Audiovisuel
Le patron de TF1 Publicité et directeur général adjoint du groupe TF1, chargé de la régie et de la diversification, explique la réforme en cours pour marier antennes, publicité et activités de divertissement. Il annonce, avec Sylvia Tassan Toffola, directrice générale déléguée aux opérations commerciales, la prise en régie de la plateforme Twitch.

Les audiences de TF1 ont été chahutées cet été du fait des Jeux olympiques. Comment abordez-vous cette rentrée? La situation est-elle devenue difficile pour le groupe TF1 et la chaîne mère en particulier?

Régis Ravanas. Nous sommes très optimistes pour cette rentrée. C’est l’aboutissement du travail mis en place par Gilles Pélisson. Le groupe TF1 est un paquebot qui ne se manie pas instantanément. Il faut un peu de temps pour impulser des changements. On y est aujourd’hui, avec une organisation où j’ai récupéré toutes les activités business du groupe et où Ara Aprikian, qui s’occupe des antennes, se trouve dans un bureau à côté du mien et à proximité de celui de Gilles Pélisson. Cela peut paraître anodin, mais c’est profond et très structurant. Cela traduit une volonté assez forte de désilotage des activités et de rapprochement des contenus de la monétisation.

 

Un désilotage entre les antennes et la régie publicitaire ?

R.R. Oui, et c’est quelque chose de nouveau à TF1. Il y avait d’un côté l’antenne, de l’autre la monétisation. Nous sommes dans la construction d’un projet commun. Il y a une vraie prise de position de l’équipe contenus sur la façon de développer des perspectives intéressantes pour les annonceurs. Mes objectifs personnels sont indexés sur l’audience quand ceux d’Ara sont indexés sur la monétisation. Un périmètre qui comprend la régie publicitaire, mais aussi TF1 Entertainment – licences, comme Barbe à papa ou Hello Kitty; musique avec Zaz et M Pokora; spectacles avec La Légende du roi Arthur et la Cité musicale de l’île Seguin à partir d’avril; expositions, comme James Bond et Harry Potter; jeux, comme Chrono bomb et Tresor Detector, etc. – et TF1 Studios pour le cinéma: coproduction, acquisitions de droits audiovisuels, international et vidéo.

 

Vous concevez le groupe comme une plateforme de distribution de contenus…

R.R. Notre ambition est d’être la première «content market place» de France en diffusant et en distribuant des contenus premium. Au-delà du développement de cette diversification, nous voulons rapprocher nos activités des marques. Nous sommes à la fois sur le gratuit et le payant, avec la deuxième plateforme VOD de France.  Pour M Pokora, nous signons un accord pour développer un album, une tournée, en faire un animateur de Voice Kids, et nous travaillons sur son association à Renault via une campagne spécifique pour le nouveau Scenic. L’actrice de Clem, Lucie Lucas, a aussi été associée à Sephora, qui souhaitait travailler sa communauté de femmes 15-34 ans dans une opération 100% digitale, avec des tutos beauté et un Facebook live. Pour la Cité musicale, nous aurons comme partenaires le Crédit mutuel ou la Fnac. 

 

Etes-vous inquiet sur l’évolution du média télévision?

R.R. Non. Contrairement à ce qu’on a pu croire, c’est un média en pleine expansion. Il y a une croissance des revenus prévue en 2016 de 7% aux Etats-Unis, de 4,4% dans le monde et de 2,6% en France, selon Magna. La télévision a été affectée par la fragmentation des audiences et une baisse du coût GRP de 25% ces quatre dernières années et de 50% depuis 2007. L’enjeu est de lui redonner de la valeur. Le média est considéré comme accessible et efficace pour les ventes. Au niveau mondial, Procter&Gamble est dans une dynamique de croissance. Face au digital qui a rebattu les cartes, il y a la volonté de ne pas oublier le «core business». Je croise tous les jours des annonceurs qui me disent qu’ils doivent aller vers le digital, mais que sans la télé, ils ne savent pas faire. L’étude de l’ANA aux Etats-Unis a aussi montré qu’il fallait faire attention dans le digital.

