Nouvelles technologies de ciblage, nouveaux formats, nouveaux médias… l'innovation est omniprésente dans le secteur et les limites sans cesse repoussées.

Bousculant tous les modes d'achat médias dans le digital, le programmatique évolue à un rythme élevé. Il y a cinq ans, il était surtout connu à travers le retargeting. Cette technologie poursuit l'internaute tout au long de sa navigation, en affichant les trois derniers produits qu’il a consultés sur le site marchand qui pensait avoir ferré le client. Mais, si le retargeting publicitaire est le premier à avoir rencontré le succès, notamment auprès des opérateurs de l’e-commerce, la problématique va aujourd'hui bien au-delà de cette mécanique, et répond aux besoins des annonceurs en termes d'acquisition. Outre l’achat en temps réel, la grande force du programmatique est de pouvoir toucher très précisément les internautes qui vont être sensibles au message de l'annonceur.

La bataille de l'humain contre l'IA

Pour ce faire, certains, comme Criteo ou Rocket Fuel, défendent une approche basée à 100% sur l'intelligence artificielle, laissant les algorithmes de machine learning cibler de manière autonome les populations les plus réceptives. Une approche qui a démontré sa pertinence, mais qui a aussi laissé beaucoup d'annonceurs sur leur faim. Le fonctionnement en boîte noire de ces algorithmes ne permettait pas de savoir comment cette audience était réellement construite. D’autres ont choisi un positionnement mi-humain, mi-algorithmique: «Tradelab se positionne sur l'acquisition, alors que les retargeteurs purs sont sur la conversion», rappelle Guillaume Valicon, head of business solutions chez Tradelab. «Nous ne sommes pas sur une approche 100% algorithmique, mais sur une approche hybride homme-machine. La machine n'égalera jamais l'humain dans sa connaissance de la cible et l’identification des comportements évolués», estime-t-il. Aussi, les consultants de Tradelab travaillent avec l'annonceur afin de connaitre au mieux son domaine et les caractéristiques de ses cibles et d'optimiser l'algorithme, voire d’introduire des informations impossibles à percevoir pour un algorithme de machine learning. «C'est le cas de la distance de l'internaute par rapport au point de vente, illustre Guillaume Valicon. Si l'algorithme ne dispose pas des coordonnées GPS de l’un et l’autre, jamais il ne parviendra à identifier cette information, pourtant cruciale dans le calcul du taux de conversion. Ce n'est qu'ensuite que les algorithmes viennent enrichir le modèle de départ.»

De son côté, Azameo, un trading desk basé à Sophia Antipolis, veut démocratiser l'accès aux annonceurs de toutes tailles. La société française propose des algorithmes optimisés uniquement pour les segments d'audience que vise son client. «Notre positionnement est résolument tourné vers l'annonceur, explique l’un des cofondateurs, Emmanuel Niclot. Via notre interface, il peut voir ses campagnes ciblées par segment d'audience et constater de visu sur lesquels elles fonctionnent le mieux.»

Un découpage «manuel» des audiences dénoncé par certains. «S'appuyer sur des présupposés pour se construire une cible de femme de plus de 35 ans qui habite en ville, ce n'est rien d'autre que du media planning comme on en faisait il y a 20 ans, s'insurge Éric Clémenceau, directeur général de Rocket Fuel France. On se retrouve fréquemment avec 60 à 100 lignes de paramétrage pour définir une cible, cela n'a aucun sens. Il faut revenir au vrai big data, laisser les algorithmes trouver les gens réactifs au message de l'annonceur. Il y a 100 milliards d'impressions chaque jour, l'algorithme trouve très rapidement les bonnes personnes.» Le responsable France de la plateforme évoque le cas d’une campagne pour un produit cosmétique anti-âge, initialement créé pour les femmes de plus de 45 ans, et qui fit un carton auprès des jeunes femmes ayant trouvé en celui-ci un produit assouplissant pour la peau, très efficace et à petit prix. Une cible d'opportunité pour la marque de cosmétique, qui a immédiatement été mise en avant par l'algorithme de machine learning, et que les enquêtes consommateurs de la marque ont confirmé seulement a posteriori.

Les algorithmes démontrent donc leur efficacité, et la technologie continue de progresser afin d'améliorer encore davantage leur pertinence. Illustration de ces recherches, IBM a mis en ligne une place de marché des comportements des internautes. Le géant américain s'est allié avec une vingtaine de partenaires, parmi lesquels Facebook, Live Ramp, des acteurs de la programmatique comme Rocket Fuel, The Trade Desk ou encore l'éditeur Sugar CRM. Avec pour objectif d’échanger des données comportementales sur les internautes. Fort de ses connecteurs avec de multiples sources de données, le service IBM UBX (Universal Behavior Exchange) doit permettre aux annonceurs d'affiner leurs campagnes.

