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Nicolas Sarkozy a demandé à Bercy une «expertise» sur les revenus publicitaires des grands portails et moteurs de recherche. L'idée d'une "taxe Google", proposée par le rapport Zelnik, fait débat.

En reprenant le 7 janvier la mesure phare du rapport Zelnik, l'idée d'une taxe sur les revenus publicitaires en ligne destinée à financer les industries culturelles, Nicolas Sarkozy a eu le mérite de soulever le couvercle d'un chaudron bouillant: la place de Google en France et son incidence sur les médias. Le moteur de recherche, on le sait, colle parfaitement à la problématique pointée par le chef de l'État de «ces entreprises taxées dans leur pays siège alors qu'elles ponctionnent une part importante de notre marché publicitaire». Établi à Dublin pour payer le moins d'impôts possible, comme l'y autorise le droit européen, Google a généré en France en 2008 des revenus évalués à 800 millions d'euros. Or la firme ne déclare dans notre pays qu'un vingtième de cette somme, soit 40 millions d'euros, pour échapper à ses prélèvements obligatoires.

Philippe Jannet, président du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), fait donc le calcul: «Si on prend en compte un taux de marge de 50%, il reste, sur 760 millions d'euros non comptabilisés en France, 380 millions dans les caisses de Google. Appliquez 34% de prélèvements et vous arrivez à 130 millions d'euros qui échappent à l'impôt. Cette somme, Google s'en sert pour proposer des mises tarifaires de 15 à 20% inférieures sur Ad Sense et tirer le marché vers le bas. Ou pour financer You Tube qui perd beaucoup d'argent et met le bazar. Si vous étendez ce système à toute l'Europe, c'est plus d'un milliard d'euros qui est concerné.» Nicolas Sarkozy a annoncé une saisine de l'Autorité de la concurrence sur un éventuel abus de position dominante de Google.

Philippe Jannet, qui est aussi président du Monde interactif, dont le taux de TVA est encore de 19,6% (contre 2,1% pour le quotidien papier), plaide donc pour une action fiscale concertée à l'échelle européenne: «Les mesures de défiscalisation n'avaient-elles pas été décidées pour sauver les emplois européens des entreprises américaines? Aujourd'hui, cela en détruit. Si on continue comme cela, il n'y aura plus que des groupes internationaux.»

Financer les aides

Pour autant, le Geste se déclare opposé à l'idée d'une taxe. Assise sur les revenus publicitaires en ligne, celle-ci toucherait au premier chef Pages jaunes et ses 500 millions d'euros de recettes, et pas seulement les Yahoo ou MSN. Quant aux vendeurs de services comme Ebay ou Apple, ils ne seraient pas concernés. «Avec cette idée de taxe lancée sans concertation, il y a une incompréhension des métiers du numérique, assure Jérôme de Labriffe, président de l'Interactive Advertising Bureau (IAB). On veut taxer Internet, peut-être demain le mobile. Mais pour en faire quoi ?»

Le rapport Zelnik, qui précise que la taxe serait indexée sur «un seuil de revenus élevé pour épargner les petites entreprises», formule des propositions. Une carte jeunes, destinée à inciter les 15-24 ans à acheter de la musique en ligne et financée pour moitié par l'État, a retenu l'attention de Nicolas Sarkozy. Mais on peut aussi citer un taux de TVA réduit pour le livre numérique ou, pour la musique, la mise en place d'une gestion collective des droits qui séduit Pascal Rogard, directeur des contenus de Daily Motion: «C'est la première fois qu'un rapport va aussi loin pour le développement d'une offre légale, souligne-t-il. Une start-up comme la nôtre (donc non concernée par la taxe) va pouvoir s'adresser à un guichet unique pour avoir la licence des contenus musicaux.»

Le rapport Zelnik ne compte pas que sur Google pour financer ses mesures d'aide. Si la taxe prélève 1 ou 2% au moteur de recherche, elle ne rapportera que 8 à 16 millions d'euros. L'un des rapporteurs, Guillaume Cerruti, indique donc que les fonds, estimés à une cinquantaine de millions d'euros, proviendraient surtout d'un abaissement de la part aidée des offres triple play à 29,90 euros: les fournisseurs d'accès à Internet payent aujourd'hui un taux de TVA réduit (à 5,5%) sur 50% de leurs recettes.

Cependant l'idée de la taxe Google, que raille déjà la presse anglo-saxonne, risque de rester la face émergée de l'iceberg. Comment assurer sa perception si Google refuse de communiquer ses revenus en France? «Ils vont peut-être envoyer des gens en hélicoptère aux États-Unis pour récupérer l'argent», a ironisé Pierre Kosciusko-Morizet, PDG de Price Minister, sur Rue 89.

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