 

Vous profitez de la méfiance qu’inspire la fraude sur internet?

R.R. C’est un peu l’Eglise qui revient au milieu du village. Il y a eu un engouement pour le digital qui est justifié, mais qui est peut-être allé un peu loin, compte tenu des robots à clics et de l’association des marques à des audiences de moins bonne qualité. On voit que la télévision, parce qu’elle fait vendre, est en train de reprendre toute sa puissance. Notre force, c’est la «brand safety». Les contenus de TF1, sur le digital, en télé ou en radio, sont mesurés. Nous sommes dans des espaces premiums et qui sont sécurisés sur le plan de l’audience qu’ils délivrent. Pour la première fois, nous avons une offre éditoriale plurimédia extrêmement claire, avec une navire amiral accompagné d’une flottille d’antennes bien positionnées et incarnées avec Yann Barthès sur TMC, ou Yves Calvi sur LCI. NT1 a une approche 15-34 ans. On fait le pari d’avoir une offre renouvelée, plus jeune et plus segmentée. Les investissements sont répartis sur les différentes antennes, pas que sur TF1. Nous adressons l’ensemble des contenus en télévision, et en radio avec les 8,6 millions d’auditeurs des Indés Radios et sur notre offre digitale forte de 300 millions de vidéos vues par mois.

Sylvia Tassan Toffola. Ara Aprikian s’occupe du off et du on. Le programme, dès sa conception, est pensé pour le digital. Pour Yann Barthès, nous allons concevoir des contenus exclusivement digitaux et pas seulement sur le replay. Nous aurons d’ailleurs une proposition de news éditoriales décalées un peu dans l’esprit de Vice. Ce sont autant de nouvelles opportunités pour la régie. Nous avons déjà des demandes sur l’environnement Barthès, pour des opérations publicitaires avec des chroniqueurs.

 

Quelle est votre stratégie dans le mobile?

R.R. Le fait d’avoir un LCI mobile first, avec les applis TF1 News et Metro News, qui disparaissent au profit de cette marque, permet de développer un inventaire vidéo. On va avoir des contenus créés pour le mobile. Il s’agit de travailler notre positionnement de première régie vidéo premium. En outre, nous avons 53 millions de followers des divers réseaux sociaux sur nos marques. L’enjeu est aussi d’adresser le social. On l’a vu avec Clem. Nous avons un partenariat avec Twitter Amplify. Nous aurons une offre Snapchat pour les matchs de l’équipe de France de football. Il y a des discussions des équipes de LCI et de TF1 pour intégrer Discover à partir d’octobre.

S.T.-T. Le contenu est une nouvelle monnaie d’échange. Nous avons développé en ce sens l’«ad-switching». Aujourd'hui, 1,6 million de personnes regardent la télévision en direct sur le digital. A trois ans, on comptera avec les smartphones et les tablettes cinquante-cinq millions de téléviseurs portatifs. Pour l’Euro 2016, nous avons eu une quinzaine d’annonceurs sur le produit, qui permet de regarder le match en ayant une publicité différente du linéaire et «ad-servie», cliquable, géolocalisée et dont le contenu peut être changé. Nous en sommes au début et c’est une première en Europe. Nous le généralisons sur des grandes franchises, comme Voice Kids.

 

Jusqu’où on peut-on aller dans l’intégration de la data, sur le numérique et dans les spots TV?

