L'actu vue par...
Luc Hermann, producteur associé de Premières Lignes, commente pour Stratégies l'actualité de la semaine à l'occasion de la sortie de sa nouvelle émission Cash Impact, dérivée de Cash Investigation.

Cash Impact, dérivé de Cash Investigation, démarre le 28 février par un droit de suite sur les panama Papers.

C’est une nouvelle collection avec deux à trois numéros par an. On revient sur nos informations et on continue à enquêter en apportant dès ce lundi de nouvelles révélations, avec Benoît Bringer, sur la Société générale dans les Panama Papers. Plus tard, nous raconterons comment à la suite de l’enquête de Sandrine Rigaux sur les nitrites dans la charcuterie, Herta a lancé un nouveau jambon sans nitrite. Cash a eu un impact qui a fait bouger une multinationale comme Nestlé !

 

La nouvelle charge de Donald Trump contre les médias.

On a un peu rigolé avant la campagne, moins rigolé après et aujourd’hui, c’est fini de rire ! Les attaques de Trump visent CNN, le New York Times, le Washington Post et même la BBC. C’est extrêmement grave. Si on prête une oreille distraite, c’est sans doute amusant pour une partie de son électorat qui n’apprécie pas les journalistes. Mais il attaque les médias avec une telle virulence et il prend de telles libertés avec les faits que l’on doit se remémorer, comme disait Kennedy, qu’une presse forte est importante pour une démocratie saine. L'heure est grave. En France aussi, on entre dans une nouvelle ère quand Jean-Pierre Raffarin appelle à huer des journalistes. A nous de redoubler de vigilance pour que nos enquêtes soient les plus rigoureuses et factuelles possibles.



La mise en cause des hackers russes pendant la campagne de Macron.

Quand on regarde les sites Sputnik ou RT, on voit des attaques contre Emmanuel Macron, revenant sur son passé de banquier et le qualifiant de pro-américain. Mais l’équipe d’En Marche n’a pas prouvé que les attaques informatiques sur son site venaient de Russie. Est-ce de la communication? C’est en tout cas une sortie assez étrange.



François Fillon s’en remet au jugement du suffrage universel dans Le Figaro, après avoir dit sur TF1 qu’une mise en examen le ferait renoncer.

Quand il arrive sur le plateau de TF1, il a écouté ses avocats qui semblent lui avoir dit que son affaire allait être classée sans suite et qu’il y avait peu de chances qu’il soit mis en examen. Puis, dans la mesure où le parquet financier a annoncé qu’il n’allait pas renoncer, il dit qu’il ira jusqu’au bout. Quitte à rentrer en contradiction avec son discours prononcé à Sablé-sur-Sarthe « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » D’après ce que je sais, c’est Anne Méaux qui lui avait conseillé de durcir le ton vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. C'est devenu une stratégie de communication très risquée.

 

François Fillon parle de tribunal médiatique.

Il y a une forme d’arrogance des politiques et des multinationales qui nous disent que ce n’est pas le moment de parler tel ou tel sujet. Mais nous n’avons pas d’agenda et nous continuerons de fact checker la parole publique ou des entreprises en mettant la plus grande partie de nos sources en ligne pour permettre aux citoyens de refaire l’enquête par eux-mêmes. 

 

L’arrêt du Grand Journal en mars.

J’ai beaucoup d’affection pour cette chaîne où je suis resté 18 ans. J’y ai beaucoup appris et j’y ai connu les grandes années. Le Grand Journal a eu une grande image auprès du grand public. Je comprends très bien qu’il y ait un problème d’audience et de publicité – le prix du spot de trente secondes était tombé à un niveau extrêmement bas – mais quelle urgence y avait-il à arrêter l'émission en mars au lieu de la poursuivre jusqu’en juin ? On aurait pu réduire sa durée, son budget, changer les chroniqueurs… Je trouve triste que Canal+ ait pris cette décision, en termes d’image. 

 

La diffusion de la presse en recul de 3,2% en 2016, d'après l'Association pour les chiffres de la presse et des médias.

J’en retiens une leçon : pour un média payant, il faut absolument une valeur ajoutée éditoriale. La presse hebdomadaire, notamment, souffre d’un trop plein d’éditoriaux. De L’Obs au Point, face à une offre gratuite très importante, il importe d’apporter de l’information premium. C’est le pari qu’on fait sur Premières lignes. Il y a tellement sur Internet de commentaires, d’éditoriaux, de propos de gens qui écrivent extrêmement bien... C’est pourquoi les grandes rédactions doivent continuer à investir dans des enquêtes au long cours. Je le dis aux éditeurs de presse : laissez les journalistes travailler deux mois ou même deux semaines et vous en recueillerez les fruits. A Cash Investigation, c’est huit à neuf mois avant d’entrer en salle de montage. C’est pour moi une question de survie : il faut que les groupes qui détiennent les journaux investissent dans l’investigation, dans des cellules enquêtes, dans du reportage pour faire la différence. 

 

La relance d’iTélé sous le nom de C News ?

Le groupe Canal a cessé de remettre à plus tard cette relance. Je lui souhaite de réussir mais cette chaîne part avec un handicap énorme : une rédaction décimée après le départ de plus de 100 journalistes, un déficit d’image après une grève déclenchée uniquement pour des raisons éditoriales. Pendant ce temps-là, le public s’est habitué à regarder d’autres chaînes... Les journalistes d’iTélé ont fait preuve d’un vrai courage. Je trouve sain qu’ils continuent dans l’info en continu, de terrain, avec Explicite, même si un pure player est une gageure ultra-complexe.

 

Marc Zuckerberg veut apporter une réponse aux fake news par l’intelligence artificielle.

 Je reste dubitatif sur la capacité de Facebook à faire le tri dans la nébuleuse d’infos bidonnées destinées à faire du clic. Il faut que les organes de presse investissent dans le travail des journalistes pour conserver la confiance des lecteurs et, de notre côté, nous devons nous adapter. C’est ce que nous nous efforçons de faire à Cash Investigation par de la malice dans le commentaire ou une archive rigolote. Nous avons 200 000 à 300 000 vues de jeunes sur Youtube. Les associations internationales de journalistes, comme l'Icij, sont aussi un bon moyen de regagner de la confiance. Sinon, plein de fake news pourront passer au travers du filet. 

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