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Dix quotidiens au banc d'essai
08/10/2009 - par Enquête : Muriel Signouret avec Gaël Olivier LacampEntre Le Figaro et Libération, les quotidiens nationaux généralistes refont l'actualité, en cette rentrée. Nous avons passé au peigne fin toute l'offre des quotidiens du jeudi 1er octobre.
À force de lire, d'entendre et de répéter que les quotidiens nationaux sont à la dérive, nous avions envie de vérifier concrètement leur offre. Non pas en interrogeant les experts, mais en se mettant simplement dans la peau d'un lecteur. D'où l'idée de ce comparatif, réalisé sur un jour déterminé à l'avance, donc sans anticiper sur l'actualité : le jeudi 1er octobre 2009.
Ce jour-là, d'ailleurs, aucune actualité ne s'est vraiment imposée. De quoi se rendre compte, justement, de ce que les quotidiens ont dans le ventre puisqu'il leur appartenait de créer l'événement.
Les unes
Et dire que l'on reproche aux journalistes de se copier ! Faux. Ce 1er octobre, les dix quotidiens étudiés présentent pratiquement neuf sujets différents sur leur une. Seuls Le Figaro et Direct matinplus ont fait un choix identique, en mettant en avant un sujet un peu lointain, le 60e anniversaire de la République populaire de Chine. Le Parisien fait le pari d'un sujet de proximité avec le foot et les autoroutes limitées à 110 km/heure… Idem pour La Croix, qui revient largement sur l'ouverture à la concurrence de La Poste, un sujet au cœur des préoccupations des Français. Metro développe aussi une thématique proche de ses lecteurs avec l'opération Octobre rose contre le cancer du sein. Dommage que le rendu final prenne des allures publicitaires… Quant à 20 Minutes, son titre sur le sujet très magazine des séries TV déconcerte. France Soir reste fidèle à sa réputation en titrant sur un fait divers, tout comme L'Humanité qui décerne sa médaille d'or du chômage à l'État, ou encore Libération, qui met en exergue la rénovation du PS. Pour résumer, chaque quotidien décline plutôt bien son positionnement.
Sur le plan graphique aussi, chacun affirme son style. Direct matin plus s'inspire du Web avec des sujets illustrés par des photos. À l'opposé, Le Monde donne une impression de densité, avec beaucoup de textes, aucune photo et le sacro-saint dessin de Plantu.
Notre coup de cœur. Si L'Humanité jouit d'un titre fort et d'une une claire, Libération remporte notre palme de la une innovante, inventée à la faveur de sa nouvelle formule. Même si les images de droite semblent illustrer les sujets de gauche, ce qui n'est pas le cas…
L'ouverture du journal
Deux écoles s'affrontent : d'un côté, les quotidiens qui ouvrent sur l'événement monté en une; de l'autre, ceux qui déroulent normalement le chemin de fer et ses rubriques sans faire cas du sujet de une. Le Parisien, Libération, L'Humanité, La Croix et Metro se situent dans la première catégorie, ce qui les oblige à innover dans la scénarisation de l'information, avec de multiples entrées par sujet, un genre dans lequel Le Parisien est passé maître avec sa double d'ouverture.
À l'inverse, Le Monde ouvre immuablement sur l'éditorial et l'analyse en page 2 ainsi que sur l'enquête, souvent remarquable et décalée, de sa rubrique baptisée Page trois. Dans cette édition datée du 2 octobre, elle évoque les cumulards décomplexés de la politique. Le Figaro opte pour un principe quasiment identique avec sa page 2 Recto verso, ce jour-là consacrée aux prémices de la chute du mur de Berlin.
Notre coup de cœur. Attribué à l'unanimité à La Croix, qui décortique le démantèlement du service public La Poste en recourant à toute la palette du traitement journalistique : entretien, chronologie, vu de Bruxelles, témoignage, questions-réponses, etc.
Photo et illustration
Les gratuits, notamment Metro et Direct matin plus, ont choisi des maquettes qui font la part belle à la photographie. France Soir et Le Parisien ne sont pas en reste, même si ce dernier a une longueur d'avance avec les infographies. Ce mot est d'ailleurs dans la bouche des artisans des nouvelles formules, à savoir ceux du Figaro et de Libération. Le quotidien dirigé par Laurent Joffrin détonne surtout par la place consacrée aux dessins de l'illustrateur Luis Granena. Cela donne un vrai rythme et une véritable identité au titre. Quant au Figaro, sa rénovation tout en couleur réussie lui a permis de prendre ce virage sans empiéter sur l'écrit.
Dans cet univers coloré, Le Monde fait bien pâle figure.
