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Le projet de loi «pour une république numérique», attendu mercredi 9 décembre en Conseil des ministres, combine grands principes et mesures concrètes avec l'ambition de réduire le fossé entre nouvelles technologies et politiques publiques. Sur la forme d'abord, puisque le texte a été enrichi via une consultation en ligne. Sur le fond ensuite, avec un but: rendre internet plus accessible, plus lisible et plus respectueux des droits des utilisateurs, un objectif que ses détracteurs jugent toutefois inatteignable avec des mesures uniquement «franco-françaises».   

«Il faut que les problématiques numériques soient davantage intégrées dans les politiques publiques», a plaidé la secrétaire d'État au Numérique Axelle Lemaire, reconnaissant que l'idée d'inscrire dans la loi des notions comme la «neutralité du net» ou la «libre disposition des données personnelles», a parfois eu du mal à passer. Si la formulation juridique de certains articles a été revue après un avis du Conseil d'Etat, rendu jeudi 3 décembre, l'essentiel des dispositions prévues figurera dans le projet de loi.   

Avec ce texte, «il s'agit de poser un socle», a expliqué Axelle Lemaire, consciente qu'une rédaction trop précise serait peu adaptée à un secteur en bouleversement constant. Mais du coup, «pas facile de comprendre les obligations qui découlent» de certains articles, pointe auprès de l'AFP la députée LR (Les Républicains) Laure de la Raudière. Le projet de loi contient des dispositions concrètes, telles que le droit au maintien de la connexion internet en cas de factures impayées, la possibilité de faire des dons par SMS ou encore l'encouragement de la lettre recommandée électronique. Sur ce dernier point toutefois, le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), Sébastien Soriano, avait dit n'être «pas convaincu» par le dispositif, jugeant lors d'une audition à l'Assemblée nationale qu'il manquait de «maturité technique».

«Loyauté des plateformes»

Face aux géants du net, le texte entend par ailleurs imposer un principe de «loyauté des plateformes», avec l'obligation de rendre plus lisibles les conditions générales d'utilisation et de publier les méthodes de référencement. Les services de messagerie électronique devront aussi permettre aux internautes de transférer le contenu de leur boîte email vers un nouveau prestataire de leur choix. Un autre volet du texte préconise une plus grande transparence des données publiques. Il prévoit la possibilité pour les chercheurs d'entités publiques de mettre gratuitement leurs travaux à disposition passé un certain délai et renforce les pouvoirs de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada). Si le Conseil national du numérique (CNNum) a salué dans ces mesures une «stratégie ambitieuse», il a averti que la directive européenne sur la réutilisation des informations publiques «semblait amorcer un mouvement inverse».

Cet organe consultatif a regretté aussi que, dans sa rédaction actuelle, le texte ne reprenne pas sa proposition de définir un «domaine commun informationnel», qui visait à éviter les abus du droit d'auteur pour des sujets relevant du domaine public. Le gouvernement n'exclut toutefois pas de réintroduire cette mesure via un amendement. Le CNNum a déploré également l'absence d'encouragement à l'utilisation des logiciels libres dans les organismes publics, une proposition qui avait pourtant recueilli de nombreux suffrages lors de la consultation.   

Contradictions

De façon générale, si quelques articles ont été ajoutés suite à la consultation, comme le droit d'héberger soi-même ses données internet ou la création d'un cadre légal pour les compétitions de jeux vidéo, on reste loin de la «co-écriture citoyenne» vantée par le gouvernement, regrettent certains contributeurs. «On ne s'engageait pas à retenir automatiquement les propositions les plus votées», s'est expliquée Axelle Lemaire, dont les services ont répondu de façon argumentée à chacun des contributeurs.   

D'autres mesures visant à encourager le développement économique des start-up devraient elles figurer dans le projet de loi «nouvelles opportunités économiques» d'Emmanuel Macron, qui sera présenté d'ici à quelques semaines. Ce qui fait regretter à Laure de la Raudière l'absence de «lisibilité du gouvernement sur la question numérique». «On a plusieurs axes qui sont assez contradictoires: l'attractivité du territoire portée par Macron, le tout sécuritaire porté par Valls et Cazeneuve sous prétexte de lutte contre le terrorisme, et un axe plus protecteur avec Axelle Lemaire qui veut légiférer sur la protection des données personnelles», a énuméré la députée.

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