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Fort de son succès en France, Psychologies magazine se décline depuis 2004 dans dix pays étrangers. Ou comment être partout au plus près des atermoiements locaux.

Les angoisses générées par la crise que traverse la Grèce figureront-elles en une? Le 20 avril, c'est dans le berceau des philosophes antiques que Psychologies magazine a lancé sa onzième édition. «En dépit de la situation économique, la filiale nous semblait prête», estime Arnaud de Saint-Simon, directeur général du titre.

Depuis 2003, les équipes du mensuel piloté par Jean-Louis Servan-Schreiber se sont rapprochées de Lagardère afin de rééditer hors de nos frontières l'extraordinaire succès de ce féminin doté d'un supplément d'âme.

L'histoire a des airs de contes de fées au pays de la presse magazine. Il y a treize ans, en 1997, JLSS et sa femme Perla rachètent Psychologies magazine aux époux Loiseau, fondateurs du titre en 1970, soupçonnés d'appartenir à la secte Invitation à la vie. Les Servan-Schreiber s'inspirent alors de Psychology Today, succès américain des années 1970 et 80.

En quelques années, le mensuel connaît une diffusion exponentielle: 70 000 exemplaires lors de son rachat, 320 000 exemplaires en 2005, 333 939 exemplaires aujourd'hui... «Une martingale extraordinaire pour un magazine à 4 euros, à lire plutôt qu'à feuilleter», se félicite Arnaud de Saint-Simon.

Lorsque JLSS cède, en 2004, 49% de sa société, la Finev, à Lagardère, l'idée est d'éviter les tâtonnements inhérents aux déclinaisons internationales. «Nous voulions aller le plus vite possible en nous appuyant sur le savoir-faire de Lagardère, avant que des concurrents ne parasitent notre succès avec des copies», raconte Arnaud de Saint-Simon.

 

Le titre est implanté en Italie (160 000 ex.), en Espagne (52 000 ex.), en Belgique (16 000 ex.), au Royaume-Uni (131 000 ex.), en Russie (360 000 ex.), en Chine (800 000 ex.), en Afrique du Sud (35 000 ex.), en Roumanie (20 000 ex.) et au Mexique (95 000 ex.). «Pays de grande ou de moyenne taille, l'essentiel est que nous trouvions des partenaires de qualité pour conclure des accords de licence», explique Arnaud de Saint-Simon.

Ensuite, tout le liant de la recette réside dans la proximité entre les équipes étrangères et la rédaction française. «Nous essayons de recruter une rédactrice en chef francophone, afin qu'elle puisse s'imprégner de l'esprit du magazine, ce qui est le cas dans sept pays sur dix, souligne le directeur général. Nous réalisons ensemble le numéro zéro et accompagnons le lancement auprès du grand public, mais aussi auprès des publicitaires.»

 

Magazine hors norme, le mensuel n'est donc, reconnaît son directeur général, «pas forcément évident à positionner». Et c'est paradoxalement dans les pays émergents qu'il est le plus aisé à imposer, parce que la concurrence y est moins vive, que la publicité y est encore en croissance et que la presse magazine y touche d'emblée un lectorat urbain et CSP+, le régal des annonceurs.

 

Principale difficulté : maintenir son style dans l'ensemble des éditions, ce qui s'apparente parfois à des exercices d'équilibriste. «En France, nous baignons dans la psychanalyse, remarque Arnaud de Saint-Simon. En Chine, où le moi n'existait pour ainsi dire pas, où l'individu se réalisait lorsqu'il trouvait sa place dans la société, c'est un bouleversement. La réalité de la femme chinoise ou russe est extrêmement éloignée de celle de la femme française. En Chine, encore, le divorce est quelque chose de très nouveau, qui laisse les femmes très désarmées.»

 

Autre différence, «le rapport aux choses matérielles, dans ces pays qui sont en train de vivre leurs Trente Glorieuses, n'a rien à voir avec celui des Français : l'attraction du week-end pour un Chinois est d'aller se promener dans un centre commercial. Pour ce lectorat, nous traitons également abondamment de la problématique de l'enfant unique.»

Chausse-trape, encore : la France regorge d'experts des maux de l'âme, mais ce n'est pas le cas de tous les pays. «En gros, résume Arnaud de Saint-Simon, les rédactions reprennent 50 à 70 % des sujets français: ils vont adapter l'angle, le synopsis du papier en sollicitant des experts et des témoignages locaux.»

 

Pour l'heure, Arnaud de Saint-Simon s'envole pour Shanghai afin de donner une conférence sur le thème «Better City, Better Life» ou comment améliorer son mode de vie urbain. Et réfléchit à une adaptation plus large de la journée de la Gentillesse, une opération qui existe déjà dans douze pays, lancée en France par Psychologies le 13 novembre 2009.

 

«Là encore, les ressentis ne sont pas les mêmes partout: en Afrique, les discussions tournent autour de la violence dans les villes. En Russie, on réfléchit davantage sur la froideur, la dureté des rapports humains.» Chacun voit la gentillesse à sa porte.

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