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L'approche multiplate-forme est revendiquée par les chaînes de télévision et les producteurs, mais le marché reste parfois difficile à convertir.

C'était une première. En avril 2010, le programme Who Killed Summer? était nominé aux British Academy of Film and Television Arts (Baftas), l'équivalent de nos Césars et des défunts 7 d'or. Sauf que la série de télé-réalité, qui suit les pérégrinations de six jeunes candidats chargés d'organiser des fêtes démentes tout autour de l'Europe, a été commanditée par une marque: l'opérateur de téléphonie Vodafone. «Plus de 5 millions de personnes ont regardé le show, que ce soit sur Internet, sur leur téléphone, sur les réseaux sociaux ou dans la “vraie vie” en assistant à des événements», se félicitait Luke Taylor, patron de la maison de production Big Balls Films, lors d'une conférence donnée le 3 avril dernier au MIP TV à Cannes. Au palais des Festivals, le transmédia était d'ailleurs sur toutes les lèvres.

«On assiste à une révolution, estime Alexandre Callay, directeur d'Eurodata Worldwide (Médiamétrie). Nous sommes désormais à l'ère du transmédia 2.0.» Mais le marché est-il prêt? Il va falloir se montrer pédagogue, semble-t-il. «Lorsque nous "pitchons" des projets transmédias, on nous répond: très bien, mais pensez au contenu télé d'abord», remarque Tracey Robertson, PDG de la société de production Hoodlum. Un sentiment d'incompréhension partagé par Christopher Sandberg, patron de The Company P: «Bien souvent, quand je présente des programmes multiplate-forme, on appelle la responsable du numérique, puis le responsable du marketing, et tout à coup, ça devient une usine à gaz invraisemblable!»

Se préparer au public de demain

S'agirait-il d'un changement de culture? «Nous avions l'habitude d'avoir affaire à des cibles très larges, et, tout à coup, nous produisons du contenu pour des microniches!», remarque Jesse Cleverly, directeur de création de Connective Media. De fait, le public de ce type de contenus déclinés sur le petit écran, Internet, les téléphones mobiles, voire l'édition, reste restreint: «Les contenus transmédias ont tendance à cibler les jeunes publics, ceux qui plaisent aux opérateurs de téléphonie: les 14-24 ans accros à leur smartphone», souligne Nuno Bernardo, patron de la société portugaise Be Active.

«Ces programmes n'ont pas pour vocation de toucher la majorité de la population, estime Alexandre Callay. Il faudra sans doute une génération pour que cette pratique explose. Mais il s'agit de se préparer dès maintenant à toucher les plus jeunes, qui ne comprennent pas qu'il faille attendre 18 heures pour regarder un programme ou participer à un jeu.»

Le directeur d'Eurodata va encore plus loin: «Le public va être de plus en plus intégré en tant que créateur de contenus, constate-t-il. On pourrait, par exemple, imaginer qu'une série comme Plus belle la vie intègre de nouveaux personnages, choisis parmi le public sur Facebook.»

En attendant, l'approche multiplate-forme aura les honneurs de l'un des grands événements mondiaux à venir: CNN a annoncé qu'à l'occasion du mariage royal du prince William et de Kate Middleton, des programmes transmédias seront déployés aussi bien sur la chaîne que sur CNN.com, sur le blog Unveiled (www.cnn.com/unveiled), sur le site communautaire Ireport et sur les smartphones.

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