Mobile
De BFM Paris à Franceinfo, le journalisme mobile gagne les rédactions des grands médias. Une journée lui était consacrée le 2 février, avec la 1re édition des Rencontres de la vidéo mobile, créées par l’organisme de formation Samsa.fr.

Mojo, pour «mobile journalism». Cette expression, inconnue des non-initiés, était sur toutes les lèvres ce jeudi 2 février. Ce jour-là se tenait à l’ambassade de Roumanie à Paris la 1re édition des Rencontres de la vidéo mobile, organisées par Samsa.fr, un organisme de formation spécialisé dans la mutation numérique.

«La vidéo mobile n’est plus une chimère pour geek aujourd’hui», a commencé Philippe Couve, fondateur de Samsa.fr et ancien journaliste à RFI. Pour preuve, le lancement de la chaîne BFM Paris en novembre 2016, dont les 12 journalistes sur le terrain ne tournent qu’au smartphone. Autres grands médias à avoir introduit le journalisme mobile, France Info et RMC. Et la mutation en cours pourrait encore s’accélérer avec l’arrivée de la 5G, annoncée pour 2020.

Pour le journaliste mobile, fini la grosse Betacam ou même la petite caméra Panasonic. Place au smartphone, que ce soit un Iphone ou un téléphone tournant sous Android, agrémenté au minimum d’une perche à selfie, d’un micro-cravate et d’un bon logiciel de montage. Les professionnels les plus aguerris feront appel à un support multi-connexions équipé d’un stabilisateur, d’un vrai micro voire même d’une petite lumière.

 

Récit plus immersif


«Le journalisme mobile implique de nouveaux modes de récit, comme le hors-champs, où le journaliste commente en direct ce qu’il voit sans apparaître à l’écran. Ça oblige le journaliste à se rapprocher des choses, avec au final un récit plus immersif qu’un off», a expliqué Alexis Delahousse, directeur de la rédaction de BFM Paris. «Le piège est de vouloir reproduire dans le ton et sur la forme ce que font les chaînes d’information. Le ton est très différent quand on est derrière un smartphone», a ajouté Denis Vannier, journaliste et chef de projet au cluster Ouest Médialab.

Avant BFM Paris, la chaîne locale suisse Leman Bleu, basée à Genève, a été une des premières à équiper ses reporters de smartphones. Le premier JT 100% mobile a été diffusé durant l’été 2015 ; depuis, chaque JRI choisit le matériel qu’il veut. «Faire de la télévision professionnelle avec des mobiles, c’est possible, à condition de s’équiper d’accessoires pour le son et la lumière. C’est possible à 100% pour le news, un peu moins pour le format magazine et pas du tout pour faire du plateau», a estimé Laurent Keller, directeur et rédacteur en chef de Leman Bleu.

A BFM Paris, trois événements ne sont pas adaptés à un tournage au smartphone, selon Alexis Delahousse: le sport (car il n’est pas possible de zoomer), les meeting politiques (la batterie du téléphone ne tient pas la durée des discours) et les événements tournés la nuit, en raison de la qualité insuffisante de l’image dans l’obscurité.

 

JRI bimédias


Autre exemple, celui de RMC, radio du groupe Next Radio TV, comme BFM Paris. Depuis la rentrée 2016, la station demande à ses journalistes de tourner au smartphone, en plus de leur reportage audio, des sujets vidéo pour la chaîne RMC découverte. «L’objectif à terme est que tous les reporters de la rédaction soient JRI bimédias (radio et télé)», a indiqué Willy Bracciano, rédacteur en chef. Déjà, 12 journalistes tournent son et images, et les montent ; 11 autres s’arrêtent avant le montage.

«Le live a poussé le mojo dans les rédactions», a estimé Pierre-Philippe Cormeraie, directeur de l’innovation au sein du groupe BPCE et fondateur de Wescope TV, qui se présente comme la première chaîne francophone sur Periscope et Facebook Live. Sur la chaîne Franceinfo par exemple, un nouveau format d’émission a été créé autour du live, L’instant Detox. A la barre, le journaliste Julien Pain, qui durant 45 minutes va à la rencontre des passants en les faisant réagir à une fausse information. Tournée au smartphone, mais aussi à l’aide d’une deuxième caméra et d’un preneur de son, l’émission est diffusée en direct sur Facebook Live puis, quelques jours plus tard, sur l’antenne télé. «Un tel dispositif permet de faire un live de très bonne qualité», a assuré Julien Pain, selon qui l’émission rassemble jusqu’à 200 000 personnes en direct.

 

Casser les codes


«Jusque-là, la dernière barrière entre le web et la télé était le direct ; c’est en train de changer, a pointé de son côté Aurélien Viers, responsable du pôle visuel à L’Obs. Le live est plus immersif et le reporter répond aux questions des internautes ; Periscope et Facebook Live cassent les codes du live à la télé

Autre avantage du smartphone, son moindre coût. Moins cher à l’achat qu’une caméra de télévision, il ne nécessite pas non plus la location d’un faisceau satellitaire pour retransmettre en direct ce qui est filmé. Surtout, il permet «une inscription dans l’événement beaucoup plus discrète, ce qui facilite la prise de parole», a ajouté Laurence Allard, maître de conférences en sciences de la communication à l’université Lille III. Utile quand on est amené à couvrir des émeutes en banlieue...

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