Notre coup de cœur. Mention spéciale pour Le Figaro nouveau qui, dix jours après son lancement, tient la promesse des infographies, que ce soit pour l'actualité internationale, en l'occurrence la Chine, ou économique, avec une ouverture du cahier saumon sur les déficits.
Le rythme de lecture
Le rythme de lecture d'un quotidien revêt plusieurs aspects. Il peut s'agir de l'équilibre entre les papiers courts et longs ou encore des diverses entrées offertes sur un même sujet. Sur ce point, Libération, Le Parisien et La Croix tiennent la dragée haute à leurs concurrents. Les gratuits sont également bien placés. Avec le rythme, il est également question des cahiers, pour lesquels Le Figaro se distingue des autres. Des tests, selon la direction, ont démontré l'attachement des lecteurs à cette architecture. Même sur les suppléments, le principe d'un cahier séparé ne fait pas l'unanimité. Seul Le Monde l'a adopté le mardi pour l'économie, le jeudi pour les livres et le week-end pour le radio-télé. Libération et La Croix ont pour leur part inséré leur supplément littéraire, ce jeudi 1er octobre.
Notre coup de cœur. Pour le rythme, Direct matin plus a trouvé un bon équilibre entre photo, informations courtes et papiers d'analyse livrés par Le Monde et Courrier international. De quoi ne pas s'endormir dans le métro.
Le ton général
Factuel (Le Parisien), institutionnel (Le Monde), libéral (Le Figaro), polémique (Libération, parfois), racoleur (France Soir, un peu), social (L'Humanité), pratique (Metro), décomplexé (20 Minutes), efficace (Direct matin plus), distancié (La Croix), etc. Là aussi, chaque quotidien joue sa partition. La preuve par l'exemple avec ces accroches tirées des papiers sur le procès Clearstream : «Trop c'est trop. On pourrait me croire parfois !»(20 Minutes, citant Dominique de Villepin); «Sa voix, crâne, est entrée dans le prétoire avant lui» (Le Monde); «Avant son grand oral devant le tribunal correctionnel de Paris, Dominique de Villepin s'est fendu, hier, d'un nouveau discours devant la presse» (Le Parisien); «Dominique de Villepin n'a pas perdu pied. Malgré les coups. Il s'était préparé pour.» (Libération).
Notre coup de cœur. Le Monde reste un quotidien de référence en matière d'écriture journalistique, par son ton neutre mais raffiné dispensé par des plumes sachant être critiques tout en restant élégantes, un peu à l'ancienne. Revers de la médaille, le titre apparaît souvent quelque peu élitiste.
La publicité
Les annonceurs ne se bousculent pas dans les pages des quotidiens en ce premier jour d'octobre, mis à part Uniqlo qui, pour de l'ouverture de son magasin à Paris, s'affiche en surcouverture de Metro et 20 Minutes, tout en s'offrant une pleine page dans Libération. Jusque-là, l'affinité avec la cible est respectée. Idem pour Le Figaro, qui vend les montres Breitling en une et un parfum Dior en dernière page du cahier Et Vous. Le Monde consacre également ses pages couleurs aux annonceurs, et notamment à Acer et Air France. À noter que le transporteur est dans tous les quotidiens, ce 1er octobre.
Notre coup de cœur. Comment ne pas remarquer le soutien d'Air France à L'Humanité ? Une compagnie présente dans le titre alors même qu'elle s'apprête à couper dans ses effectifs… Autre annonceur surprenant dans les pages du journal communiste : BNP Paribas, montrée du doigt cet été pour avoir provisionné un milliard d'euros pour payer les bonus de ses traders.
Conclusion
Le quotidien idéal n'existe pas. Alors inventons-le : ce jeudi 1er octobre, il aurait eu la une de Libération ou de L'Humanité, l'ouverture de La Croix ou du Parisien, les infographies du Figaro, le rythme de Direct matin, certaines plumes du Monde et l'efficacité de 20 Minutes ou de Metro. Sans oublier un supplément littéraire réalisé à partir de ceux du Monde et du Figaro. Il va sans dire qu'un tel quotidien n'aurait pas manqué d'attirer nombre d'annonceurs. On peut toujours rêver…
Méthodologie
Etude réalisée avec les dix quotidiens nationaux généralistes sortis en kiosque (ou diffusés gratuitement à Paris) le 1er octobre 2009 (édition du Monde datée du 2 octobre). Les chiffres OJD retenus sont ceux de la Diffusion France Payée 2008/2009 (DFP). Les chiffres de lectorat viennent de l'étude Epiq 2009. Le volume consacré à chaque rubrique (actualité, culture, etc) doit être compris en nombre de sujets différents et non pas en espace. Pour Le Monde et Le Figaro, ils n'intégrent pas les sujets des supplément littéraires.