R.R. Nous avons été les premiers à lancer le GRP Data il y a plus d’un an. C’est le croisement du panel Mediamat et des données de Kantar à partir des ventes sur 44 marchés pertinents. Grâce à cela, nous sommes capables de mettre en place un médiaplanning non seulement socio-démographique, mais sur les acheteurs d’une marque. Cela se déploie désormais en Espagne et aux Etats-Unis. Sur NBC, Fox et Viacom, le GRP Data est intégré, depuis avril dernier, aux logiciels de médiaplanning. Il y a donc un double ciblage: socio-démo et GRP acheteurs. Cela bouscule un peu les agences! Sur le téléviseur, la moitié de la diffusion se faisant par IP TV, les opérateurs des box savent au moins géolocaliser. On pense qu’il y a quelque chose à faire. C’est pourquoi nous avons abordé ce sujet de façon collective à travers une étude du SNPTV, qui sera lancée prochainement. Comment adresser la data en fonction de l’endroit où l’on se trouve? Un cabinet sera retenu pour étudier cette publicité adressable la semaine prochaine. Nous avons plusieurs travaux en cours avec Orange. Quel élargissement obtenir via la catch-up? Si vous n’avez pas regardé un programme, on peut prioritairement vous adresser une publicité.

 

Quel bilan publicitaire faites-vous de l’Euro 2016 ?

R.R. TF1 a mieux vendu l’Euro que son concurrent sur les onze matchs miroirs de M6. Nous sommes au-dessus de nos objectifs, ce qui laisse penser qu’il y a un effet TF1 et Grégoire Margotton. Depuis la finale, nous constatons un amour assez spectaculaire du public et des annonceurs envers l’équipe de France [dont TF1 diffusera les matchs].

TF1 Publicité se renforce sur la vidéo avec Twitch

Pour conquérir les millennials, TF1 Pub laboure plusieurs territoires: Finder, le premier MCM sur la beauté, compte 1,5 milliard de vidéos vues et a réalisé en mai Get Beauty, le premier salon des youtubeuses mode-beauté de 15 à 34 ans, qui a accueilli 10 000 jeunes femmes et aura une deuxième édition. Autre terrain de jeu, l'e-sport, qui assure un pendant masculin à 80%: TF1 Publicité ainsi devient la régie publicitaire de Twitch, la plateforme mondiale de gaming d’Amazon, avec 1,5 million de visiteurs uniques en France (+40% de croissance annuelle) et un temps passé de 8 heures 20 minutes par mois (2h30 pour les plateformes généralistes). L’Oréal Men Expert et Axe compte déjà parmi les annonceurs. Enfin, côté jeunesse, TFou est en hausse de 22% au 1er semestre 2016. Forte de 32% de croissance sur la vidéo pour cette période, TF1 Publicité se positionne comme la régie vidéo premium, avec 300 millions de vidéos vues par mois et 20 millions de visiteurs uniques mensuels sur les quatre écrans. La régie profite d’un parc constitué de 50% de téléspectateurs IP TV, échappant à l’«ad-blocking», dont elle a 35 à 40% de part de marché. Pour la régie, le taux de complétion [lecture intégrale des vidéos publicitaires] est de 97%, quand la moyenne du marché est à 60%. La régie met en avant aussi la richesse de ses inventaires, avec 62% de moins de cinquante ans sur MyTF1. 

 

Réorganisation de la régie

Avec une nouvelle signature, «Révélez la valeur de vos marques», la régie s’est réorganisée sous l’impulsion de Sylvia Tassan Toffola, sa directrice générale déléguée aux opérations commerciales, avec l’ambition de conquérir de nouveaux clients via la TV, la radio, le numérique et les opérations spéciales. Elle a déployé l’organisation avec cinq piliers: l’offre TV via un pôle "trade" (antenne + vidéo), sous la direction de Myriam Lévy, qui prend aussi en charge la programmation; le digital, qui devient un pôle à part entière sous la responsabilité de Jean-François Ruhlmann; une stratégie de monétisation de l’offre animée par Laurent Bliaut (GRP Data…); un pôle annonceurs sectorisé et, enfin, TF1 Pub Live (ex-TF1 Pub 361), qui recouvre le «real time» pour le digital (communautés, nouvelle génération des écrans de pub avec les textes en live ou les fins de spots pouvant changer en fonction des promotions en journée, enrichissements des spots en temps réel…) et Studio Live makers, structure forte de 30 personnes pour élaborer des contenus premium éditorialisés et en marque blanche pour alimenter les sites des marques. Le nom du dirigeant de cette entité sera annoncé la semaine prochaine.

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