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Georges Sanerot, président du directoire du groupe de presse et d'édition Bayard, livre son approche des lecteurs, quelques semaines avant les nouvelles formules de Notre Temps et de La Croix.

Bayard devrait être à nouveau bénéficiaire pour son exercice 2010-2011. Est-ce à dire que vous ne connaissez pas la crise?

Georges Sanerot. Non, car, comme toutes les entreprises de presse, nous sommes confrontés à une mutation sans précédent. La spécificité des publics auxquels nous nous adressons nous fait regarder la crise de façon différente, mais nous n'échappons pas aux contraintes du marché, comme le reflux des recettes publicitaires. Toutefois, nous résistons et nous faisons un peu mieux que résister. Sur la presse senior, nous progressons de 30% en publicité sur le premier trimestre, avec une régie intégrée que nous avons créée. Et sur Enfant magazine et la jeunesse, nous sommes en partenariat avec Prisma via Initial Régie. La publicité représente la moitié de nos activités B to B, lesquelles totalisent 18% de notre chiffre d'affaires.

 

Poussez-vous aussi à la diversification de vos titres?

G.S. Oui, et cette diversification nous aide sachant que nous restons en cohérence avec nos trois publics de base: les seniors, la jeunesse et les chrétiens. Partant, il n'y a pas de frontières, comme le montre notre développement international. Ces lectorats intègrent le numérique et nous travaillons leur rapport au Web, comme avec Bayard Kids sur les 3-7 ans. Nous multiplions les expérimentations, mais il s'agit aussi d'un canal de dialogue avec nos publics. C'est l'occasion de revisiter les approches commerciales, les bassins d'audience, les contacts avec nos prospects et d'entretenir la fidélité. Nous sommes dans une démarche d'intégration du numérique.

 

Les jeunes enfants sont-ils pour vous des natifs du numérique?

G.S. On s'aperçoit que les enfants qui pratiquent avec curiosité, plaisir et créativité les offres numériques sont aussi très attachés au papier et à la relation avec leurs parents autour du papier. On assiste d'ailleurs dans l'édition au développement de livres de plus en plus tactiles et sensuels. Il ne faut pas opposer ces mondes mais raisonner avec l'un par l'autre. C'est davantage l'invitation à une créativité nouvelle qu'à des abandons du papier.

 

Est-il plus difficile de conquérir un lecteur?

G.S. Nos coûts de recrutement sont plutôt stables, mais les enfants et les parents, aux parcours plus ou moins différents, compliquent parfois le chaînage de nos abonnements. Il nous faut investir dans l'accompagnement de la fidélité et assurer une meilleure visibilité de l'offre. Nous cherchons à faire découvrir la richesse de nos propositions. En prenant soin de ne pas détourner avec des plus-produits l'attention qui doit se porter sur le concept.

 

Pourquoi lancez-vous en mars une nouvelle formule de Notre Temps?

G.S. Le grand principe de cette formule est de bien accompagner, tant sur le Web que sur le papier, des générations seniors qui peuvent avoir des sensibilités différentes. Nous cultivons ce souci de la singularité alors que Notre Temps est passé devant Femme actuelle en 2010 [à 904 472 exemplaires payés en France contre 892 079 en 2009, selon sa DSH OJD 2010].

 

La Croix a en revanche connu une légère baisse de diffusion en 2010, à 94 439 exemplaires contre 95 143 un an plus tôt…

G.S. Oui, car nous réservons nos investissements pour notre nouvelle maquette, qui sortira fin mars. Il y a une nécessité à se pencher sur une formule assez régulièrement. Là, il s'agira de renforcer nos points forts et de passer à une intégration numérique très structurante, avec une rédaction travaillant à la fois sur le Web et le papier et de nouvelles offres commerciales.

 

Le sondage TNS-La Croix publié le 7 février montre une défiance grandissante vis-à-vis des médias, notamment la presse. Comment l'expliquez-vous?

G.S. Le public a besoin de redécouvrir le métier et la mission du journaliste. Il attend un regard différent sur un sujet d'actualité qu'on croit connaître. Cela permet d'en avoir une meilleure conscience que celle d'un bruit. L'une des critiques du public vient de ce que le trop d'informations nous rend impuissants. Il faut permettre au lecteur, par exemple, de s'approprier le monde mais aussi d'en être acteur. Face à la redondance, la banalisation, il faut travailler la singularité des angles et non se satisfaire d'un premier niveau d'approche qui peut être dangereux. En tant qu'éditeur, nous avons le devoir de redonner le goût du journalisme.

 

L'année 2010 a été marquée par le triomphe de Des hommes et des dieux, le film de Xavier Beauvois aux 3 millions d'entrées qui est cité dans 10 catégories aux prochains Césars, le 25 février. Bayard s'adresse-t-il à ce public de masse ou est-il dans une logique plus affinitaire de «réseaux cathos», pour reprendre le titre d'un livre de Marc Baudriller?

G.S. Nous ne sommes pas un éditeur qui aurait le choix d'un seul public. Nos contenus, même s'ils sont de qualité, sont réservés à tous. C'est pour nous une question essentielle, avec une dimension d'espérance, que chacun puisse y avoir accès. Notre presse jeunesse, avec J'aime lire présent dans toutes les écoles, touche deux enfants sur trois. La Croix a montré sa capacité à débattre et à rencontrer toutes les sensibilités. Bayard ne raisonne pas par segmentation ou par lobbying. S'il fallait choisir un réseau, ce serait celui du public. Il n'y a pas chez nous une seule école de pensée. Quant à Des hommes et des dieux, qui a rencontré en effet un large public – ce qui témoigne d'un besoin de spiritualité – nous avons soutenu ce film bien avant sa sortie.

 

Souhaitez-vous continuer à vous développer à l'étranger ou jeter l'éponge comme Lagardère Active?

G.S. Nous sommes présents en Europe, en Amérique du Nord et sur les marchés émergents, dans le sud de l'Asie et en Afrique, au Burkina Faso, avec deux équipes de rédaction. Dans nos objectifs à 5 ans, nous réaffirmons nos ambitions sur l'international, qui représente 20% de notre chiffre d'affaires.

 

 

Résultats attendus au 30 juin 2011

Le groupe Bayard, qui réinvestit l'intégralité de ses résultats dans son développement, était redevenu bénéficiaire en 2009-2010. Selon ses prévisions, il devrait à nouveau être dans le vert cette année, l'objectif étant d'arriver à un bénéfice net de 1,5 million d'euros, contre 3,9 millions d'euros pour 408 millions d'euros de chiffre d'affaires (–3,4%) lors de l'exercice 2009-2010.

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