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PDG de Magical Capital, Jérémie Berrebi est cofondateur avec Xavier Niel (Free) de Kima Ventures. Il revient sur l'aventure Kima et donne ses conseils avisés de dénicheur de start-up, en marge du premier Sommet des start-up, organisé par Challenges le 6 avril au palais Brongniart.

Jérémie Berrebi, PDG de Magical Capital, se définit comme un investisseur et un «serial entrepreneur». Sa société conseille aujourd'hui en stratégie digitale des groupes familiaux et des grandes entreprises.

 

Quel est le montant moyen que vous investissez dans les start-up?

Jérémie Berrebi. Nous investissons entre 3 et 10 millions de dollars. Via Letter One Technology, montée par Mikhail Fridman, le fondateur d'Alfa Bank, nous avons 9 milliards de dollars en banque et 2 milliards à investir dans le digital pour les deux prochaines années. Ce fonds, dans lequel on retrouve de grandes familles russes et anglaises, détient 16 milliards de dollars d'actifs. Il possède un groupe de télécoms, Vimpel Com, qui regroupe douze opérateurs dans le monde représentant 220 millions de clients. Aujourd'hui, Magical Capital cherche à aider des groupes à se transformer et à investir dans des start-up. Ce que j'ai fait avec Xavier Niel pendant six ans, je le fais pour des sociétés et plusieurs personnes. Nous travaillons pour cinq groupes, sans doute douze à la fin de l'année.

 

Vous étiez la tête chercheuse de Kima Ventures jusqu'en 2015. Xavier Niel regardait-il les dossiers?

J.B. Je faisais tout, mais Xavier finançait et donnait un feu vert sur chacun des investissements. Trois ou quatre fois, il a refusé un dossier que je lui avais soumis, parfois alors que j'avais moi-même un doute. C'est un boulot où l'on a des regrets du matin au soir. Il nous arrive de rater des boîtes parce qu'on a reçu un coup de fil à ce moment-là. Mais il faut apprendre à ne pas regretter. Les premières années, Xavier Niel n'avait pas de contacts avec les start-up. Puis il a commencé à faire des investissements et c'est à ce moment-là que j'ai décidé de quitter Kima Ventures. J'investissais au nom de Xavier Niel. Kima Ventures était un nom choisi parce qu'il n'était pas encore connu. C'était marketé comme un fonds, mais c'était une pure affaire de business angel.

 

Niel avait-il des directives?

 

J.B. Absolument pas. Il venait des télécoms et ne connaissait pas le monde des start-up comme moi. Le premier de ses investissements a été Deezer en 2007. J'en suis à l’origine mais ce n’est pas un investissement de Kima Ventures. Puis, il y a eu la licence Free Mobile, le montage de l'école 42... Xavier est alors devenue une mascotte, et à juste titre. A part lui, pas grand monde a changé autant l'écosystème.

 

 

Quel rôle a joué la part qu'il a pris dans le Groupe Le Monde en 2011? Cela a contribué à le médiatiser davantage?

 

J.B. Non. Il a pris cette part dans les médias à un moment où il connaissait déjà une médiatisation, mais cela l'a fait changer de monde, il est monté dans l'establishment. Cela a contribué, je ne dirais pas à l'embourgeoiser, mais presque. Il n'est pas nécessaire d'être propriétaire d'un média pour qu'on parle de nous, mais dans ce monde-là, cela apporte un cachet. À l'international, quand j'expliquais qui était mon partenaire, je ne disais pas le fondateur de Free, que personne ne connaissait, je disais le propriétaire du journal Le Monde. J'entendais alors: «Waou, Le Monde, c'est génial...» Il aurait racheté Le Parisien, cela n'aurait pas fait le même effet. Les gens comprenaient mieux alors la puissance de la personne. C'est un peu un Jeff Bezos.

 

Quels sont vos critères de sélection des start-up?

J.B. Il s'agit d'abord de déceler si la société répond à un vrai besoin. Nous investissons peu dans des sociétés à très forte complexité technologique. C'est peut-être une erreur, d'ailleurs, mais ce n'est pas notre stratégie. On a toujours regardé le dossier en nous demandant si cela servait à quelque chose, s'il y avait une vraie barrière à l'entrée. Nous avons monté beaucoup de sociétés qui nous apparaissaient utiles: on a été le premier investisseur de Prêt d'union, de Leetchi, d'Afrimarket, de Lengo, etc. Pour La Ruche qui dit oui, dans laquelle j'ai investi avec Xavier Niel et Marc Simoncini [Meetic notamment], le business plan du fondateur était un dessin de sa fille qui expliquait le concept de ruche. On s'est dit que le type était dingue. La structure de Simoncini, Jaïna Capital, ne voulait pas. Marc a investi à titre personnel et c'est probablement aujourd'hui un des plus beaux succès français.

 

Vous dîtes «un vrai besoin». Cela va favoriser à l'avenir les start-up utiles socialement?

 

J.B. C'est ce qu'on cherche: changer la vie, résoudre de vrais problèmes, créer du lien social, réduire les fractures et la faim dans le monde. J'ai déjeuné avec un patron de banque qui me disait qu'il commençait à réfléchir au concept de biens communs. On essaye de ne pas regarder que les cours de bourse et les valorisations. J'ai vu quelque 22 000 dossiers de start-up à Kima Ventures. Il y a de quoi saturer ! Quand je vois une boîte - israélienne - qui permet d'alimenter son véhicule électrique avec de l'aluminium, sans déchet tout en coûtant moins cher, là, je m'éclate ! On manque de sociétés transformantes à la Blablacar ou Uber. Uber, c'est quand même la société la plus créatrice d'emplois de l'histoire de l'humanité et pour une population la moins apte à trouver du travail.

 

Investissez-vous dans des start-up de médias?

J.B. J'ai investi dans Visual Revenue, rachetée par Outbrain, qui permet d'aménager la page d'accueil en fonction des sujets qui plaisent de façon automatisée. J'ai aussi investi dans Wibbitz, qui convertit un contenu texte en vidéo. C'est une start-up déjà présente en Israël et aux États-Unis, et qui va bientôt arriver en France.

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