Plus récemment, une start-up baptisée Media Brix a levé 6,5 millions de dollars, portant le total de ses fonds à 18 millions, dans le but de développer une technique de ciblage «émotionnel» pour le programmatique. L’Américain s'appuie sur des techniques de neuromarketing afin d'accroître la réceptivité des internautes exposés aux campagnes. Résultat? Plutôt que le recours aux interstitiels qui provoquent une rupture dans la navigation de l'utilisateur, et donc un rejet, Media Brix milite pour des formats totalement intégrés au web mobile ou à l'application. Les études biométriques et neurométriques avancées par la startup montreraient une efficacité d'un facteur 4 à 9 de cette approche. Pour susciter l'engagement de la part du consommateur, Media Brix a, par exemple, récemment utilisé l'application de messagerie Kik afin de mettre en avant des annonces pour le Washington Post sous forme de jeu ou des promotions pour Burger King.

Le programmatique embrasse tous les formats

Tous les formats de publicité en ligne, tels que les a normalisés l'IAB, sont accessibles en achats programmatiques. Désormais, ils sont éligibles - y compris les formats mobiles qui ont posé quelques problèmes de tracking aux acteurs du programmatique. Les plus grosses difficultés seraient donc quasiment résolues. «Pendant très longtemps cantonné à l'environnement internet, au PC, le programmatique est maintenant partout et sur tous les formats, souligne Julien Gardès, le managing director Europe de Rubicon Project. Il y a deux ans, commercialiser des habillages de page en programmatique était totalement illusoire, c'est aujourd'hui d'une banalité absolue.»

La plateforme supply-side (SSP) de Rubicon Project, qui opère dans une quarantaine de pays, doit s'adapter aux particularités de chacun. «Les Belges n'ont pas les mêmes formats que les Français, qui eux-mêmes n'ont pas les mêmes formats que les Scandinaves ou les Italiens, explique-t-il. Si bien qu'aujourd'hui, nous avons 2 000 formats différents en stock !» La principale contrainte de la mise sur le marché d'un nouveau format, c'est qu'il existe un inventaire conséquent du côté des éditeurs et bien évidemment une demande du côté des annonceurs. «L'époque où un retargeteur poussait un format 300x50 dans un leaderboard de 728x90 est bel et bien révolue. Plus aucun format n'échappe au RTB et la toute dernière évolution du protocole OpenRTB intègre désormais les formats audio», se réjouit Julien Gardès qui confie avoir mené ses toutes premières campagnes sur Spotify, voici quelques semaines.

Les native ads arrivent en force

Après le basculement des formats classiques, c'est maintenant au tour des native ads de passer au programmatique. Ils représentent actuellement le format préféré de nombreux annonceurs, en raison d’une plus grande efficacité que celle des bannières vieillissantes. Ce nouveau type de publicités présente aussi l'avantage de passer aux travers des ad blockers. Un atout clé pour ceux qui s'inquiètent de plus en plus de la visibilité réelle des impressions qu'ils achètent. «En France, Quantum Advertising a été la première à proposer du programmatique sur du native advertising, à allier des contenus sur-mesure avec la logique d’achat en temps réel», revendique son cofondateur Mickael Ferreira. Lequel souligne l'intérêt porté par les publicitaires français. «Le standard a été défini l’année derrière et va contribuer à fluidifier les flux. En 2016, les marques ont testé le format en programmatique, et ce sera un véritable business significatif dès l’an prochain.»

Dans cette quête de contenus publicitaires qualitatifs, les annonceurs cherchent également à personnaliser au mieux leurs messages. L'ère où les sites de vente en ligne empilaient leurs fiches produits dans un format «Skyscraper», selon un modèle graphique simpliste et réutilisé par tous les sites, s'achève enfin. Pour que les internautes cliquent, il faut soigner la qualité du contenu, véritablement personnaliser les bannières. Ce besoin a fait émerger les outils de DCO (Dynamic Creative Optimization), un type de logiciels capables de générer ces bannières à la volée en intégrant des données directement liées à l'internaute afin de retenir son attention, mais aussi en faisant varier leur design à l'infini. Au final, c'est l'algorithme qui constate quelle est la version qui génère le plus de clics de la part des internautes. Et c'est cette version qui est privilégiée au fur et à mesure du déroulement de la campagne.

