C’est depuis la rue Lucien Bossoutrot, dans le nouvel ensemble Quadrans de 60 500 m2, situé près de Balard, à deux pas du périphérique parisien, que Michel Combes, PDG de SFR, et Alain Weill, le patron de Next Radio TV et désormais directeur général des activités médias d'Altice, ont orchestré le 27 avril le premier acte de leur convergence. Dans cet immeuble appelé à regrouper dès la mi-2017 les activités audiovisuelles de Next Radio TV (BFM TV, RMC, RMC Decouverte, BFM Business...) et la chaîne d’info I24 News de Patrick Drahi – avant les activités presse d’Altice Media –, quatre lancements sont prévus visant à faire converger télécoms, médias et régies.
Le premier, SFR Presse, a été déjà dévoilé: il s’agit de créer dès à présent une application disponible pour 18 millions de clients de SFR avec tous les titres grand public d’Altice Média (Libération, L’Express, L’Expansion, Ciné-Ciné Live, L’Etudiant, Lire…). «Cette offre de presse en illimité va créer un usage qui pour l’instant n’existe pas, comme dans la vidéo avec Netflix et la musique avec Spotify», confie Marc Laufer, PDG d’Altice Media Group (propriétaire de Stratégies). Des revues de presse des différentes publications seront aussi possibles en fonction de thématiques choisies.
La deuxième nouveauté, SFR News, va packager les chaînes BFM TV, BFM Business et I24 News et créer deux chaînes d’informations, BFM Sport et BFM Paris, sur l’actualité culturelle et les sorties en Ile-de-France. Autre lancement, SFR Play, se penchera sur les séries et le cinéma. On y retrouvera les premières exclusivités de Zive – le service de SVOD de SFR –, comme la série Medici: Masters of Florence, les adaptations de créations originales du bouquet israélien Hot de Patrick Drahi, tel la Famille Zagouri.
Last but not least, SFR Sport, va se décliner sur cinq chaînes spécifiques. La première (SFR Sport 1) est bien évidemment la chaîne de la Premier League anglaise – dont les droits ont été payés 300 millions d’euros – qui sera enrichis de «contenus premium». La 2 est celle du multisport (rugby, gym, basket…) tandis que la 3 est consacrée aux sports extrêmes, la 4 aux contenus sportifs en 4K (ou ultra-HD) et la 5 aux sports de combat.
Premier opérateur de contenus
«C’est une logique industrielle visant à faire de SFR le premier opérateur de contenus», indique-t-on chez SFR où ces offres, intégrées dans les forfaits, seront mises à disposition «pas forcément avec une hausse de prix». Pour le 1er mai, les abonnements internet augmenteront néanmoins de 2 euros afin de répercuter «l’enrichissement de l’offre». Les forfaits les moins chers (Starter 2h, Red) ne seraient pas concernés par SFR Presse, offre illimitée qui devrait être facturée 19,90 euros auprès des autres opérateurs télécoms, mais qui serait en accès libre pour les clients SFR. "Nous donnerons la priorité à nos clients existants, il y aura une prime à la fidélité", a déclaré Michel Combe.
Le groupe télécoms voit dans cette convergence une arme de conquête de nouveaux abonnés, de fidélisation, de création de valeur et… de positionnement publicitaire.
Force de frappe dans la publicité
«Face à l’annonceur, ce n’est pas la même histoire avec 18 millions de lecteurs potentiels», résume une source à SFR. Les régies publicitaires de Next, de SFR et d’Altice Media seront regroupées pour afficher un nouveau poids sur le marché.
"On va avoir une régie unifiée, une force de frappe exceptionnelle, a déclaré Alain Weill qui va prendre la présidence de SFR Publicité comme de SFR Médias. Si les trois régies garderont dans un premier temps leur autonomie juridique, elles sont donc appelées à fusionner pour developper le maximum de synergies. "J'espère qu'on sera sous le même toit", a auguré Alain Weill. Sur le plan publicitaire, le groupe veut présenter une offre puissante sur la cible hommes, CSP+ et actifs avec BFM TV, RMC Découverte, Numéro 23, Eurosport et Discovery (en régie) alors que les autres acteurs sont plutôt sur la cible des ménagères de moins de cinquante ans. Par ailleurs, le patron a annoncé un développement dans la publicité adressée, profitant de la voie de retour de la box SFR, à l'exemple de ce que fait la chaîne newyorkaise News 12 avec Cablevision.
"On va pouvoir adresser des messages de publicité différents, a fait valoir Alain Weill, du Canigou pour ceux qui ont un chien et du Ronron pour ceux qui ont un chat".
De son côté Michel Combes, qui dit attendre un travail sur la donnée, la localisation et sur la performance pour voir si la publicité adressée se transforme en acte d'achat, ne cache pas de grandes ambitions sur la marché publicitaire : "On veut inventer la régie digitale de demain, la publicité sur Internet a été trop longtemps laissée aux mains des GAFA" a-t-il déclaré.
Cette logique de distribution de marques médias par un opérateur télécom, qui est d’ailleurs ouverte à d’autres éditeurs et opérateurs, trouve une traduction capitalistique: SFR acquiert les parts d’Altice Media Group pour une valeur d'entreprise de 241 millions d'euros, soit 4,5 fois l'Ebitda «ajusté des synergies et des déficits reportables», selon un communiqué. Le financement de ces opérations proviendrait des ressources propres de SFR et d'un crédit accordé par le vendeur d'Altice Media Groupe France pour un montant de 100 millions d'euros.
Côté Next Radio TV, les 49% du groupe audiovisuel sont achetés par SFR au même prix que celui payé par Altice. Le projet de transaction valorise l'entreprise à une valeur de 741 millions d'euros, soit à 7,9x l'ebitda. Cette part pourra atteindre 100% en 2019.
