Medias
Le groupe de médias cherche à vendre ses magazines à l'international et prépare son recentrage sur la France. Denis Olivennes sera chargé de diriger un pôle d'information autour d'Europe 1.

Ce sont sans doute deux actualités qui se télescopent mais elles marquent le groupe Lagardère Active d'une empreinte très franco-française. Le projet de cession de la branche magazine internationale en même temps que l'arrivée, début janvier, de Denis Olivennes à la tête d'Europe 1 et d'un nouveau pôle d'information, en prévision des élections présidentielles de 2012, témoignent d'une ère nouvelle.

 

Fini le temps où Lagardère active s'appelait encore Hachette Filipacchi Médias et qu'il s'évertuait, sous la présidence de Gérald de Roquemaurel, à conquérir les marchés pour consolider sa place - disputée - de leader mondial de la presse magazine. De la simple licence de marque à la société à part entière, en passant par les accords à 50/50 de joint venture, le développement international dans les magazines a pesé lourd dans la mythologie d'un groupe conquérant. « Le recul sur la France est assez traumatisant, témoigne un patron de rédaction, il s'agit d'un revirement stratégique qui traduit un repli indéniable ».

 

Mais comme le reconnaît la direction du groupe Lagardère, « être leader mondial comporte trop de risques ». Il importe en effet de veiller à avoir partout la taille critique, de ne pas se faire reléguer en seconde ou en troisième position car les annonceurs n'ont d'yeux que pour les marques éditoriales fortes.

 

Ou comme dit Ramzi Khiroun, le porte-parole d'Arnaud Lagardère, « la presse magazine est un média mature, dont la crise publicitaire a montré que la taille était un facteur important de succès dans chaque pays ». A son arrivée, en décembre 2006, le nouveau président de Lagardère Active, Didier Quillot, avait évoqué une «nécessaire rationalisation des titres », avec des réductions de coûts passant pas des suspensions ou des arrêts de publication. Les pays où le groupe n'était pas en position de force étaient les premiers visés.

 

Ce que Gérald de Roquemaurel s'était toujours refusé à faire, l'ex-patron d'Orange France allait l'entreprendre : faire le ménage dans le portefeuille de titres à l'international. Avec un objectif : réaliser 10% de l'activité dans le numérique en 2010 (8% aujourd'hui).

 

Cette fois, ni le calendrier ni le périmètre ne sont établis. Partenariat, joint venture, vente ? Rien n'est écrit dans le marbre. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit clairement de se recentrer sur la France et d'essayer de vendre au meilleur prix les magazines internationaux, à commencer par Hachette Filipacchi Media US (Car & Driver, Elle Girl, Woman's Day, Jumpstart) et les 42 éditions internationales de Elle.

 

Le projet est ancien, comme en témoigne la décision de Goldman Sachs, début novembre, de mener un audit afin d'évaluer les participations de Lagardère dans les médias à la suite du raid manqué de Guy Wyser-Prat, au printemps.

 

Pour l'heure, rien ne filtre des discussions, voire des négociations qui s'amorcent. Des pourparlers ont été engagés le mois dernier avec le géant américain Hearst et son rival allemand Bauer. Selon Les Echos, Lagardère serait sur le point d'entrer en négociations exclusives avec l'un de ces groupes pour une cession en bloc de ses titres. L'ensemble représente 710 millions d'euros de chiffre d'affaires, emploie 5 000 salariés et édite 212 titres dans 45 pays.

 

« Burda a un petit avantage car il est européen et peut détenir 100% d'activités françaises, note Jean-Clément Texier, président de Ringier France. Or si Lagardère conserve son Elle en France, il fait baisser la valeur de l'international ».

 

Officiellement, il n'est pas question de céder le contrôle rédactionnel du légendaire magazine féminin mais cela n'empêche pas la Société des journalistes de l'hebdo de faire connaître son inquiétude et d'exiger des garanties contractuelles sur des « critères de qualité éditoriale, artistique et bien sûr éthique ». « Les conséquences d'une telle vente ne vont-elles pas, à terme, entraîner celle du Elle français ? », ajoute le communiqué de la SDJ.

 

Malgré l'«excellente performance publicitaire des magazines, en croissance dans toutes les zones géographiques » selon les déclarations du groupe en novembre, la rentabilité des titres de presse se révèle insuffisante aux yeux d'Arnaud Lagardère qui s'est endetté pour racheter au prix fort des actions de son empire (en passant de 5 à 10% d'autocontrôle).

 

D'où la tentation aussi, même si rien n'est encore arrêté, de recentrer la banche médias sur un pôle français d'information dont Denis Olivennes prendrait les rênes. L'homme a l'avantage d'être strauss-kahnien et sarko-compatible, « ce qui est parfait pour la présidentielle de 2012 », note un journaliste.

 

Reste à savoir s'il s'agit véritablement d'ériger une « new factory » en rassemblant les rédactions d'Europe 1, de Paris Match, du Journal du dimanche et de Newsweb. Cela n'est pas sans rappeler le projet Lagardère News dont Jean-Pierre Elkabbach devait s'occuper et qui s'est vite trouvée contrariée après l'abandon du rapprochement du JDD des locaux d'Europe 1.

 

Cette fois, Arnaud Lagardère a peut être décidé de passer à la vitesse supérieure avec un patron devenu journaliste qui saura se faire écouter, lui reportera directement... et qui empiètera sur le territoire de Didier Quillot. Avant de l'éclipser ?

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