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La directrice générale du quotidien économique, qui prend le contrôle du capital, doit séduire les investisseurs pour sauver le titre.

La Tribune vendue va-t-elle être de nouveau à vendre? Après la cession par Alain Weill de 78% du capital du titre à sa directrice générale, Valérie Decamp, la question mérite d'être posée.

Car la nouvelle propriétaire du quotidien, qui attend encore l'avis de son comité d'entreprise, le 15 juin, doit désormais se mettre en quête d'investisseurs. Et n'exclut pas, d'ici à douze mois, de céder la majorité du capital à un repreneur si nécessaire. «Je souhaite conserver le contrôle mais s'il n'y a pas d'autre solution, je suis prête à perdre la majorité, confie-t-elle à Stratégies. Mon objectif n'est pas personnel mais qu'un investisseur garantisse l'indépendance éditoriale de la marque.» À condition aussi qu'il lui fasse confiance pour mener à bien le redressement de l'entreprise, encore en perte de 14 millions d'euros en 2009. Il y a urgence:  La Tribune ne dispose plus que de 10 millions dans ses caisses, soit un an de trésorerie sur les 45 millions laissés par Bernard Arnault, en 2007.

 

Mais pourquoi Valérie Decamp réussirait-elle là où Alain Weill, qui conserve 22% du journal, a échoué? «On n'achète pas un homme mais un projet», répond l'intéressée, qui fait valoir qu'elle a des qualités qui la rendent «la mieux à même de convaincre des investisseurs».

N'a-t-elle pas fait ses preuves en tant que directrice commerciale chez NRJ Régies? Et en tant que patronne de Metro, en 2003, n'a-t-elle pas été étroitement associée aux négociations avec le groupe TF1 pour le convaincre de prendre 34% du quotidien gratuit?

Autant d'éléments qui peuvent jouer, selon elle, en faveur d'une recapitalisation de La Tribune. Officiellement, Alain Weill n'a pas eu le temps de se consacrer au sujet. Tout juste se serait-il contenté de sonder des personnalités amies comme Xavier Niel, PDG d'Iliad.

 

Reste à emporter l'adhésion sur le projet industriel du journal articulé autour du triptyque «print, Web et hors-média». Au site et aux outils numériques la fonction d'alerte, au papier celle de l'analyse et à l'événementiel celle d'entretenir la marque.

Bien que plus réservée que son ex-patron sur la formule de La Tribune à 10 euros mensuels, Valérie Decamp recueille aujourd'hui les fruits de sa politique de rationalisation de la diffusion. «Sur les quatre premiers mois de l'année, nous sommes à +2% en diffusion France payée [70 623 exemplaires en mars, selon l'OJD] et à +10% en diffusion totale», souligne-t-elle.

 

Il s'agit aussi de favoriser le virage numérique de La Tribune en investissant l'Ipad après l'Iphone, et en resserrant sa présence physique sur un nombre limité de kiosques. Mais pas question pour elle de remettre en cause l'impression du quotidien qui pèse encore pour 90% dans un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros.

Après 18 millions d'euros d'économies réalisées depuis 2007 (arrêt du samedi, passage en tabloïd), elle affirme aussi qu'elle ne touchera pas à la rédaction appelée à être intégralement bimédia. Objectif: un déficit ramené à 8 millions d'euros en 2010 et l'équilibre en 2012.

 

Quant à Alain Weill, il laisse un goût saumâtre à David Larbre, délégué SNJ: «Sortir de cette manière, c'est l'aveu d'un échec cinglant», a-t-il lâché à l'AFP. À moins que son objectif personnel n'ait été atteint: celui de s'imposer encore davantage dans l'establishment.

 

 

 

Une femme à poigne

Souvent décrite comme une femme à poigne, Valérie Decamp assume son image de dirigeante au management musclé: «Je suis très déterminée, très entière et parfois ça fuse, déclare-t-elle à Stratégies.Je ne supporte pas les feignants et les fumistes. Il n'y a pas de place pour eux. Je ne laisse rien passer, on n'est pas dans un club de vacances. Je demande aux gens d'être convaincus et convaincants. Il n'y a pas de placard ici: soit on change, soit c'est la porte. Je me soigne, mais c'est vrai que je suis parfois soupe au lait.»

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