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Le député de Paris, secrétaire national au Parti socialiste en charge des médias et proche de Martine Aubry, explique pourquoi François Hollande veut réformer le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Vous avez demandé un CSA «pleinement indépendant». Pensez-vous, comme François Mitterrand, à propos de la CNCL, que cette instance n'a rien fait qui mérite le respect ?

Patrick Bloche. Non, on ne peut pas dire les choses ainsi. Mais nous avons été amenés à nous interroger sur l'inaction du CSA. C'est quand même l'instance chargée de trouver les bons équilibres. Or, elle n'a pas joué son rôle de régulation. Nous l'avions interpellée à propos de la problématique du temps de parole posée par l'interventionnisme du président de la République depuis cinq ans. Il a fallu qu'on saisisse le Conseil d'Etat pour qu'il impose au CSA que ce temps de parole soit pris en compte. De même, quand TF1 a racheté NT1 et TMC au groupe Berda, il n'a rien dit alors qu'il s'agit de la vente de fréquences, autrement dit d'un bien public attribué gratuitement. De ce fait, il se trouve dans une situation compliquée pour jouer au gendarme avec le rachat par Canal+ de Direct 8 et Direct Star. Le nombre de nouveaux entrants s'est ainsi réduit comme peau de chagrin sur la TNT.

 

Quand Michel Boyon se prononce pour la concentration dans les médias, sort-il de son rôle ?

P.B. Oui, ce n'est pas au président du CSA de dire quelle est la bonne taille des groupes audiovisuels. De même, j'avais été choqué que, dans une sorte de harakiri, il trouve satisfaisant que le chef de l'Etat retire au CSA la désignation des trois présidents de l'audiovisuel public. Il faut réformer la composition de ce collège, le fait que ses neuf membres aient été nommés par la droite pose un problème politique. C'est la raison pour laquelle François Hollande a souhaité que le CSA puisse voir sa composition revue de manière consensuelle par une majorité des trois cinquièmes des deux assemblées.

 

Concernant l'Audiovisuel extérieur de la France, est-ce que les jeux sont faits depuis la fusion RFI-France 24-Monte Carlo Doualiya ?

P.B. Alain Pouzilhac a avancé à marche forcée. Mais François Hollande a signé une pétition pour dire son opposition à la fusion entre RFI et France 24. Autant les deux médias peuvent travailler ensemble, autant fusionner une radio et une télévision nous apparaît comme une aberration. L'idée est donc de reprendre le dossier, de mettre en place un moratoire pour suspendre la fusion et de se poser les vraies questions: pourquoi et pour qui a-t-on un audiovisuel extérieur? Il y a sans doute des synergies à rechercher entre France 24 et France Télévisions. Faut-il aller jusqu'à un adossement? Compte tenu des incertitudes sur le groupe public, des difficultés sur son financement, je me demande si charger la barque un peu plus est opportun. En revanche, il faut sortir TV5 de l'AEF. Il serait assez pertinent que France Télévisions récupère les 49% de la holding dans la chaîne francophone. Surtout que TV5 est amenée à retraiter beaucoup de contenus de France Télévisions.


Frédéric Mitterrand a-t-il tort quand il dit que François Hollande va refaire une loi Hadopi sous un autre nom, c'est-dire une loi qui protège le droit d'auteur mais sans la suspension d'Internet par exemple?

P.B. François Hollande a exprimé son intention de remplacer Hadopi. Cela ne veut pas dire faire la même chose. Il a dit lui-même que cette loi avait été un échec. Elle a créé des divisions inutiles entre les internautes et les créateurs. Lui est dans une démarche de réconciliation, d'apaisement. A partir de là, il faut penser un dispositif différent qui ne soit pas basé sur l'intimidation ou un pari perdu d'avance qui consiste à contraindre par la loi des milliers d'internautes de changer leurs habitudes dans l'accès à la culture. L'affaire Mega Upload a montré que si l'on veut lutter efficacement contre la contrefaçon, contre une diffusion des œuvres sans rémunération du droit d'auteur et des droits voisins, il faut plutôt s'attaquer aux sites qui permettent le téléchargement direct de ces contenus.

 

Est-ce que malgré tout, cela n'a pas eu un effet de dissuasion ?

P.B. J'en doute. Je conteste cet effet psychologique même si la Hadopi elle-même a beaucoup communiqué en disant que 20% des internautes avaient abandonné les échanges «peer to peer».

 

Lors du débat des primaires, on a parlé d'une contribution de 3 euros des internautes...

P.B. Cela avait été évoqué par Martine Aubry mais François Hollande n'a pas voulu préempter le débat. Si on peut rémunérer le droit d'auteur sans faire contribuer les internautes, je prends. Il ne faut pas être dans le mythe d'une solution miracle: il y aura forcément de nouveaux financements, au pluriel, pour la musique, le cinéma, le livre... Il faudra trouver des dispositifs après avoir évalué sérieusement les besoins de financement de la création. François Hollande dit par exemple qu'il repassera de 7% à 5,5% le taux de TVA réduit pour le livre. Sur la musique enregistrée, qui voit la courbe descendante de son chiffre d'affaires s'atténuer, il faut veiller à booster l'offre légale. Sur le cinéma, il n'y a pas de problème de financement, mais ce financement peut être plus menacé par la télé connectée que par le piratage, où l'on constate que les films les plus piratés sont ceux qui font le plus d'entrées en salles.

 

Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) craignent d'être encore une fois taxés et disent que cela se répercutera sur la facture du consommateur...

P.B. Dans un domaine très concurrentiel, ce sera un enjeu. Pourquoi le FAI, s'il est taxé, devrait-il répercuter cette taxe sur le consommateur? Après tout, les opérateurs télécoms payent bien une taxe de 0,9% de leur chiffre d'affaires pour combler le manque à gagner publicitaire de France Télévisions. Comme cette taxe-là, qui n'a pas été répercutée, va être abolie par la Commission européenne au terme d'une procédure à la fin de l'année, le gouvernement va se retrouver avec une bombe à retardement budgétaire qui pourrait se chiffrer à 1,3 milliard d'euros. Il faudra alors une négociation globale. On pourra se tourner vers ceux qui payaient la taxe télécoms et voir comment rediriger ces 300 ou 350 millions d'euros destinés à compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévisions. Sachant que le budget de l'Etat ne peut pas se permettre de supprimer la publicité en journée.

 

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