcément mainstream». Avec une presse de plus en plus luxueuse mais encore pléthorique, les annonceurs ont finalement l’embarras du… choix.

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