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Deux géants mondiaux d’internet ont présenté, indépendamment, deux projets sur leur navigateur web destinés à bloquer certains formats publicitaires. Quel impact sur les régies web? Réponses de Sophie Poncin, présidente du Syndicat des régies internet (SRI).

Comment interprétez-vous la démarche de Google et Apple?

Sophie Poncin. Côté Google, cette initiative démontre une volonté de lutter contre les logiciels de type Adblock Plus, utilisés par 615 millions d'internautes. Aujourd’hui, Adblock fixe les règles. Sous couvert de défendre l’expérience utilisateur, l’entreprise a fait de la suppression de la pub un modèle économique. Le géant Google veut légitimement reprendre la main sur des solutions tierces qui viennent se greffer en extensions sur son navigateur Chrome. De son côté, Apple est un acteur qui a toujours veillé à optimiser l’expérience utilisateur. Ce n’est donc pas très étonnant qu’il s’oriente dans cette direction. Ces deux initiatives pourraient en tout cas refondre le système de la publicité digitale…

Est-ce une bonne nouvelle pour le marché?

SP. Sur le fond, le SRI approuve ces projets, dans la mesure où l’initiative de Google s’appuie sur les recommandations de la Coalition for Better Ads. Notre syndicat est d’ailleurs totalement aligné sur ces standards dans le cadre de l’élaboration du label de qualité publicitaire baptisé Digital Ad Trust. Pour rappel, il couvre cinq grandes thématiques: la brand safety, la visibilité, la fraude, l’expérience utilisateur (notamment l’encombrement publicitaire) et le respect des données personnelles. Sur la forme, on peut se demander malgré tout quels sont les risques d’une telle intervention de la part d’un acteur dominant sur le secteur, à la fois sur la partie technologique comme sur la publicité. Il devient ainsi juge et partie et s’assure une maîtrise des publicités vues par les internautes. Nous sommes plutôt partisans de l’autorégulation de l’écosystème. A noter que la situation est différente pour Apple, qui est un acteur majeur en termes de navigateur, mais un petit acteur sur la publicité.

Quel sera l’impact sur les régies?

SP. Que ce soit dans le cadre de cette menace d’adblocking systématique ou de notre label de qualité, il va falloir nous mettre très rapidement en conformité. L’heure n’est plus à maintenir de l’inventaire coûte que coûte mais plutôt à le valoriser, à le faire monter en qualité. Et les régies membres du SRI en sont bien conscientes. A la suite de ces annonces, nous n’avons pas tellement reçu d’appels de régies paniquées, pour la simple raison que pour les régies vertueuses, cela ne posera aucun problème. En fait, cela leur donnera même davantage de poids vis-à-vis de leurs éditeurs, comme des annonceurs, pour faire respecter les standards.

Et que pensez-vous de Funding Choices, le service de Google, encore en bêta test, qui permet aux éditeurs d'afficher un message d'alerte aux utilisateurs d'Adblock dans l’objectif de les inciter à réactiver la publicité ou à payer pour les bloquer?

SP. Ce projet pose un certain nombre de questions, notamment par rapport au fait que Google puisse capter une commission, alors qu’il n’est pas proprement générateur de la valeur… Il s’agit tout de même de mettre entre les mains d’un acteur dominant le modèle économique des médias en ligne. Pour l’heure, nous n’avons pas toutes les informations précises pour juger cette initiative, mais nous porterons un regard très attentif, voire critique, sur les modalités de mise en place de ce service.

Chiffres-clés

54% des internautes dans le monde ont utilisé Chrome et 14% Safari en mai 2017.

Source: Statcounter.

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