A moins de trois mois de l’élection présidentielle, le temps de parole des candidats à la télévision et à la radio est comptabilisé à la seconde près. Au CSA, une cellule veille. Reportage.

Ils sont cinq à travailler dans cette petite pièce située au 9e étage de la tour Mirabeau, dans le 15e arrondissement de Paris, siège du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Casque vissé sur les oreilles, yeux rivés sur leur écran, ce sont eux qui, chaque jour, quatre heures durant, vérifient que chaînes de télévision et stations de radio respectent bien les règles en vigueur concernant le temps de parole des candidats à l'élection présidentielle.

 

Depuis le 1er janvier, les médias audiovisuels doivent respecter l'équité du temps de parole mais aussi du temps d'antenne entre les candidats, qu'ils soient déclarés ou présumés. De quoi comptabiliser les propos de Nicolas Sarkozy dès lors que le candidat pointe derrière le président.

 

Au nom de l'équité, les chaînes accordent plus ou moins de temps à chacun en fonction des résultats des dernières élections et des sondages d'intentions de vote. Le 20 mars, date de publication de la liste définitive des candidats, viendra le temps de l'égalité du temps de parole, à laquelle s'ajoutera à partir du 9 avril l'égalité du temps d'antenne, avec condition de programmation comparable.

 

«Contrairement à Internet et à la presse, qui nécessitent un geste actif de l'utilisateur, la télévision et la radio sont reçues de façon passive. D'où cette régulation, en vigueur depuis la loi audiovisuelle du 30 septembre 1986», explique Christine Kelly, chargée du pluralisme au CSA.

 

Retour au sein de la cellule qui contrôle ces temps. Les observateurs sont pour la plupart d'anciens étudiants en sciences politiques ou en droit, passionnés par la chose publique. Ils sont employés en contrat à durée déterminée, à mi-temps. En période électorale, deux équipes de cinq personnes se relaient tout au long de la journée, auxquelles s'ajoutent deux collaborateurs chargés de répondre aux interrogations des chaînes.

 

Le calcul inclut le temps de parole des soutiens

Sur l'ordinateur d'un des observateurs, Le Petit Journal de Canal+. Ce jour-là, Yann Barthès reprend une courte intervention de Jean-Marie Le Pen. Une vingtaine de secondes sont alors allouées à sa fille Marine. En revanche, lorsque sont mis bout à bout les «heu» de François Hollande ou les mimiques gestuelles de Nicolas Sarkozy, la séquence n'est pas comptabilisée.

 

Même chose pour Les Guignols de l'info ou les imitations de Laurent Gerra. «L'humour n'est pas décompté car le téléspectateur sait qu'il doit prendre de la distance», estime Christine Kelly.

 

Interventions des candidats mais également les propos tenus par leurs soutiens: le CSA additionne indifféremment ce que disent à l'antenne les politiques, les stars du show-business et même les inconnus interrogés dans la rue, dès lors qu'ils appellent à voter en faveur de tel candidat.

 

Pour les politiques en fonction, comme les membres du gouvernement, ne sont comptés que les propos qui «contribuent à dresser un bilan de l'action passée, exposent les éléments d'un programme [ou qui] peuvent avoir une incidence directe et significative sur le scrutin».

 

Et si un ministre dénigre le camp adverse, ce qu'il dit est comptabilisé dans le temps de parole du candidat de la majorité. Les commentaires des journalistes sont eux décomptés dans le temps d'antenne.

 

Tour Mirabeau, les observateurs se concentrent sur les cinq principales chaînes de télévision, audience oblige. Les antennes des chaînes d'information en continu et des stations de radio sont analysées par roulement, et des contrôles sont effectués de façon aléatoire. Chaque chaîne a de toute façon l'obligation de comptabiliser ses propres temps.

 

En cas de non-respect de ces règles, les sanctions peuvent aller jusqu'à une amende correspondant à 3% du chiffre d'affaires de la chaîne. Du jamais vu pour l'instant. «Le CSA a rarement à sortir le carton rouge. Nous discutons beaucoup avec les chaînes en amont pour éviter d'en arriver là. Celles-ci sont de toute manière très attentives, car il en va de leur crédibilité», conclut Christine Kelly.

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