L'année des médias 2011
Les premières femmes reporters à investir les zones de guerre, surnommées les pétroleuses, ont laissé la place à une nouvelles génération. La révolte des pays arabes les a mises en avant.

Liseron Boudoul se souviendra longtemps des visages interloqués de ces rebelles libyens. «En plein combat, je m’étais invitée sur leur pick-up armé, raconte la journaliste de TF1. Réticents au début parce que j’étais une femme, ils ont finalement accepté de me prendre à bord devant mon insistance.» En République démocratique du Congo, Liseron Boudoul avoue avoir eu des menaces de viol. «Les dangers sont toujours présents, on vit avec cette idée, et c’est autant vrai pour les femmes que pour les hommes», lâche la jeune femme qui, en Libye, a évité de peu les balles d’un «sniper» lors d’un direct dans le JT de TF1. 

 

En novembre, le drame de Caroline Sinz a malheureusement rappelé la réalité de ces dangers. L’envoyée spéciale de France 3 au Caire a été prise à partie par un groupe d’hommes sur la place Tahrir. L’agression a été d’une extrême violence et à caractère sexuel. Tout le monde s’est révolté. Toutefois, pas question de remettre en cause le statut des femmes grands reporters, omniprésentes lors de la révolte des pays arabes, et jugées sur le même pied d’égalité que leurs homologues masculins. «Quand on envoie une équipe dans un pays, le sexe n’intervient jamais dans le choix, c’est uniquement une question de compétence», insiste Catherine Nayl, directrice de l’information de TF1.

 

 

«Longtemps, le grand reportage a été une tradition masculine, poursuit-elle. Ces journalistes avaient l’image de baroudeurs. Mais, dans les années 90, est arrivée une vague de jeunes femmes qui ont prouvé qu’elles avaient autant de compétences.» Catherine Jentile ou Martine Laroche-Joubert ont ouvert la porte aux pétroleuses, surnom dont elles ont été affublées. «Être une femme, sur le terrain, n’est pas plus dur, soutient Isabelle Baillancourt, pionnière en la matière, aujourd’hui rédactrice en chef adjointe du journal de 20 heures de TF1. J’ai rarement été refoulée parce que j’étais une femme. Dans les pays arabes, ce n’est pas le problème. Avant toute chose, nous sommes considérées comme des occidentaux.»

 

«On fait le métier comme un mec, même si quelquefois le fait que je sois une femme dérange, poursuit Liseron Boudoul. Dans ce cas, j’y vais à l’intuition et à la psychologie. Nous avons, peut-être, une meilleure écoute que les hommes et une plus grande sensibilité.» La journaliste avoue quand même que, parfois, il faut aussi «avoir des couilles». Manon Loizeau, pour Capa, n'a pas hésité à franchir la frontière syrienne pour faire témoigner des adolescents torturés dans un document diffusé le 1er décembre, dans Envoyé spécial, sur France 2.

 

«Elles sont tenaces et font preuve d’un remarquable sang-froid dans des situations extrêmes où elles se plaignent beaucoup moins que les hommes, certifie Thierry Thuillier, le patron des rédactions de France Télévisions. Elles me bluffent.» Dommage que le phénomène soit plutôt français. «En Libye je n’ai pas rencontré beaucoup de femmes parmi mes confrères étrangers», regrette Liseron Boudoul.

 

Être une femme permet aussi de faciliter les contacts. «En Afghanistan, en pleine période des talibans, j’ai recueilli les témoignages de femmes que seule une journaliste femme pouvait avoir, note Isabelle Baillancourt. Maintenant, il faut savoir également respecter l’intimité, par exemple des lieux de culte. Mais, porter un voile ne m’a jamais empêchée d’exercer mon métier.» Pour elle, la question de savoir s’il faut toujours envoyer des femmes dans des zones jugées dangereuses ne se pose donc pas. «C’est un débat archaïque», ajoute-t-elle. Le mot reporter est unisexe, et c’est sans doute mieux ainsi.

 

 

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