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Les messageries de presse traversent la crise la plus grave de leur histoire. L’opérateur historique, Lagardère, fait blocage, et les aides de l’Etat déçoivent les éditeurs. Le distributeur peut-il s’arrêter de fonctionner ?

Ils sont une poignée à en avoir pris connaissance. Pourtant, le rapport de l'inspecteur général des finances Bruno Mettling est des plus brûlants : missionné par le Premier ministre, François Fillon, il vise à trouver un plan de sauvetage pour Presstalis, qui distribue actuellement 80% de la presse en France, emploie 1 200 salariés et ne parvient pas à sortir du rouge. En témoigne un déficit d'exploitation de plus de 26 millions d'euros attendus en 2010, après une perte de 40 millions pour 2009. Sans oublier un manque de fonds propres de 45 millions d'euros. Résultat, le 29 mars, le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, n'a pas hésité à agiter la menace d'une cessation de paiement en juin. Une situation « gravissime », selon le ministre, et qui donnerait lieu à un dépôt de bilan à la fin de l'année.

Quelques pistes

Le 1er avril dernier, la présentation du tant attendu rapport Mettling, lors du conseil de gérance de Presstalis, a été rien de moins qu'explosive : les cinq éditeurs présidents des cinq coopératives de presse, actionnaires à 51% du distributeur, ont claqué la porte de la réunion. Motif : le refus de Lagardère, actionnaire et opérateur à 49% des messageries, de remettre au pot près de 50 millions, perçus au titre de sa redevance lors de temps meilleurs. Chez Lagardère, on ne s'en cache plus : le groupe est décidé à sortir de son rôle historique d'opérateur des messageries. Arnaud Lagardère lui-même n'a-t-il pas lâché, lors de la présentation de ses résultats le 10 mars : « On n'est pas opérateur, nous sommes minoritaires et nous ne nous sentons pas d'autre responsabilité que celle d'éditeur. » Ce à quoi le conseil de gérance de Presstalis, en la personne de Jean de Montmort, son président, a été prompt à rappeler que Lagardère « assure la direction générale et la fonction d'opérateur, pour laquelle il perçoit une redevance spécifique ». Le groupe nomme aussi le directeur général de Presstalis.

La situation apparaît donc totalement bloquée, alors qu'un financement de 125 millions d'euros s'impose, selon le rapport Mettling, avant le 30 juin. Les pistes proposées par Bruno Metling ont retenu l'attention. L'on y trouve l'idée d'un changement de gouvernance, où la coopérative Presstalis deviendrait une société anonyme, ce qui permettrait à Lagardère de se désengager en cédant ses parts. Autre projet, une refonte des barèmes, tarifs payés par les éditeurs pour distribuer leurs journaux : actuellement calculés sur le prix de vente du journal, ils devraient mieux prendre en compte les frais d'acheminement et de traitement. Enfin, le rapport évoque la possibilité de séparer juridiquement la distribution des quotidiens et des magazines. « Le rapport n'a pas déçu, avec des pistes de restructuration très complètes et très claires », estime une source proche du dossier. « Le problème porte sur le financement : Lagardère ne veut pas payer, les autres éditeurs ne sont pas en mesure de le faire, et l'aide du gouvernement n'est pour l'heure pas suffisante. » Les aides exceptionnelles de l'Etat préconisées dans le rapport, de l'ordre de 20 millions d'euros, ont en effet déçu. Si Presstalis peut économiser 35 millions en cédant des actifs, notamment à l'étranger, les éditeurs sont invités à s'acquitter de 20 millions d'euros. Et manque toujours l'argent de Lagardère…

Une situation « inimaginable »

La distribution de la presse peut-elle alors faire faillite ? « C'est rigoureusement impossible », estime Laurent Jourdas, délégué syndical central CGT de Presstalis. « S'il s'agissait de toute autre entreprise, elle fermerait et personne ne dirait rien. Mais il est inimaginable que le principal distributeur de presse cesse de fonctionner ! Ce serait désastreux pour l'opinion publique, si les journaux ne sont plus distribués. On assiste ici à une crise politique, où les éditeurs font pression sur l'Etat afin qu'il augmente ses aides. » Le 6 avril au soir, une rencontre entre les éditeurs et François Fillon était prévue à Matignon pour une présentation du rapport de Bruno Mettling qui, avant son arrivée imminente à la direction des ressources humaines de France Télécom, s'est montré particulièrement investi sur le sujet, multipliant jusqu'au bout les entrevues.

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