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La nouvelle série de Canal+ s’installe en Afghanistan. Une comédie dans un pays qui, à l'époque, sort d'un conflit et où les talibans ne sont pas réputés pour leur humour. Il fallait oser.

Veuillez déposer votre Kalachnikov au vestiaire. Au Kaboul Kitchen, on mange, on boit de l'alcool, on chante, on danse, on se baigne même nu dans la piscine… mais on ne s'y entretue pas. Situé en plein centre de la capitale afghane, ce lieu improbable rassemble les affairistes du pays. C'est le point central de la nouvelle série de Canal+ (12 épisodes de 30 minutes à partir de lundi 13 février). Une comédie.

Bistrotier opportuniste et roublard, Jacky (Gilbert Melki) fait du «business» avec son restaurant dans un pays post-conflit (nous sommes en 2005), malmené entre la corruption des fonctionnaires, les talibans, et où grenouille une population cosmopolite composée de militaires, mercenaires, marchands d'armes, narcotrafiquants, reporters baroudeurs et représentants d'ONG. Kaboul Kitchen a un air de MASH, série des années 1970 tirée du film sur la guerre de Corée de Robert Altman, dont le sous-titre était «Dieu que la guerre est drôle!».

 «Ce restaurant a vraiment existé, c'était le mien», explique Marc Victor, l'un des coauteurs de la série, avec Jean-Patrick Benes et Allan Mauduit. Dans la réalité, Kaboul Kitchen s'appelait L'Atmosphère. «L'idée était de lancer une chaîne dans les pays hostiles, et nous en avions également ouvert un au Pakistan», confie l'ancien journaliste, qui a beaucoup puisé dans ses souvenirs. La série est scénarisée et romancée pour la télévision, mais la plupart des anecdotes sont vraies», poursuit-il. Comme cette ONG qui a envoyé des dizaines de skis, bâtons et chaussures dans un but humanitaire.

Une comédie crédible et sans tabou

Dans Kaboul Kitchen tout le monde en prend pour son grade: expatriés, militaires, politiques, humanitaires, Afghans, religieux… «C'était un pari, mais la comédie permet de parler de tous les sujets, à condition de ne pas être méprisant, explique Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction chez Canal+. Il n'y avait aucun tabou.» La situation politique et militaire du pays n'est abordée que de façon accessoire. Ce n'était pas le propos.

Pas question aussi de produire à Kaboul: «Trop dangereux», admet Fabrice de la Pattelière. Une équipe réduite a quand même tourné dans la ville en caméra cachée. Ces images servent au générique et sont insérées en plans de coupe entre les scènes, réalisées à Casablanca. «Il fallait être crédible, pas forcément réaliste», confie le dirigeant de Canal+.

Dans les studios marocains, la production (Scarlett Production et Chic Films), qui a bénéficié d'un budget global de 500 000 euros par épisode, s'est attardée sur les détails. Les palmiers, rares à Kaboul, ont été cachés. Du matériel (affiches électorales, éléments de décoration, vêtements, etc.) a été spécialement rapporté, comme les burkas ou le shalwar kamis, la tenue afghane. «Je réajustais toujours le pakol, le célèbre béret à la Massoud, faisais attention à la barbe des figurants et à leur accent, rapporte Marc Victor. Nous avons été aidés par un Afghan qui parlait le dari [l'une des deux langues officielles de l'Afghanistan, avec le pashto]».

«Tout est vrai, même si les situations et les traits des personnages ont été forcés, estime Constance de Bonnaventure, reporter pour France 24 et RFI, qui a fréquenté le fameux restaurant de Kaboul. J'ai retrouvé plein de détails, notamment la manière de travailler avec les Afghans, qui est très réaliste. Mais tout le monde a droit à son couplet.» La journaliste a un traitement de faveur dans la série: son nom est celui de l'associé de Jacky, le bistrotier. Kaboul Kitchen, dont la saison 2 est déjà dans la tête des auteurs, n'est pas un docu-réalité, mais la réalité n'est pas loin.

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