Le programmatique partout et tout le temps, c'est maintenant

Si le nombre de formats accessibles au programmatique s'est largement accru ces dernières années, la technologie conquiert désormais d’autres supports. Julien Gardès révèle: «Au Royaume-Uni, l'affichage programmatique est aujourd'hui une réalité et nous avons des projets similaires dans d'autres pays.» Le mobilier urbain, les écrans d'aéroport, les écrans disposés dans les transports en commun, et sans doute les voitures et réfrigérateurs connectés, suivront, dans un avenir plus ou moins proche, ce mode de commercialisation. «Nous avons noué des partenariats avec les cinémas aux États-Unis et l'IPTV [la télévision diffusée via un réseau IP] est un marché potentiellement très intéressant», ajoute Julien Gardès. «Très intéressant» est un doux euphémisme puisque, même si le digital dépasse cette année la télévision sur le marché mondial de la publicité, c'est un gâteau de près de 200 milliards de dollars qui serait accessible, à terme, aux acteurs du programmatique.

Reste qu’en France la réglementation impose aux chaînes que les programmes diffusés en hertzien soient les mêmes pour tous, que l'on habite à Brest ou à Nice. Il est donc formellement impossible de personnaliser les écrans publicitaires de la TNT. En revanche, sur la télévision de rattrapage, les régies TV ont commencé à commercialiser leurs écrans en programmatique. La technologie commence à être bien maîtrisée par certains opérateurs de l'audiovisuel. La montée en puissance de la diffusion, via le mobile et les box internet en France, ouvre le champ des possibles pour une personnalisation des écrans publicitaires des flux directs. Le feu vert du CSA sera nécessaire pour lever l'ambigüité de la réglementation actuelle sur cette diffusion «digitale» des chaines TV. Mais certains sont déjà dans les starting-blocks pour basculer dans le programmatique.

«Le header bidding: l'optimisation des revenus, côté éditeur»

Si les annonceurs exploitent le RTB pour acheter leurs espaces au meilleur prix, les éditeurs de sites ont aussi des armes pour valoriser au mieux leurs inventaires. Cette arme, c'est un petit bout de code qu'ils placent en haut de leurs pages web. Alors que l'internaute demande à accéder à la page, ce code compile toutes les enchères reçues de la part des différents SSP, avec lesquels il y a un accord, ainsi que les tarifs négociés en gré à gré. Les offres sont classées en fonction du prix proposé par chacun et la page est "livrée" au SSP dont l'enchère est la plus haute. Certains évoquent un doublement des CPM engrangés par les éditeurs grâce à cette technique. 

 

«Notre volonté est de sortir des formats standards» 

Béatrice Tourvieille, directrice marketing de Voyages-sncf.com

«En 2015, un quart de nos investissements en display étaient réalisés en programmatique. Ce fut pour nous une année d’expérimentation concluante puisque, aujourd'hui, plus de la moitié de nos investissements display sont réalisés sur ce canal. Nous utilisons essentiellement les formats standards de l’IAB, mais notre volonté est d’intégrer de plus en plus les achats réalisés de gré à gré, et sortir de ces seuls formats standards. Nous allons chercher à étendre le plus possible les inventaires qui nous seront accessibles via ce canal, notamment en allant vers la vidéo, la TV. Nous faisons actuellement de nombreux tests sur les natives ads, car le niveau d’engagement y est traditionnellement plus fort, ce qui nous permettra aussi d’améliorer la visibilité. Un champ connexe d’investigation porte sur le volet personnalisation des créations. C’est un point sur lequel nous travaillons avec la communication. Et enfin, nous travaillons aussi sur le volet activation de la data avec notamment l’intégration de données de type third party.» 

 

«Prochainement, tous les écrans publicitaires diffusés sur digital seront ad switchés»

Philippe Boscher, directeur adjoint marketing digital et développement de TF1 Publicité

«Il y a deux ans, le Groupe TF1 a fait le choix de mettre en place sa propre place de marché, One Exchange, en allant chercher les technologies de RTB et de SSP sur le marché, mais cette plateforme est opérée par nos équipes. Mi-2015, nous l’avons déployée sur l’IPTV: une première en Europe. Un peu avant l’Euro, nous avons monté les premières campagnes d’adswitching sur le live. Ce dispositif vient d’être lancé sur LCI. Lors que vous regardez Yves Calvi, les publicités sont différentes selon que vous regardiez son émission sur ordinateur, tablette ou smartphone. Et il y a même près de dix écrans sur l’access et le prime de TF1 qui sont "ad switchés". Très prochainement, toutes les coupures seront concernées. Et nous travaillons avec les opérateurs télécom afin de mettre à disposition des datas de ciblage, issues des box, pour optimiser l’efficacité des campagnes.»

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