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Steve Jobs, PDG d'Apple, a présenté, mercredi 27 janvier, l'Ipad, sa tablette électronique multifonctions qui ouvre aux éditeurs de presse la perspective d'un modèle payant pour l'information en ligne.

Le sauveur de la presse porterait-il le nom d'Apple ? La firme à la pomme a dévoilé mercredi 27 janvier à San Francisco sa nouvelle tablette numérique, l'Ipad - et non l'Islate, comme le laissait penser le buzz -, et cette perspective fait déjà des émules dans le monde de la presse en France. « L'année 2010 sera celle de la tablette électronique. Elle pourrait apporter un modèle payant », s'enthousiasme Alain Weill, PDG de Next Radio TV et propriétaire de La Tribune. Coincés dans l'économie de la gratuité sur Internet, les éditeurs croisent les doigts pour que la tablette d'Apple, leur permette d'inverser la vapeur et d'installer un modèle payant de l'information en ligne.

 

Objet hybride entre l'Iphone, le Netbook et le livre électronique, l'Ipad, outre un accès Internet, fait déjà fanstasmer par son côté multifonctions : téléviseur mobile, console de jeux et, surtout, support de lecture de presse et de livres avec son écran tactile de 24,6 cm. Mais au-delà des nombreuses prouesses technologiques de ce objet de 680 grammes et 1,27 cm d'épaisseur, chacun compte sur l'incroyable force d'Apple pour réitérer le succès de l'Ipod et, surtout, de l'Iphone. L'Ipad sera mise en vente dans deux mois aux Etats-Unis à un tarif variant de 499 dollars (pour la version 16 gigabit) à 799 dollars (pour la version 64 gigabit).

 

Avant même la présentation de l'Ipad, et grâce à un buzz exceptionnel, les éditeurs de presse étaient déjà mobilisés, outre-Atlantique, pour préparer sa commercialisation. La New York Times Company développe des versions électroniques de ses titres spécialement conçues pour la tablette d'Apple. Condé Nast et Time ont créé des maquettes de leurs magazines spécifiquement adaptée à l'objet estampillé Apple. « Le fait que ce soit Apple qui se lance sur le marché des tablettes numériques attise l'intérêt des éditeurs de contenus. Le succès de l'iPhone a préparé le terrain et les éditeurs sont davantage réceptifs », souligne Alexandre Mars, PDG de Phonevalley, la division mobile de Publicis.

 

Lassés de brader leurs contenus sur Internet, les éditeurs de presse misent sur le dernier « bébé » de Steve Jobs, le charismatique PDG d'Apple, pour réhabituer les internautes à mettre la main au portefeuille. « L'Ipad peut relancer l'économie de la presse payante, notamment celle de la presse quotidienne nationale, en proposant un nouveau canal de distribution très qualifié. Elle peut également révolutionner le mode de distribution de la presse gratuite d'information », analyse Paul Amsellem, président de SBW France. Car si Apple ne se privera pas, comme à son habitude, de prélever une partie des revenus générés par la vente de contenus sur l'Islate, les éditeurs de presse économiseront de leur côté les coûts d'impression et de distribution. « Aujourd'hui, la vente de La Tribune sur Iphone est plus rentable que sa vente en kiosques », concède Alain Weill.

La presse attend une solution alternative

Pour le moment, l'installation d'un modèle payant de l'information sur la Toile reste un casse-tête bien difficile à mettre en place. Selon une étude publiée fin 2009 par Boston Consulting Group, 54% des Français interrogés seraient prêt à payer pour une information en ligne…, mais ils ne sont aujourd'hui que 32% à en avoir déjà acheté. « La presse attend comme le messie celui qui leur permettra enfin de monétiser ses contenus sur Internet fixe et mobile », analyse Matthieu Aubusson de Cavarlay, responsable du pôle médias chez Price-Waterhouse-Coopers.

 

Dans l'abondance d'information gratuite en ligne, les projets de sites à péage peinent parfois à s'imposer. Certes, la formule payante lancée en septembre par Libération, avec 4 000 abonnés, affiche des premiers résultats encourageants, mais le projet d'espace payant du site de L'Express est reporté faute de rentabilité. Celui du Figaro, dont le lancement est prévu en février, ne devrait représenter qu'une partie réduite des recettes globales du site.

Sur l'Iphone, les éditeurs ont néanmoins commencé à faire évoluer leur modèle vers le payant. Libération et La Tribune proposent une application en téléchargement gratuit afin d'attirer le lecteur, avant de lui proposer des services et des rubriques premium payants.

 

Cette stratégie du «freemium» est en plus encouragée par Apple, qui a mis en place il y a quelques mois une option d'abonnement payant sur l'App Store. Un modèle plus adapté à la presse que le paiement à la carte utilisé pour l'achat de la musique sur Itunes. « Aujourd'hui, sur l'App Store, il y a des abonnements possible à certaines applications, comme les GPS, pour une durée d'un mois, mais sans tacite reconduction », explique Paul Amsellem, de SBW France. Allié à la simplicité du système de paiement du magasin en ligne d'Apple Itunes, où l'utilisateur n'enregistre qu'une seule fois ses coordonnées bancaires pour tous ses achats à venir, le modèle a de quoi faire mouche.

Ce 3e terminal trouvera-t-il son public ?

Chez les professionnels du marketing mobile, l'arrivée de l'Ipad et les nombreux projets de tablettes numériques annoncés pour 2010 (lire l'encadré) promet de belles perspectives. « Après l'arrivé d'Internet, puis celle mobile, nous n'avons plus besoin d'évangéliser une troisième fois nos annonceurs sur l'arrivée des tablettes numériques », se félicite Alexandre Mars, de Phonevalley. « Au sein de la Mobile Marketing Association, nous réfléchissons à un nouvelle normalisation de la publicité sur les tablettes numériques, car elle sont dotées d'un écran bien plus grand que celui des smartphones », dit Paul Amsellem. Grâce à un terrain bien préparé avec l'Iphone, la publicité mobile pourra s'adapter aisément au format de la tablette.

 

Pour autant, celle-ci aura encore fort à faire pour réussir à s'imposer. «A-t-on besoin d'un troisième terminal ? Un mobile, un ordinateur portable et maintenant une tablette ?», se demande Jean-Louis Gassée, vice-président d'Apple jusque dans les années 1990, sur le blog Monday Note. Selon Gene Munster, analyste chez Piper Jaffray, Apple pourrait vendre deux millions de tablettes dès la première année.

 

Mais jusqu'ici, ce marché est resté confidentiel. En 2007, 1,5 million de tablettes numériques se sont écoulées dans le monde. Le marché a même légèrement reculé, à 1,3 millions de terminaux vendus l'année suivante, selon les estimations d'IDC réalisées fin 2009. Le cabinet table sur une croissance du marché à partir de 2010, qui devrait atteindre 1,9 million d'unités vendues d'ici 2013. Autre crainte : malgré son prix inférieur aux 1 000 dollars attendus, l'Ipad reste un investissement coûteux. Et produit cher et article de masse sont rarement compatibles. «Orange a annoncé qu'il commercialiserait la tablette avec un forfait Internet mobile. Reste à savoir s'il en subventionnera l'achat, à l'image de ce qui se fait dans la téléphonie mobile», explique Paul Amsellem.

 

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