Numérique

Une solution globale comme le préconise l'OCDE, une stratégie européenne comme le souhaite Bruxelles ou une méthode rapide et radicale comme l'exige la France? La taxation des géants du numérique s'avère être un casse-tête pour la communauté internationale. «On ne peut pas accepter que des géants du numérique qui font des milliers de milliards de dollars de chiffre d'affaires paient des sommes dérisoires en termes d’imposition», a estimé jeudi 14 septembre le ministre français des Finances, Bruno Le Maire. Soutenu par l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, il présentera samedi 16 septembre à ses homologues des 28 pays de l'UE, lors du sommet européen de Tallinn (Estonie) une proposition pour imposer les géants du numérique (Gafa) sur leurs chiffres d'affaires dans les pays où ils vendent leurs services.

Une mesure radicale qui peut s'appliquer aussi bien à des groupes  bénéficiaires qu'à ceux qui dégagent des pertes, mais qui «a le mérite d'être  simple et de nous permettre d'aboutir rapidement», a assuré M. Le Maire, qui s'était agacé cet été de la lenteur des travaux sur le sujet à l'OCDE et à  l'UE. «Tout cela prend trop de temps, tout cela est trop compliqué», avait-il  regretté à l'Assemblée nationale, après avoir jugé «inacceptable» que la plateforme Airbnb ait payé moins de 100 000 euros au fisc français l'an dernier quand plus de 10 millions de Français ont utilisé le site.

Officiellement, le ministre présente sa proposition comme «complémentaire» des travaux menés par l'OCDE et la Commission européenne, deux institutions qui ont d'ailleurs salué l'initiative française. Mais du côté de Bruxelles, le commissaire Pierre Moscovici a d'ores et déjà appelé à ne pas commettre «les erreurs du passé» . «Les bricolages nationaux risquent de mener à des incohérences entre systèmes fiscaux, que les  entreprises exploitent pour échapper à l’impôt», a-t-il prévenu dans un  entretien accordé aux Echos.

De leur côté, les partisans de la taxe sur le chiffre d'affaires répliquent en rappelant que «la proposition de directive sur l'harmonisation de  l'assiette de l'impôt sur les sociétés», sur laquelle travaille le commissaire, «se heurte encore aujourd'hui aux réserves de certains Etats  membres», a indiqué une source proche du dossier.

Un proposition perçue comme «une pression»

Du côté de l'OCDE, la proposition de M. Le Maire est perçue comme «une pression» pour que le dossier de la taxation des Gafa avance au sein du G20 et que les pays membres se mettent d'accord pour une solution qui aurait l'énorme  avantage d'être mise en pratique à l'échelon global. Le directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE,  Pascal Saint-Amans, a d'ailleurs qualifié la proposition française de «solution intérimaire» .

Même s'il ne porte pas dans son coeur les taxes sur les chiffres d'affaires, qu'il n'hésite pas à qualifier de «bêtes», il se dit convaincu que si elles sont bien ciblées, elles peuvent aboutir à des résultats. «Politiquement je comprends que cela puisse être rendu nécessaire s'il n'y a pas de perspective claire sur un accord dans un temps qui soit raisonnable», a-t-il affirmé devant une commission de l'Assemblée nationale       L'Allemagne aurait d'ailleurs «apporté son soutien à l'initiative française pour justement faire avancer le dossier au sein du G20 dont elle exerce actuellement la présidence», a expliqué à l'AFP une source proche du dossier.

M. Le Maire a, pour sa part, insisté sur le soutien de Berlin. «Les discussions très régulières que nous avons avec le ministre allemand des  Finances Wolfgang Schäuble m'incite à penser que nous sommes sur la même ligne à ce sujet », a-t-il assuré. Reste pour lui à convaincre les autres pays européens d'adhérer à cette initiative, en particulier l'Irlande qui, avec un taux d'imposition autour de  12,5 %, accueille un grand nombre de filiales de géants du numérique.

Si le projet aboutit, un nouveau défi attend les initiateurs : évaluer le  chiffre d'affaires réalisé par ces différents groupes dans chacun des pays où  ils sont actifs, faute pour l'heure de données publiques. Selon une source proche du gouvernement français, une piste serait de se baser sur la TVA «due par les géants du numérique dans les pays de  consommation des services» et dont ils s'acquittent déjà.   

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