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Le directeur de l'information de France Télévisions, Thierry Thuillier, est accusé de vouloir appauvrir les journaux de la rédaction nationale de France 3 au profit de la Deux.

Ce 26 juin, à la sortie d'un colloque sur l'audiovisuel, Ulysse Gosset vient taper sur l'épaule de Thierry Thuillier, directeur de l'information de France Télévisions: «Je voulais te féliciter pour ta motion de défiance», plaisante l'ancien directeur de la rédaction de France 3. Face à des journalistes volontiers rebelles, la motion fait presque figure de passage obligé. Ulysse Gosset y a eu droit, comme d'autres. Pourtant, le vote massif de rejet contre Thierry Thuiller (74%), le 21 juin, illustre le malaise des 201 journalistes de la rédaction nationale de France 3 face à un projet éditorial qui vise à mieux l'articuler à celle de France 2. «Je travaille à la convergence des moyens d'information, pas à la construction de rédactions qui se regardent en chiens de faïence», confie le patron de l'information. D'ailleurs, afin de faciliter les échanges, un nouveau serveur est prévu pour les caméras, il reprend le format de France 2.

«Thierry Thuillier a deux enfants, et une fille préférée: la Deux», schématise Patrice Machuret, président de la Société des journalistes (SDJ) de France 3. Pour preuve, l'homme raconte l'envers du succès que furent, pour la Trois, les soirées électorales de sa consœur. Après les résultats de la présidentielle, pas d'analyse en régions, mais les films Oscar et Hibernatus. Soit entre 520 000 et 580 000 téléspectateurs. «J'assume le frontal», répond Thuillier quand le représentant des journalistes l'interpelle. Aux législatives, une spéciale réunit pourtant 2 millions de téléspectateurs. «Il n'y a jamais d'arbitrage en notre faveur, ajoute Machuret. Pour diffuser les JO, on fera sauter six Soir 3 pour les remplacer par des tout-en-images à une heure du matin. La direction de l'info n'est pas capable dire: rebasculez un peu les JO sur France 2 ou sur France 4. Ce que veut Thuillier, avec son management brutal, c'est que le 20 heures de la Deux batte celui de TF1.»

Journaux centrés sur la société française

Auréolé de la réussite du journal de David Pujadas et de son dispositif présidentiel, le dirigeant récuse cette idée de préférence obsessionnelle. Explications: «Je cherche à renforcer l'identité de la chaîne. La ligne éditoriale de la Trois, c'est la proximité, les territoires, les régions; France 2, c'est la chaîne de l'événement. J'ai expliqué à la rédaction nationale de France 3 qu'on ne pouvait pas produire un journal qui ne soit pas en ligne avec ça. Les lignes éditoriales des éditions nationales ne sont pas encore spécifiques.» D'où l'exigence de journaux centrés en priorité sur la société française. «Sur la partie news, si les journalistes doivent partir à l'étranger, ils partent. Mais pour les sujets froids, je préfère des reportages sur les hôpitaux, les écoles, le logement ou l'Europe dans sa proximité plutôt qu'une vaste enquête sur le terrorisme».

Faut-il y voir une limitation des ambitions de la Trois? Le président de la SDJ le soutient. Depuis janvier 2010, le service étranger a été intégré à un pool associant les «infos génés». Résultat: le fait-divers y côtoie le traitement de l'international. Le 12/13 chasse sur les terres de Jean-Pierre Pernault tandis que le 19/20, même s'il a gagné 250 000 téléspectateurs, souffre d'un manque cruel d'invités politiques. «On nous a aussi annoncé il y a deux ans un grand Soir 3, façon BBC, avec une forte orientation européenne, rappelle Patrice Machuret. Mais on n'a rien vu.» A la rentrée, l'homme voit arriver un grand conflit sur l'information avec, cette fois, le renfort des régions. Et ce n'est pas le groupe de travail créé pour réfléchir sur les contenus qui apaisera les esprits: «Il est animé par Jérôme Cathala qu'on a rejeté et dirigé par Thierry Thuillier qu'on veut voir partir…»

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