Les représentants des salariés de La Tribune, soutenus par quelques sénateurs, ont appelé jeudi 8 décembre le gouvernement à sauver le dernier journal économique indépendant, menacé de redressement judiciaire.

Le SOS a été émis depuis une salle du Sénat, depuis peu présidé par le socialiste Jean-Pierre Bel. Des représentants des salariés de La Tribune et des sénateurs de la commission de la Culture et de la Communication ont appelé jeudi 8 décembre le gouvernement à venir en aide au dernier journal économique «indépendant». Autrement dit, il s'agit de défendre le pluralisme de la presse quotidienne d'information économique face aux Echos, titre détenu par le premier groupe de luxe mondial, LVMH.

Si le 16 décembre à midi aucun repreneur potentiel n'a déposé d'offre auprès de l'administrateur judiciaire pour sauver La Tribune, le tribunal de commerce devrait prononcer le 19 décembre le redressement judiciaire du titre actuellement en procédure de sauvegarde. «Le pluralisme est un pilier nécessaire et indispensable à notre démocratie et toute disparition d'un titre de presse la fragilise», a déclaré la présidente de commission de la Culture et de la Communication Marie-Christine Blandin (Europe Ecologie Les Verts). Et la sénatrice communiste Brigitte Gonthier-Maurin de renchérir: «Nous avons besoin de maintenir une presse d'opinion».

Période électorale

Si La Tribune disparait des kiosques, la presse économique sera représentée par Les Echos et Le Figaro. Or le représentant d'Infocom-CGT, Christian Lefranc, craint de «laisser à LVMH et à Dassault [propriétaire du Figaro] le soin de propager le discours économique du pouvoir». Son confrère du Syndicat national des journalistes, David Larbre, va dans le même sens en affirmant qu'il se méfie du propriétaire des Echos Bernard Arnault (LVMH), ex-propriétaire de La Tribune, même si ce dernier avait laissé 47 millions d'euros de trésorerie au repreneur du journal, Alain Weill, en 2007. «En cette période de crise, l'information économique sera au cœur de la campagne présidentielle et les risques d'interventionnisme de ce proche de l'Elysée seraient extrêmement dommageables», argue-t-il.

Le syndicaliste dénonce le «silence assourdissant» du gouvernement, «alors qu'il avait modifié l'article 34 de la Constitution en 2008 pour mieux assurer le pluralisme de la presse en France» et demande aux pouvoirs publics de «garantir un délai transitoire, le temps de faire un véritable tour de table». Marie-Christine Blandin (EE-LV) a indiqué qu'elle poserait une question d'actualité au gouvernement à ce sujet la semaine prochaine. Absent lors de la conférence de presse, le vice-président de la commission de la Culture, le sénateur UMP Jacques Legendre, indique à Stratégies qu'il n'a pas été invité à cette conférence, mais qu'il tient lui aussi à «une presse diversifiée».

Rôle de trublion

La Tribune a reçu une vingtaine de «manifestations d'intérêt», mais pas d'offre de reprise officielle. Le personnel espère qu'un défenseur du papier viendra à son secours. «Un projet seulement numérique serait précipité, estime Aline Robert, car les supports numériques ne sont pas prêts à financer une rédaction de 78 journalistes qui continue de sortir des infos malgré le contexte difficile», en bon «trublion» de la presse économique. Elle avait ainsi annoncé dès le 29 novembre l'intention de Standard & Poor's de placer le AAA de la France sous perspective négative, entraînant un démenti cinglant de François Fillon («La Tribune dit n'importe quoi»).

Si rien ne bouge, les syndicats appelleront à mener une journée sans journaux le 16

décembre.

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