Jean-Paul Baudecroux, Difool, Jean-Eric Valli, Bruno Delport, Fabrice Larue, Joël Pons: tous ont participé au lancement des premières radios libres il y a 30 ans. Alors que Stratégies leur consacre un dossier spécial, voici le souvenir qu'ils gardent de cette époque.

Jean-Paul Baudecroux, fondateur et PDG de NRJ

 

«Comme beaucoup de femmes écoutent la radio, j'ai d'abord eu l'idée de lancer FM femmes. Mais c'était trop segmentant. J'ai donc lancé une radio à destination des jeunes, qui, pendant plusieurs semaines, n'a pas eu de nom car je n'en avais pas trouvé. Puis c'est devenu NRJ. J'appartiens à une génération qui a été privée de musique pendant toute son adolescence. Seule exception, l'émission Salut les copains, diffusée sur Europe 1 à 17h. J'ai donc voulu faire une radio pour moi, pour répondre à mes manques, avec peu de bavardage et beaucoup de musique. Au départ, je diffusais mes propres disques. Quand on s'est développé hors de Paris, j'envoyais la programmation musicale par télex aux radios franchisées et les cassettes des jingles par la Poste afin de garantir d'une certaine unité. Très tôt, les maisons de disque ont vu que NRJ marchait et elles nous ont donc envoyé de plus en plus de disques. On pouvait ainsi choisir les titres diffusés. Chaque titre avait une fiche cartonnée. Quand une chanson était diffusée, sa fiche était remise à la fin de la boîte afin d'assurer une rotation. La libéralisation des ondes a été une très bonne chose. Ça a permis la création de dizaines de milliers d'emplois. Sans elle, le public aurait encore aujourd'hui cinq stations seulement.»

 

Difool, animateur sur Skyrock

 

«En 1981, j'étais collégien à Saint-Etienne. Pendant huit ans, en plus des cours, j'ai participé à M'radio. Pour la première fois, grâce aux radios libres, les jeunes pouvaient entendre de la musique toute la journée. Jusque-là, il n'y avait pas de radio musicale et c'était toujours les mêmes artistes qu'on entendait. Sur ces nouvelles radios, il y avait aussi une grande liberté de ton, qui tranchait avec le ton guindé, coincé des quatre radios qui existaient jusqu'alors. Les radios libres ont créé des choses qui ont été pérennisées par la suite par les grandes radios, comme la libre-antenne.»

 

Jean-Eric Valli, président de Sud radio groupe et du GIE des Indés Radios

 

«En 1981, j'étais étudiant à l'université d'Orléans. J'ai participé au lancement de la radio associative Vibration, comme animateur, puis comme commercial, comme technicien et enfin comme directeur. Pour moi, la France était déjà un pays de liberté. Les radios libres ont surtout été l'occasion de passer de l'autre côté du micro. Rétrospectivement, ce n'était pas un souffle de liberté volontaire. Les radios libres étaient cantonnées à de petites puissances, ne pouvaient pas diffuser de publicité, on n'avait pas de moyen. Mais en même temps, on nous laissait faire.»

 

Bruno Delport, directeur général de Novapress

 

«En 1981, j'étais au lycée du côté d'Orléans. Les radios libres étaient pour moi un rêve. J'écoutais la radio depuis tout petit mais il fallait attendre le soir pour entendre de la musique. Avec la FM, chacun venait avec sa discothèque et faisait partager ses goûts musicaux. Il y avait de vrais îlots de créativité, comme avec Carbone 14. Mais c'était quand même très brouillon.»

 

Fabrice Larue, ancien directeur général de Nostalgie, président de la société d'investissement FLCP

 

«Je pense que les radios libres ont représenté la même révolution vis-à-vis des grandes ondes que la presse gratuite vis-à-vis de la presse payante au début des années 70. C'était un nouvel espace de liberté, marqué par une grande diversité et de la musique pour tout le monde. Lorsque j'ai rejoint Nostalgie en 1987 pour développer le réseau partout en France, c'était magique de monter une radio nationale. Aujourd'hui reste de cette époque toute une génération d'animateurs, comme Arthur, Nagui, Cauet... Les radios libres ont été une pépinière de nouveaux talents.»

 

Joël Pons, co-fondateur de Superloustic, aujourd'hui directeur général de Jenioos Média

 

«Au début des années 1980, j'étais dans le droit et le notariat et je revenais de l'armée sans trop savoir quoi faire. C'est alors que j'ai rencontré Denys Didelon, qui venait de monter Carol FM. Je me suis associé avec lui et on a développé Carol FM à Paris. Au début, on était plus de 100 à y contribuer, puis l'effectif est descendu à une quarantaine. Une année, pour le premier de l'an, on a fait un réveillon ouvert, où on dinait dans le studio en direct. Ça mélangeait des gens de tous horizons. Régulièrement, on avait les CRS et les renseignements généraux sur le dos. Il nous fallait donc déplacer les émetteurs très souvent. C'était mon mai 68 à moi. La radio s'est arrêté en 1983, conséquence de l'interdiction de la publicité et de l'obligation de partager notre fréquence avec quatre autres radios. Carol FM a ensuite été rachetée.»

 

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