La fondatrice du Huffington Post, dont une version française sera lancée en France courant novembre, était l’invitée de la leçon inaugurale du Centre de formation des journalistes le 10 octobre. Huit à dix embauches sont prévues.

Le sourire est un rien crispé, pas un cheveu ne dépasse du brushing. Hiératique dans sa vaporeuse blouse couleur chair, Arianna Huffington dispensait la 64e leçon inaugurale du Centre de formation des journalistes (CFJ) le 10 octobre, sous les lambris de la mairie du IVe arrondissement parisien.

Quelques heures auparavant, on avait appris le lancement prochain en France de son site, le Huffington Post, à la mi-novembre, en partenariat avec Le Monde. «L'émotion du jour ne saurait être une information», a lâché en préambule, et en français dans le texte, celle qui fut, lors de ses études à Cambridge, championne de concours d'éloquence et qui a étudié le Français comme première langue étrangère.

Arianna a de beaux restes : c'est avec un vibrato dans la voix qu'elle évoque ses parents, «mon père, qui m'a donné l'amour du journalisme, ma mère, celui de la conversation», la rencontre des deux donnant naissance, bien évidemment, au Huffington Post. Arianna est une conteuse née, d'ailleurs elle voit dans le storytelling l'un des défis auxquels doivent faire face les médias aujourd'hui.

Dans un discours résolument positif, très à l'américaine, la flamboyante journaliste a martelé: «Je ne crois pas, comme le disent certains, que le journalisme soit en péril. Au contraire: nous vivons son âge d'or, et je suis très optimiste sur son avenir.»

Pas un journalisme au rabais

Il mange de la «junk food», il écoute sa musique trop fort, il répond à ses parents... Mais il est temps qu'il devienne une grande personne. C'est avec cette - amusante - image qu'Arianna Huffington décrit le journalisme sur Internet. «Le journalisme Web a vécu son adolescence, avec les excès que cela implique. Il est désormais adulte, et ne doit pas avoir des standards d'exigence inférieurs à l'ancien», estime la médiacrate. Et de réaffirmer sa foi dans les fondamentaux, selon elle, véhiculées par le «Huff Po», comme on l'appelle familièrement outre-Atlantique: le meilleur de l'ancien journalisme (le «fact-checking», la pertinence, l'enquête, la narration) et le meilleur des nouveaux médias (la réactivité, le «crowdsourcing», les interactions).

Arianna en est certaine: on ne reviendra pas en arrière. Elle retrouve un instant ses origines grecques pour citer un illustre compatriote: «Héraclite disait que l'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Eh bien, la rivière du journalisme à l'ancienne s'est tarie»... Joli.

Polémique

Drôle de coïncidence: alors que la papesse du journalisme nouvelle génération faisait la leçon, France-Soir annonçait au même moment l'arrêt probable de son édition papier. Une information qui s'est répandue comme une trainée de poudre sur Twitter, et donc dans l'assistance.

Jamais Arianna, dont le modèle de journalisme est honni par une frange importante de la presse internationale, ne se démonte. Comme pour se justifier ou convaincre son auditoire, elle martèle à longueur d'intervention qu'elle est issue du journalisme. «L'engagement et la participation sont l'avenir du journalisme», psalmodie-t-elle, tel un mantra. Certes, mais le «Huff Po» est fréquemment brocardé, accusé de profiter des contributions non rétribuées des blogueurs et de faire son audience sur le dos des médias traditionnels en en synthétisant les articles. L'ère est au «curation», comme disent les Américains. Autrement dit le regroupement et la sélection sur un même site des meilleurs contenus publiés sur Internet.

On peut d'ailleurs s'interroger sur le choix d'une personnalité aussi polémique pour apporter la bonne parole à des étudiants en journalisme... Christophe Deloire, directeur du CFJ, assume complètement: «Le Huffington Post est un succès économique et journalistique incontesté», estime-t-il. «Il important de savoir dans quel fleuve les étudiants vont se baigner.» Ils sauteront peut-être dans le grand bain Huffington plus tôt que prévu: huit à dix embauches sont prévues pour le lancement du site en France.

 

Le nom de Marc-Olivier Fogiel était d'ailleurs évoqué à la direction de la rédaction de ce nouveau site. Interrogé, Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde assure qu'il n'en est pas question. Il est vrai que Arianna Huffington et le groupe Le Monde auront l'embarras du choix : dès l'officialisation de la création du Huffington Post français, «toute la place de Paris» avait envoyé son CV, assure-t-on aux Nouvelles Editions Indépendantes, la holding de Matthieu Pigasse , où l'on précise que Marc-Olivier Fogiel pourrait néanmoins collaborer s'il en avait envie. 

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