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Les engagements forts en faveur d'écrivains sont de retour dans la presse quotidienne nationale, alors que le monde de l'édition souffre durement de la crise.

Une semaine après sa sortie, le livre était déjà épuisé. Les 60 000 exemplaires de «Freedom» de Jonathan Franzen, roman-événement de la rentrée, ne seront pas restés longtemps sur les étals des librairies. Les Editions de l'Olivier ont derechef procédé à un retirage de 40 000 exemplaires. On n'en restera sans doute pas à deux réimpressions : aux Etats-Unis, où il est paru à l'automne 2010, le quatrième roman de Franzen a allègrement dépassé le million de ventes. Outre-Atlantique, l'auteur a bénéficié d'un traitement digne des plus grands. Après J.D. Salinger, Vladimir Nabokov, James Joyce ou encore John Updike, il figure désormais au panthéon des écrivains adoubés en couverture de l'hebdomadaire Time, avec ce titre sans ambiguïté : «Great american novelist» (Grand romancier américain).

 

Sur fond de bannière étoilée, en pleine crise bousière, le visage de Franzen a fait la une de Libération le 16 août dernier. «Il était une fois l'Amérique», titre le quotidien, qui n'avait pas fait à un auteur les honneurs de sa une depuis Emmanuel Carrère, en 2009, avec «D'autres vies que la mienne».

 

«Il s'agit de renouer avec une tradition inscrite dans l'histoire de Libération, qui veut que la parution d'une œuvre majeure soit un événement au même titre que l'économie ou la politique internationale», explique Sylvain Bourmeau, ancien directeur adjoint des Inrockuptibles, qui a rejoint Libé en avril dernier en tant que directeur adjoint de la rédaction après un passage par Mediapart. Pour le journaliste, il s'agissait de lancer la rentrée littéraire, mais aussi «de saluer un auteur en pleine force de l'âge et au sommet de son travail». Plutôt in vivo que post-mortem.

 

«Dans la presse, on a tendance à célébrer le talent des écrivains à leur mort», remarque Sylvain Bourmeau. Bien évidemment, il est important de bien enterrer les gens. Mais on ne peut pas avoir une approche morbide de la culture». Ce à quoi adhèrent manifestement les lecteurs : avec cette couverture sur Franzen, Libération à réalisé des ventes qui se situent «dans la fourchette haute du quotidien». Le 20 août, c'était au tour de l'écrivain David Grossman de faire la une du journal pour son livre «Une Femme fuyant l'Annonce». Et le 27 août, le quotidien a publié pour la première fois un supplément littéraire de vingt pages, présentant les acteurs majeurs de la rentrée littéraire. «Franzen n'était pas un «coup éditorial», souligne Sylvain Bourmeau.

 

Un vent de nouveauté semble bel et bien souffler sur cette immémoriale rentrée littéraire, si viscéralement française. Le 19 août, une institution, Le Monde des Livres, lançait une nouvelle formule. «Nous entendons rompre avec l'omniprésence de la recension et du compte-rendu dans le journalisme littéraire», annonce Jean Birnbaum, rédacteur en chef. Le supplément livres a lui aussi adopté un parti-pris fort, en consacrant un article de Une enthousiaste, signé Patrick Rambaud, au premier roman d'Alexis Jenni, «L'Art Français de la Guerre». «Quatre têtes d'affiches vont dominer la rentrée : David Grosmann et Jonathan Franzen en littérature étrangère, Eric Reinhardt (Le Système Victoria) et Emmanuel Carrère (Limonov) côté français. En «mettant le paquet» sur Alexis Jenni, nous voulons revenir aux fondamentaux du Monde des Livres, qui n'hésitait pas à se montrer très clivant, faisait grincer des dents, faisait peur aussi. Nous voulons être attendus», avoue Jean Birnbaum. Ce regain de vigueur éditoriale redonnera-t-il un coup de fouet à la rentrée littéraire ? Avec 654 sorties contre 701 en 2010, le volume de parutions n'a jamais été aussi faible depuis dix ans.

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