internet
Du contenu éditorial rédigé non pas par un journaliste mais par une machine, l’idée pourrait devenir réalité dans les médias français en 2012. Déjà, RTL propose sur Ipad un flux de commentaires générés automatiquement pour suivre les matchs de Ligue 1.

Mercredi 21 décembre. Lille accueille Nice à l'occasion de la 19e journée de Ligue 1. Soixante-quatrième minute, «Moussa Sow (Lille), de la tête depuis le point de penalty, voit son tir stoppé par le gardien au milieu du but». Un peu plus tard, «Eric Mouloungui a essayé de passer la balle en profondeur, mais Franck Dja Djedje était hors-jeu». Connectés à l'application RTL football, lancée sur Ipad mi-décembre, les passionnés de ballon rond que nous sommes pensons lire les commentaires d'un journaliste, comme d'autres sites proposent un suivi en direct des rencontres en cours. Il n'en est rien.
Ces commentaires sont en fait générés automatiquement – par une machine donc – en fonction des actions enregistrées et codifiées par la société Opta, spécialiste des statistiques sportives. Une première en France pour un média grand public.
«Pour chaque match, trois types d'informations sont récoltées par nos analystes: l'action faite avec le ballon, à choisir parmi plus de 260 possibilités, l'endroit sur le terrain où celle-ci est effectuée, et à quel moment du jeu nous sommes», explique David Collet, directeur des ventes d'Opta pour la France.
Passe courte, lobée, but marqué au ras du poteau à droite, touche: chaque action est ainsi codifiée, associée aux joueurs concernés et au chemin parcouru par le ballon à cette occasion. La machine génère ensuite une phrase, envoyée aux clients de ce flux de commentaires automatisés.
C'est le cas de RTL Football, via la société Netco Sports. «Dans le “match center”, nous avons choisi d'offrir une approche quantitative, presque scientifique, des matchs et non une couverture éditoriale et sportive, pour des raisons de moyens et aussi car nous ne voulions pas concurrencer le multiplex RTL diffusé sur notre antenne», justifie Tristan Jurgensen, directeur général de RTL Net.
D'un flux de commentaires automatisés à l'écriture d'articles entiers par un robot, il n'y a qu'un pas que l'intelligence artificielle permet déjà de franchir aux Etats-Unis. Principal acteur du secteur, la société Narrative Science, dont la technologie permet déjà de produire des articles entiers à partir de données brutes dans le domaine du sport, mais également de l'information locale, de la finance, de l'immobilier ou des sondages politiques. Et le résultat est bluffant.
«Dans le sport, beaucoup de médias n'ont pas les moyens humains et financiers suffisants pour couvrir toutes les rencontres. La génération automatique d'articles fournit aux journalistes un socle d'écriture dès la fin de la rencontre, qu'ils aient vu le match ou pas, quitte à retravailler le texte ensuite», souligne David Collet d'Opta.
En France, c'est l'un des axes sur lesquels travaille la société Syllabs, qui associe linguistes et informaticiens. «Notre technologie permet de générer automatiquement des textes uniques “de qualité humaine” à partir de bases de données. Cela peut être utile sur des choses très précises, dans le sport ou en cas de catastrophe naturelle», explique Claude de Loupy, fondateur et directeur général.
Face au tollé qu'une telle possibilité risque de susciter dans les rédactions si elle venait à être mise en œuvre, les acteurs du secteur se veulent rassurants. «On ne va jamais remplacer les journalistes par les machines, c'est complémentaire. La génération automatique de contenus permet aux journalistes de se recentrer sur leur vraie valeur ajoutée, à savoir l'analyse», assure Christophe Tricot, responsable produit chez Syllabs.
Deux groupes de presse français seraient déjà en discussion pour mettre en place cette technologie. A quand les premiers articles écrits par des robots ? «J'espère en 2012. Nous sommes prêts», conclut Claude de Loupy.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.